Il est vrai qu'il avait déjà été victime d'une telle mésaventure.
Or donc, Alain Adam ne cesse d'alléguer que les Panzer devaient impérativement être stoppés le 24 mai pour se refaire une santé, dans la mesure où l'armée allemande (victorieuse jusque là) était, au bout d'à peine quatorze jours de campagne, à la veille d'une catastrophe. Alain Adam allait ainsi prétendre:
Alain Adam a écrit:... continuer allait encore plus réduire les forces disponibles ( chute exponentielle de jour en jour , flagrante lorsque l'on observe les chiffres, comme je le fais ) , et allonger les distances , donc ralentir d'autant l'approvisionnement et le remplacement , pour finir avec des panzer divisions ayant le potentiel de combat au maxima d'un bataillon .
Il osait même ajouter, dans ce même message:
Alain Adam a écrit:Mais il est clair aussi , que les tankistes auraient fini à pied , avec une MG-34 sur l'épaule , tout juste démontée de leur char en panne , abandonné sur le terrain .
Il va sans dire que, comme il l'a déjà été rappelé à maintes reprises sur ce fil, ni les généraux allemands, ni même Hitler ne partageaient une appréciation aussi pessimiste de la situation logistique. Comme l'a indiqué Karl-Heinz Frieser en se fondant sur le rapport d'activité logistique du Panzergruppe Kleist (voir sa contribution dans Michael Krause et Cody Phillips, dir., Historical perspectives of the operational art, Washington, Center of Military History, 2005, p. 170):
Karl-Heinz Frieser a écrit:... pas une seule crise logistique n'est intervenue entre le 10 mai et la prise de Calais [le 26 mai] qui ne pouvait être traitée avec les ressources du Groupe Kleist.
Par ailleurs, le rapport d'activité de la 4. Armee, rédigé il est vrai plusieurs mois après les événements, mentionne, au 23 mai, que les difficultés logistiques étaient maîtrisées.
Mais il est vrai qu'Alain Adam ne cite aucun document à l'appui de sa théorie. Ses conclusions, du reste, ne découlent pas d'une enquête intéressant la totalité des divisions blindées allemandes, mais d'une "analyse" des pertes en chars subies par une seule d'entre elles, la 1. Panzer-Division.
Le problème est que c'est à cette occasion qu'Alain Adam va pulvériser sa propre théorie.
Or donc, voici ce qu'il écrit:
alain adam a écrit:Voici deux graphiques un peu plus complet , pour chacun des régiments de la premiere panzer division .
On constate sans aucun mal que le nombre de chars disponibles les 23/24 mai sont très faibles par rapport au reste de la campagne , plus particulièrement pour le PzRgt 2.
En cumulé , en ne retenant que les dates sur lesquelles j'ai les informations pour les deux régiments, voici ce que cela donne :
La division est donc à 31% de chars disponibles au 24 mai , ce qui signifie que sur les 4 bataillons panzer , il ne reste qu'un peu plus de l'effectif d'un seul bataillon en état de combattre .
Pis , si on observe les dotations restantes de réels chars ( III et IV ) au Pz Rgt 1 aux alentours du Haltbefehl , voici ce que l'on obtient :
( date - Pz III - Pz IV )
21/05 - 11 -13 : 24
22/05 - 13 -12 : 25
23/05 - 6 - 10 : 16
24/05 - 8 -10 : 18
25/05 - 11 -12 : 23
26/05 - 8 - 9 : 17 ( seule date ou j'ai les effectifs détaille du pzRgt2 : 10 PzIII et 2 PzIV , ce qui donne 29 chars de combat )
Je fais souvenir que la dotation de départ est de 30 Pz III et 20 Pz IV par régiment , soit une centaine de char pour la division ( auquel on peut ajouter les pétrolettes a chenille que sont les Pz I , et les automitrailleuses a chenille que sont les Pz II ) .
A titre liminaire, plusieurs remarques s'imposent:
- tout d'abord, de telles statistiques quotidiennes désignent la situation des chars, non au matin, mais au soir (ce détail a son importance);
- ensuite, il s'agit là des statistiques qu'a déterminées Alain Adam. Un historien ayant retracé l'historique de la 1. Panzer-Division, Rolf Stoves, produit des statistiques qui s'en rapprochent beaucoup, s'agissant à tout le moins de l'un des deux régiments blindés de cette formation, le Panzer-Regiment 1;
- seul le Panzer-Regiment 1 offre un état des pertes qui peut être suivi quotidiennement, du 22 au 26 mai inclus, et partiellement à compter du 27 mai.
Si la théorie élaborée par Alain Adam était exacte, si donc les effectifs de blindés connaissaient une "chute exponentielle de jour en jour , flagrante lorsque l'on observe les chiffres, comme je le fais", il y aurait lieu d'en déduire une baisse constante, rapide et massive des effectifs du Panzer-Regiment 1 à compter des 21-22 mai, lorsque les blindés nazis remontent vers les ports de la Manche, et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordre d'arrêt de Hitler, délivré le 24 mai 1940.
Il y a lieu, à cette phase du raisonnement, d'apporter cette précision, qui n'a rien d'un détail: d'après le journal de marche de la 1. Panzer-Division, que j'ai sous les yeux, cette dernière combat à Gravelines toute la journée du 24, quoique l'ordre d'arrêt soit reçu vers midi et soit définitivement confirmé dans la nuit. Ce n'est donc que le 25 mai que la 1. Panzer-Division interrompt son offensive.
Or donc, qu'indiquent les chiffres fournis par Alain Adam? Ceci, pour le Panzer-Regiment 1
- 21 mai au soir: 81 chars disponibles (dont 24 III et IV);
- 22 mai au soir: 75 chars disponibles (dont 25 III et IV);
- 23 mai au soir: 54 chars disponibles (dont 16 III et IV);
- 24 mai au soir: 62 chars disponibles (dont 18 III et IV).
Or donc, alors que cette formation n'a cessé de se battre les 23 et 24 mai (malgré le Haltbefehl), elle aligne, au soir du 24 mai, huit chars de plus que la veille, dont deux lourds.
Ce qui n'empêche pas Alain Adam de nous asséner, avec la plus pontifiante des certitudes, que "continuer allait encore plus réduire les forces disponibles ( chute exponentielle de jour en jour , flagrante lorsque l'on observe les chiffres, comme je le fais )", et que "les tankistes auraient fini à pied , avec une MG-34 sur l'épaule , tout juste démontée de leur char en panne , abandonné sur le terrain".
Une "chute exponentielle" des effectifs? Elle est à ce point exponentielle que les effectifs AUGMENTENT d'une journée à l'autre, entre le 23 et le 24 mai...
Bref, la théorie d'Alain Adam a été démontée par Alain Adam lui-même.