Post Numéro: 17 de Pigoreau 18 Jan 2014, 18:21
"Tout indique, au contraire, que Heydrich ne saurait prendre une pareille initiative sans l'accord, et de Himmler, et de Hitler."
C'est possible, c'est vraisemblable, c'est même probable, mais ce n'était pas certain. Nous n'en avons pas la preuve.
"Mais le plus intéressant n'est pas là : il est dans la certitude où se montrent non seulement mes deux aimables contradicteurs, mais la quasi-totalité des historiens, que l'épisode est insignifiant."
Je ne suis pas certain que l'épisode soit insignifiant et je n'ai pas écrit cela, contrairement à Léon. Foireux ne veut pas dire insignifiant. Vous avez peut-être flairé quelque chose qui mérite d'être creusé et c'est pour cela que je tente de vous y aider, notamment en vous rappelant l'attentat contre la synagogue de Vichy.
"Pour ce qui est de trier les documents qui vous arrangent, vous êtes un maître !"
Gratuit !
"Non seulement, comme je l'ai déjà indiqué, vous zappez la si importante lettre de Heydrich datée du 6 novembre pour ne retenir que l'interrogatoire de Karl Sommer par les Américains, mais vous vous y fiez aveuglément, sans faire cette constatation élémentaire qu'il charge un mort (Max Thomas) en passant sous silence le rôle d'un camarade incarcéré en attente de procès (Knochen)... alors que Sommer, subordonné de Knochen, passe nécessairement par lui pour contacter Thomas."
Non du tout, je ne zappe pas la lettre de Heydrich, importante en effet. Je verse au dossier les déclarations de Sommer (Hans) que je prends comme vous avec la distance nécessaire, notamment en rappelant le parcours pour le moins sinueux du personnage qui sert tour à tour l'Allemagne nazie, les Occidentaux puis, semble-t-il, l'Est, ce qui fait beaucoup pour un seul homme. Sommer ne charge ni Thomas ni Knochen, il ne parle ni de l'un ni de l'autre et laisse entendre (selon le compte rendu que l'on espère fidèle de l'officier français qui l'interroge) qu'il a directement rendu compte à Berlin, ce qui est très surprenant, j'en conviens, et même sans doute faux (mais pas totalement impossible). Au passage, à l'époque où Sommer est interrogé, Thomas ne s'est sans doute pas déjà suicidé et, même s'il est mort, rien n'indique que Sommer le sait.
"Sauf à considérer (c'est donc votre hypothèse implicite, et scabreuse) que non seulement le Troisième Reich est un panier de crabes où des hiérarchies parallèles passent leur temps à se faire des croche-pieds, mais la SS elle-même fonctionne selon ce modèle !"
A ce propos, je vais publier courant février, avec un appareil critique, le long interrogatoire de Roland Nosek, officier du SD en poste à Paris de l'été 40 à l'été 44, "débriefé" pendant un an par le contre-espionnage français juste après la fin de la guerre. Si vous voulez bien m'indiquer votre adresse en mp, je vous l'enverrais. Nosek ne parle pas de l'affaire des synagogues, mais il parle de beaucoup d'autres choses et en dit long sur le fonctionnement du Sipo/SD en France et du SD en général. Les rivalités personnelles y sont vivaces. Nosek décrit notamment un Abteilung VI du BdS (son service) coupé en deux, une partie des cadres roulant pour Knochen et l'autre pour l'Amt VI, à Berlin, qui a le plus grand mal à affirmer son autorité, même si Steimle parvient à évincer Hagen pour lui substituer Bickler, que Knochen tentera en vain de dégager. De ce document, il ressort que Knochen/Hagen jouent un jeu personnel et court-circuitent leur hiérarchie, notamment en utilisant Oberg, qui dispose d'une "ligne directe" pour toucher Himmler. Les interrogatoires de Bernhard (chef VI B 2) et de Steimle (chef VI B) confirment en tout point les dires de Nosek, dont la sincérité ne me semble pas devoir être mise en doute. Je ne l'ai pris qu'une fois en flagrant délit de mensonge, et encore ne s'agit-il que d'un mensonge par omission (d'ailleurs à propos de Thomas et de l'affaire des synagogues). Nosek n'est pas considéré comme un criminel de guerre, à juste titre, et n'a donc que peu de raisons de mentir.