Post Numéro: 12 de Tom 24 Oct 2006, 01:23
Finalement, je vais donner une première réponse rapide à Hilarion - donc sous toutes réserves - réponse que je développerai ensuite si un débat est lancé.
Comme vous le savez sans doute, la Milice française était composée de trois grandes catégories de membres. Sur ce point, permettez-moi de citer Pierre Giolitto (
Histoire de la Milice, Perrin, 1997) :
En 1943, la grande majorité des miliciens sont des gens ordinaires, qui exercent un métier et ont femme et enfants. Leur activité militante les conduit simplement à participer à des groupes de réflexion, à assister à des réunions ou à des conférences, et, parfois, à se mobiliser pour telle ou telle cause humanitaire ou civique.
A côté de ces « civils » , il y a les « militaires ». La Milice possède en effet, sous le nom de Franc-Garde, son armée, formée de soldats professionnels, vivant en caserne et dûment rétribués. L’objectif essentiel de cette troupe permanente est d’assurer le maintien de l’ordre. Certains miliciens « ordinaires » peuvent être des francs-gardes bénévoles (…) susceptibles d’être mobilisés en cas de besoin (…).
Il existe enfin une structure milicienne destinée à accueillir les jeunes : l’Avant-Garde.
Ainsi, pour répondre à ta question, Hilarion, je dirai qu’à priori, en Savoie comme ailleurs, les miliciens « ordinaires » sont des gens de la région. Cependant, certains cadres peuvent venir de l’extérieur. Par exemple, le chef départemental de Haute-Savoie, Gaston Jacquemin, abattu par le groupe franc de l’AS à Thônes le 21 novembre 1943, est originaire d’Alsace. C’est Darnand qui l’a nommé à son poste lors de la création de la Milice début 1943.
En revanche, même si l’une des deux premières trentaines encasernées (devenue rapidement une centaine) est formée à Annecy où la « dissidence » est très active, la plupart des francs-gardes permanents et même bénévoles qui participent à la répression en Haute-Savoie (environ 250), puis à l’opération contre les Glières (environ 700) viennent d’autres régions. En effet, il s’agit de centaines mobiles qui disposent de moyens de transport.
Comme je l’explique sur mes pages Internet consacrées aux Glières, afin d'encercler totalement le plateau, le commandement allemand a recours à une cohorte de francs-gardes permanents de la Milice (avec une section de mitrailleuses et une de mortiers, soit quatre cents miliciens). En outre, quelque trois cents francs-gardes bénévoles sont disposés sur les arrières du groupe d'auxiliaires ou autour du plateau comme forces de police d'appoint.
Quant à la « chasse aux miliciens » (selon ton expression) au moment de la Libération, elle a forcément connu un épilogue féroce, puisqu’elle s’inscrivait dans le cadre d’une guerre civile idéologique impitoyable, notamment entre fascistes de la Milice et communistes des FTP. Ainsi, la centaine d’Annecy, dans laquelle se trouvaient quelques tortionnaires, mais aussi de toutes jeunes recrues qui n‘avaient pas (encore) de sang sur les mains, s’était rendue contre la promesse de la vie sauve, mais s'est vue traduite devant une justice expéditive. Je cite Charles Rickard (
La Savoie dans la Résistance, Ouest-France, 1986) :
Certains chefs de l’AS auraient voulu que soit fait aux miliciens un procès moins passionnel, mais les FTP s’étaient étonnés des ménagements qu’on avait eu pour eux. Le souvenir des exactions et des crimes commis par beaucoup de francs-gardes (souvent étrangers au département et provenant de la lie des prisons, mais comment éviter la confusion ?) les avait amenés à revendiquer, au nom de leurs martyrs, la présidence de la cour martiale. (…) (Celle-ci) siégeait dans une atmosphère dramatique. La salle et ses abords étaient envahis par une foule houleuse (…). La justice fut rendue. Elle ne fut pas sereine. (…) Il y eut 77 exécutions… En fait, les cercueils étaient déjà prêts avant le verdict.