Belle question !
Prosper Vandenbroucke a écrit:Je me suis toujours demandé le pourquoi des nombreux encerclements subi par les Allemands
Il y en a quand même eu et pas un peu !
On ne peut pas évoquer les grands encerclements dont les Allemands sont victimes, principalement à l’Est après 1942, sans tout d’abord rappeler que jusque-là, les Allemands étaient les grands maîtres des victoires par encerclement (victoires souvent décisives par ce que toujours voulues comme telles).
Cette maîtrise allemande remonte à la Prusse du XIXe siècle et à l’académie militaire de Berlin. La guerre y est théorisée et les victoires du passé étudiées pour planifier les victoires du futur. La bataille de Cannes (-216) est pour les stratèges prussiens l’archétype de la victoire décisive. Le Carthaginois Hannibal y écrase l’armée romaine par une formidable manœuvre de double enveloppement (d’encerclement). La manœuvre d’encerclement devient donc l’obsession de la stratégie prussienne (louable obsession!).
En 1870, à Sedan, les Prussiens encerclent Napoléon III et obtiennent une victoire décisive, validant leur pensée militaire.
En 1905, SCHLIEFFEN échafaudera une vaste manœuvre d’encerclement de l’armée Française (un enveloppement par la Belgique et jusqu’à la Suisse, prenant les armées françaises de l’Est dans une immense nasse). Dénaturé par MOLTKE, le plan échouera et mènera à l'exact opposé : la disparition de toute manoeuvre au profit de la guerre de position que l’on connaît.
L’avènement du binôme char/avion permettra aux Allemands de renouer avec la guerre de mouvement en 1939 et les grandes manœuvres d’encerclement (retour aux sources) du « Blitzkrieg » :
. 1939 l’armée polonaise et tronçonnée en nombreuses poches (« Kesseln » ou chaudrons en Allemand) réduites les unes après les autres, victoire décisive ;
. 1940 l’encerclement est majeur à l’échelle du Benelux, victoire décisive ;
. 1941 les armées soviétiques sont à leur tour tronçonnées et réduites dans de vastes chaudrons dont les plus fameux restent je pense Minsk, Smolensk et Kiev ; victoires… mais pas décisives !?
Dès lors, avant d’en être victimes, les Allemands sont les maîtres du
Blitzkrieg et des encerclements de grand style.
La méthode impose des conditions :
. être à l’initiative de l’attaque ;
. disposer de la surprise stratégique ;
. concentrer ses forces mobiles en un minimum de points d’application pour assurer la percée et une exploitation rapide favorisant l’enveloppement de l’ennemi et menant à sa destruction... idéalement décisive.
La méthode va être adoptée par l’Armée rouge (elle n’en était déjà pas si loin) et l’
US Army et progressivement retournée contre l’Allemagne.
Reprenons les encerclements cités par Prosper (les plus grands se déroulent à l’Est, où l’Armée rouge a versé beaucoup de sang pour apprendre).
Ils ne sont pas tous équivalents dans la manière :
Prosper Vandenbroucke a écrit:Du 8 février au 21 avril 1942 la poche de Demyansk
l’Armée rouge lance de nombreuses contre-attaques début 1942 mais manque encore de maîtrise, la poche de Demiansk ne peut être réduite, les Allemands tiennent et sont délivrés par une contre-attaque au printemps.
C’est un succès allemand mais qui va aussi les leurrer en donnant l’impression que toute poche peut être ravitaillée par air, tenir et être libérée par une contre-attaque (exemple : Bastogne / contre-exemple : Stalingrad).
Prosper Vandenbroucke a écrit:Durant l’hiver 1942/1943 à Stalingrad
Moins d'un an après Demiansk, l’Armée rouge a bien appris, surprend la
6.Armee, perce sur la Volga et réussit sont exploitation en encerclant et détruisant l’armée de PAULUS (en parallèle, l’Armée rouge mène plusieurs opérations de Blitzkrieg comme Mars ou Petit Saturne avec des succès variables ; dur apprentissage).
Prosper Vandenbroucke a écrit:Du 24 janvier au 16 février 1944 dans la poche de Korsun
Korsun/Tcherkassy est une opération à la Demiansk qui tourne court pour les Allemands (ils se dégagent mais consomment leurs forces vives).
Prosper Vandenbroucke a écrit:Du 12 au21 août 1944 dans la poche de Falaise
En début septembre 1944, il y eu la poche de Mons en Belgique
Falaise et Mons sont des encerclements incomplets, voire « ratés » (pour Mons en tous cas
qui n’est qu’un affrontement d’arrière-garde sans encerclement). Ni les Américains ni les Anglais n’ont encore la maîtrise opérationnelle suffisante pour piéger les Allemands à Falaise ; les Américains qui échouent également à encercler le
Heeresgruppe G.
Prosper Vandenbroucke a écrit:Toujours en 1944 durant ‘’Bagration’’
Bagration est la démonstration que l’Armée rouge a assimilé la guerre mécanisée (et au-delà ?) : forces massives, percée, exploitation, victoire décisive ; Barbarossa à l’envers.
Prosper Vandenbroucke a écrit:En 1945 il y eu la Ruhr
La Ruhr est inévitable. MODEL est obligé de défendre le bassin industriel coûte que coûte sans esprit de recul face à un adversaire supérieur en nombre et en mobilité. L’issue est inévitable. C’est le seul encerclement de grand style réussi à l’Ouest.
Et pour répondre à la question, les Allemands subissent de nombreux encerclements à partir de 1942 car ils sont progressivement réduits puis acculés à la défensive, dans une stratégie de front continu face à un adversaire de plus en plus nombreux, de plus en plus mobile et de plus en plus aguerri à la guerre mécanique et qui obtient lui aussi, parfois, la surprise stratégique (Stalingrad, Normandie, Cobra, Bagration ? et j’ai presque envie d’y ajouter Koursk et ses conséquences).
Le 18 juin 1940, DE GAULLE avait prédit que l’Allemagne serait vaincue par ses mêmes moyens. C’était bien vu !