Dog Red a écrit:Belle levée de boucliers en faveur de l'Oncle Sam...
...d'habitude c'est moi que l'on taxe le plus souvent de "pro Américain".
Je jouerai donc l'avocat du diable pour changer.
Exercice toujours intéressant de faire la critique d'un système que l'on admire.
Je choisirai le biais de la stratégie et du commandement.
Voire de la logistique (point fort US à n'en pas douter).
A la fin juillet 1944, Cobra, une offensive méticuleusement planifiée par BRADLEY débouche sur la percée tant attendue.
PATTON se rue sur la Bretagne, objectif stratégique de la percée, mais son feeling l'emmène rapidement plein est offrant une jolie perspective d'en finir avec les armées allemandes en Normandie.
BRADLEY (devenu commandant de groupe d'armées le 1er août) concrétise l'opportunité offerte par PATTON en faisant remonter les forces de celui-ci vers le nord et Argentan.
Mais semble se raviser au dernier moment et arrête la poussée de son subordonné une fois Argentan atteint (BRADLEY récidivera une paire de semaine plus tard lorsqu'après avoir dérouté le VII Corps de la Meuse vers Mons le 31 août... ...il le renverra illico vers Namur et ladite Meuse le 3 septembre !?).
PATTON reprend dès lors sa chevauchée bride abattue vers l'est et la Seine, premier à la franchir près de Mantes.
Alors que le plan d'encerclement des Allemands entre Argentan et Falaise échoue (voyons le verre à moitié vide), à aucun moment il n'est réellement tenté de rattraper le coup en encerclant les Allemands par un "coup de faux" à l'américaine, PATTON virant résolument vers le nord avant (il y a bien la poussée limitée vers Elbeuf) ou mieux, après la Seine.
PATTON file plein est, objectif... Francfort !?
(pas de recherche d'opportunité stratégique non plus de virer sud-est à la rencontre du 6th Army Group de DEVERS pour encercler le Heeresgruppe G).
Dans le même temps, la 1st US Army file nord-est vers Aachen. Avec un gap qui s'ouvre de plus en plus largement avec la 3rd Army plus au sud (COLLINS s'en inquiète à la jointure entre les deux armées mais n'est pas écouté[1]).
Belle occasion manquée (Falaise puis la Seine).
Dispersion des forces de part et d'autre du massif ardennais (toutes proportions gardées elle m'évoque la dispersion des forces allemandes de part et d'autre des marais du Pripet lors de Barbarossa).
Un malheur n'arrivant jamais seul, la dispersion des moyens, conséquence de la poursuite d'objectifs divergents (alors que la Ruhr semblait bien l'objectif stratégique unique d'Overlord) brise la logistique US pas calibrée pour cet effort disporportionné.
L'automne est pire ! Au sens de l'impasse stratégique (on peut aussi en parler).
A l'été 1944, l'US Army (j'évoque bien les forces terrestres) a fait le lit de la plus terrible bataille qu'elle aura à livrer de toute la guerre : la bataille des Ardennes.
Pas mauvaise l'US Army mais aurait pu mieux faire, à ce moment-là, à cet endroit là.
[1] Si quelqu'un a les détails de la discussion du 31 août 1944 après-midi entre COLLINS et HODGES je suis preneur ! BLUMENSON l'évoque mais sans le moindre détail.
Oui je suis d'accord avec ton analyse Daniel...
L'armée américaine alterne belles prestations et gros ratés comme les encerclements ratés de Falaise et la Seine qui auront des conséquences importantes puisque les allemands arriveront à sauvegarder l'essentiel de leurs troupes qui assureront plus tard la défense de l'Allemagne.
On peut rajouter que la campagne d'Italie est vraiment mal menée, avec comme exemple le plus marquant le débarquement d'Anzio qui est un échec complet.
A la fin de la guerre, l'armée US est certes la plus puissante en particulier dans le domaine aérien et naval mais elle aurait pu mieux faire...
Pour ce qui est des pertes US vs pertes russes évoqués par Benoît, je pense que les fronts ne sont pas comparables:
à partir de 1944, les russes ont en grande partie rattrapé leur retard qualitatif, l'opération Bagration est d'ailleurs une réussite exceptionnelle, la Mandchourie en 1945 sera considérée comme l'une des meilleures réussites d'opération offensive et sera enseignée dans les états majors longtemps après la guerre...
il faut rappeler que l'essentiel des moyens allemands sont sur le front est et que l'essentiel des pertes allemandes sont sur le front est même si les choses se rééquilibrent à partir du débarquement de Normandie
les allemands ont mis en place des lignes de défense puissantes, qui forcément amènent beaucoup de pertes pour être percées, les grands espaces dégagés sont très favorables aux panzers lourds et aux 88mm qui feront des cartons à longue distance sur les chars russes (la France est un terrain beaucoup plus favorable pour les shermans vs panzers car les distances d'engagement sont beaucoup plus faibles)
de plus à partir de 1944, toute l'aviation d'appui tactique et anti-chars allemande est sur le front est, la Luftwaffe n'intervient quasiment pas sur les opérations au sol à l'ouest en 1944 alors qu'elle sera toujours très active sur le front est jusqu'en 1945.
même si la VVS acquiert progressivement la suprématie aérienne en 1944, la Luftwaffe constituera toujours une menace, ce qui n'est pas le cas à l'ouest ou l'aviation alliée a la suprématie totale et peut appuyer les troupes alliés en permanence
dernier point important, la résistance allemande est plus forte à l'est car les allemands savent qu'ils n'ont aucune indulgence à attendre des russes après les horreurs qu'ils ont commises, donc moins de reddition et volonté farouche de défendre l'Allemagne contre les envies de vengeance légitime de l'armée rouge...