Post Numéro: 25 de Balian Taillefer 24 Mar 2021, 02:47
Bonsoir a tous.
Pardonnez moi si mon post s'éloigne un peu de votre sujet.
En 1975, j'avais alors 5 ans, j'ai eu la "malchance" de visiter ce lieu maudit, avec mes parents et mes grands parents, alors en vacances dans les Vosges.
Je vous livre mes impressions d'enfant qui restent à jamais enfouies dans ma mémoire d'adulte aujourd'hui.
Jamais je n'ai visité un lieu aussi torturé par le mal qui s'est déroulé la bas.
J'ai ressenti la douleur et la tristesse du lieu.
Je me souviens des baraquements, du four crématoire, des barbelés, des miradors, mais surtout d'une douleur palpable, d'une atmosphère pesante, des âmes tourmentées....tout cela tournait autour de moi.
Une atmosphère lourde, "un brouillard psychologique à couper au couteau".
Tout cela est difficile à commenter et à expliquer. On dit que les enfants sont plus réceptifs que les adultes, je peux vous assurer que cela est vrai.
J'ai eu deux grands pères qui ont participé au second conflit mondial. L'un a été fait prisonnier à Zuydcoote dans la poche de Dunkerque en 1940, l'autre a été un grand résistant dans le département du nord, réseau " Voix du Nord".
Toute ma prime jeunesse a été abreuvée de récits de résistance, de tortures, de personnes parties en déportation à Ravensbrück, Dachau, Buchenwald, Mauthausen... pourtant rien ne m'avait préparé à ce que j'ai pu découvrir, et ressentir dans ce lieu d'horreur et de tristesse infinie.
Je suis croyant, je crois en la persistance de l'âme après la mort. Et c'est exactement ce que j'ai pu ressentir du haut de mes 5 ans. Des âmes tourmentées encore emprisonnées dans ce lieu maudit. Mon père était un instituteur, un "hussard de la république", bien loin des croyances que j'ai eues plus tard...
Au sortir du camps, il a dit à ma mère : " il est trop jeune, il n'a rien compris..." J'avais malheureusement trop bien compris.
Par la suite, quand j'ai appris les évènements de la seconde guerre mondiale, et les exactions du III° Reich, il n'était pas besoin de m'expliquer en détail...
Je n'ai ressenti un malaise aussi palpable qu'en marchant sur le sommet de la coupole de Wizernes, la seconde base de V 2 allemande dans le Pas de Calais. J'avais alors 19 ans, et j'étais un féru de découvertes des artefacts allemands de la seconde guerre mondiale.
Le site était alors à l'abandon, et j'ai eu la chance de discuter avec un paysan du cru, qui m'a raconté l'histoire du lieu qu'il avait vécue, en me décrivant notamment une empreinte de pied sur le béton de la coupole...une empreinte de pied de femme...laissée par une des esclaves polonaises ou russes, employées pour la construction du site.
Là, sous le chaud soleil d'une journée de juillet, vers 16h00, j'ai ressenti un immense malaise, quelque chose de comparable à ma visite du Struthof, 14 ans plus tôt. Une impression de tristesse, de douleur, de rejet...j'ai redescendu la coupole au trot, et je me suis lavé copieusement de la poussière de ce lieu maudit.
Quand j'ai ramené ma femme et mes deux fils de 16 et 10 ans, en 2015 au Struthof, et à la coupole de Wizernes, je n'ai plus ressenti cette atmosphère de douleur.
Quoique ces endroits soient toujours propices au recueillement et à l'hommage pour les personnes ayant souffert en ces lieux, j'ai la conviction et l'espérance que chaque personne, touriste ayant visité ces lieux , ont apporté un peu d'Esperance et emporté avec eux, un peu de la tristesse des lieux, pour que les âmes puissent enfin accéder à la Paix...
Voici mon témoignage d'enfant d'il y a 46 ans à présent ...Il vaut ce qu'il vaut, d'après mon interprétation. Jamais je n'ai parlé de cela à qui ce soit.