Dog Red a écrit:Tomcat a écrit:En tout cas les auteurs estiment que l'évacuation d'un certain nombres de machines outils, des ouvriers, techniciens, ingénieurs est possible.
Je suppose que les usines aéronautiques étant dans le sud cela laisse plus de temps pour réaliser l'évacuation.
De mémoire, je crois qu'ils estiment que l'offensive allemande s’essouffle du fait de contraintes logistiques ce qui laisse plus de temps pour évacuer, ce n'est pas la même situation qu'à Dunkerque...
Les Russes l'ont fait
Ce qui m'inquiète un peu c'est l'évacuation de l'armée de terre... tenir un front continu à travers la France, sur la Loire sans doute et le long de la vallée du Rhône pour assurer la formation d'un vaste sac qui se vide par les ports de la Méditerranée (Marseille et Toulon, j'en oublie ?).
C'est un gros what if
Pour rester dans la réalité, que sait-on des débats politiques autour d'un repli vers l'AFN ? Alfred a apporté une ébauche de réponse à cette question.
Oui les russes ont réussi à évacuer des usines entières à une échelle bien plus grande et dans des circonstances tout aussi difficiles...là pour l'AFN on parle juste d'évacuer un nombre limité de machines outils pour développer une industrie légère, cela ne me semble pas impossible, mais même si cela n'était pas possible, ce développement a pour principal intérêt de limiter quelque peu la dépendance aux américains, qui de toute façon auraient pu aussi livrer de l'armement léger dans un premier temps et des machines outils dans un second temps.
Dans tous les cas les français restent dépendant des anglo-saxons pour tous les armements lourds qui ont tout intérêts à aider les français à continuer la lutte à partir de l'Empire.
Concernant la résistance française et l'évacuation de l'armée de terre, voilà ce que proposent les auteurs:
Source:
http://1940lafrancecontinue.org/argumen ... 5-6-40.pdfLa progression allemande en France
à partir du 15 juin 1940
Continuant de harceler mes collègues lisant l'allemand (ce qui n'est pas mon cas), j'ai pu
recueillir les informations suivantes à partir des copies de documents d'archives qui sont
à la bibliothèque de l’EHESS. Les originaux sont aux BundesArchiv.
Luftwaffe
Parmi les éléments fournis par les rapports envoyés par les commandements locaux de
la Luftwaffe à Jeschonnek (le chef d'état-major) ou par ce dernier à Göring, les plus
intéressants sont les suivants :
(a) À la date du 15 juin 1940, les chasseurs monoplaces (Bf 109) ne sont pas capables
d'intervenir au sud d'une ligne en demi-cercle allant du nord de Bordeaux au nord de
Valence. Osterkamp (qui aura le commandement des chasseurs lors de la Bataille
d'Angleterre) signale à ses chefs qu'il lui faut au mieux 14 jours et sans doute 21 jours
pour redéployer ses unités afin d'opérer au sud de cette ligne.
(b) Un document qui semble venir de la direction "Matériel" de la Luftwaffe (la
photocopie est de mauvaise qualité) indique, à la date du 10 juin 1940, 453 Bf 109
disponibles sur le front ouest (non compris les unités en Allemagne, au Danemark et en
Norvège). On sait que, pour le déclenchement de la Bataille d'Angleterre, le nombre total
de Bf-109 déployés pour cette opération sera de 734. L'écart entre le chiffre du 10 juin
1940 et celui du 6 août 1940 correspond aux livraisons à partir des usines, moins les
avions conservés en parc, attribués aux unités d'entraînement et les accidents normaux
en période de guerre. Si l'attrition des trois dernières semaines de la Bataille de France
s'était maintenue, on serait probablement tombé au 10 juillet à 310-330 Bf-109
disponibles (compte tenu des pertes et des accidents). En admettant l'arrêt des hostilités
(ou simplement des combats) avec l'Armée de l'Air à cette date, on ne peut retrouver le
chiffre de 700 appareils que 12 semaines plus tard, soit vers le 8-10 octobre.
(c) En réponse à la note du 30 juin 1940 de Göring, Jeschonnek répond le 2 juillet que les
unités ne seront déployées sur les terrains du nord de la France et de Normandie qu'à
compter de début août. Il indique que le jour de déclenchement de l'attaque (le fameux
Adler Tag) devra être compris entre le 10 et le 15 août, selon la météo. Or l'ordre de
déploiement date d'avant la note de Göring (qui ne concerne que la nature de l'offensive
aérienne et les objectifs). C’est une confirmation du délai de 6 semaines logistiquement
nécessaire.
Il faut rappeler que les lignes de communications sont plus courtes vers le Pas de Calais
et la Normandie que vers la région de Bourges ou Lyon : si la Luftwaffe avait dû se
déployer en force pour attaquer des objectifs dans le Midi de la France, elle aurait mis AU
MOINS autant de temps.
Quant à un déploiement en force dans le sud de l’Italie, il aurait été impossible avant
deux mois au moins après l'arrêt des combats en France. Si les Allemands étaient arrivés
à Marseille le 10 juillet 1940 (ce qui est complètement irréaliste, comme on le montre
plus bas), le déploiement n’aurait pu survenir avant le 10 septembre. Compte tenu des
pertes supplémentaires d'un mois de campagne et compte tenu du rythme de livraison
des avions, il aurait fallu compter un mois de plus avant d'avoir la Luftwaffe en situation
réellement opérationnelle sur les bords de la Méditerranée. On retombe sur la date du
10 octobre évoquée en (b).
(d) Le niveau des pertes en avions durant la Bataille de France ne doit pas être estimé du
point de vue des "victoires" de l'Armée de l'Air, mais à partir du nombre d’appareils rayés
des registres de la Luftwaffe pour "causes opérationnelles" durant cette période, et
incluant les avions endommagés et considérés comme non réparables sur place (ils ont
pu être ensuite réparés après envoi en usine, mais ce sont des délais atteignant plusieurs
mois). Jeschonnek, dans sa réponse à la note de Göring du 30 juin 1940, évoque 1 800
avions perdus.
Le ratio de un avion perdu pour un avion abattu par l'ennemi est à peu près le même que
pour la campagne de Pologne. Pour cette campagne, les chiffres de la Luftwaffe
donnaient 285 appareils « détruits du fait de l'ennemi » et 279 appareils « perdus à la
suite des combats » (note du 5 octobre 1939). Le premier chiffre couvre les avions qui ne
sont pas rentrés (y compris ceux écrasés dans les lignes allemandes) et les autres les
avions rentrés, mais considérés comme trop endommagés pour être conservés en unité
et renvoyés en dépôt, en usine ou mêmes simplement abandonnés sur place après
cannibalisation.
Il faut ajouter que nous avons estimé que, du côté de l'Armée de l'Air, seuls les avions les
moins modernes (les moins performants) ou ceux dont l'autonomie ne permettait pas le
transfert en AFN sont utilisés dans les dernières semaines en France.
Heer (forces terrestres)
Au 15 juin 1940, les unités avancées de l'armée allemande (les automitrailleuses des
groupes de reconnaissance) sont à 50 ou 100 km en avant du premier échelon de leurs
forces. Von Thoma, dans un document d'après-guerre (1946 ?), décrit la nécessité de
procéder à des ravitaillements en carburant par avion des unités les plus avancées. Mais
il faut savoir que vu les faibles quantités transportées par un Ju 52 et les besoins d'un
char comme le Pz-III ou le Pz-IV, ces ravitaillements ne concernent QUE les troupes de
reconnaissance, dont les blindés à roues sont intrinsèquement moins gourmands en
carburant.
Von Thoma précise qu'une Panzer Division doit être ravitaillée trois fois en 7 jours en
phase offensive (sauf en ce qui concerne les rations alimentaires). Pour un seul régiment
blindé équipé de Pz-II et Pz-III, il faut 36 000 litres de carburant pour couvrir environ
100 km. Ceci représente un peu plus de 26 tonnes. Compte tenu du "poids d'emballage"
(les fûts…), il faut compter environ 40 tonnes, soit l'équivalent de 40 vols de Ju 52. Il en
faut 15 % de moins si le régiment est équipé de chars tchèques. Or, une Panzer Division a
deux régiments de chars, sans compter tous les autres véhicules à moteurs pour
l'infanterie, l'artillerie, etc. Compte tenu du parc de camions disponibles, il était
impossible de ravitailler des forces substantielles au-delà du "seuil de Bourgogne" au 20
juin 1940.
Il faut noter que les unités allemandes ont très peu utilisé du carburant français
capturés, et ce pour deux raisons expliquées par Ritter von Thoma. D'une part le degré
d'octane du carburant français ne correspondait pas à celui des moteurs des chars
allemands. D'autre part, même pendant la débâcle, les dépôts étaient incendiés et très
peu ont été capturés intacts.
La première raison me semble personnellement un peu étrange, même si le taux de
compression des moteurs des chars allemands est effectivement supérieur à celui des
moteurs utilisés à l'époque sur les chars français (6,5/1 contre 5/1). Un élément non
mentionné par von Thoma mais signalé par von Mellenthin est l'usure des moteurs des
chars à la fin de la Campagne de France. Il faut se souvenir que les blindés allemands
utilisaient des moteurs relativement "poussés" pour l'époque et pour l'usage qui en était
fait. Par ailleurs, en combat offensif un moteur de char "travaille" beaucoup. Le besoin en
réparations importantes (changement des segments des cylindres, voire des pistons)
devait être criant au 15 juin 1940. Or, il est vrai qu'un moteur fatigué n'accepte pas aussi
facilement une essence plus pauvre qu'un moteur neuf. Ceci peut expliquer l'argument
donné par von Thoma. Il faut ajouter un cas documenté d'une Panzer Division tombée en
panne d'essence durant la Campagne de France.
Je donne ci-après les chiffres des contenances de réservoir et les autonomies en toutterrain, en rappelant qu'il s'agit de données "constructeur" et non de chiffres "réels". En
conditions de combat, il faut considérer que l'autonomie réelle est de 40 % à 60 % du
chiffre "constructeur".
Pz-II : 170 l / 125 km
Pz 38(t) : 172 l / 140 km
Pz 35(t) : 120 l / 116 km
Pz-III : 320 l / 95 km
Pz-IV : 470 l / 130 km.
………………………
Les unités blindées allemandes auraient donc dû de toute manière s'arrêter du 20 juin au
5 juillet, au moins pour laisser le temps à l'échelon logistique de suivre. Pendant ce
temps, les avant-gardes auraient dû rebrousser chemin, sous peine d’être détruites,
privant alors les forces principales de leurs moyens de reconnaissance.
En tablant sur un rythme d'avance de 50 km/jour, qui suppose l'absence de toute
résistance organisée du côté français, ceci donne les Allemands à Marseille le 14 juillet.
Compte tenu de la nature du terrain une fois le Seuil de Bourgogne franchi et de
l'intervention logique de l'Armée des Alpes en cas de continuation des combats, un
rythme d'avance moyen de 20 km/jour semble déjà optimiste (le rythme moyen de
Guderian pour atteindre la Somme, avec l'effet de surprise, est de moins de 24 km/jour).
Il donnerait l'arrivée des Allemands à Marseille pour le 28 juillet, chiffre à comparer avec
notre chronologie.
Par ailleurs, entre le Seuil de Bourgogne et Marseille, nous avons 460 km en ligne droite,
contre 240 km pour l'attaque de Guderian entre le 10 mai et le 20 mai 1940. A nouveau,
la question de l'étirement de la chaîne logistique se pose. Souvenez-vous de ce qu'une
division peut "consommer" de 25 à 75 tonnes de ravitaillement par jour en situation de
combat. Même si à la mi-juillet les voies ferrées sont en état jusqu'à Dijon voire Lyon, la
probabilité qu'elles aient été détruites dans la vallée du Rhône est très élevée. Dans ce
cas, il faudrait une noria de camions – que l'armée allemande n'a pas – pour amener des
troupes en état de combattre devant Marseille vers le 20 juillet.
Notre scénario alternatif postule une arrivée à Marseille des troupes allemandes un jour
après ce qu'aurait donné l'application du rythme de progression moyen, compte tenu de
la nécessité d'un arrêt pour ravitailler entre le 20 juin et début juillet. Cet arrêt est
techniquement nécessaire ; il ne dépend pas de la qualité de la résistance française. Pour
le reste, nous avons donc supposé une résistance telle qu'elle ne retarde les Allemands
par rapport au plan de marche moyen que d'une seule journée. Selon notre chronologie,
Marseille tombe le 29 juillet, Toulon le 4 août, Montpellier le 5 et Perpignan le 6. C'est
très optimiste pour la Wehrmacht !
En fait, si on doit critiquer notre travail, c'est pour son pessimisme quant aux capacités
de résistance françaises. Certains de nos collègues américains et australiens ont estimé
qu'une résistance de "poches" françaises autour de Marseille et Toulon jusqu'à la fin août
était possible. Un collègue américain a même proposé une situation "coréenne", soit une
"poche de Marseille" (le Pusan français…) défendue jusqu'à l'automne, avec une tentative
de sortie vers novembre 1940 par une armée franco-britannique incluant ce qui allait
devenir historiquement la VIIIe
Armée de Wavell – mais c’est une hypothèse extrême.
Cependant, nous n'avons pas retenu l'hypothèse d'une résistance jusqu'à la fin août
1940, non parce qu'elle nous semblait irréaliste, mais justement, et je l'avoue en en
prenant la responsabilité, pour ne pas trop choquer les conceptions des lecteurs, sachant
que l'idée même d'une possible résistance française après le 15 juin est souvent du
domaine de l'irrecevable dès que l'on sort d'une discussion "professionnelle". La vérité
oblige à dire qu'une fois admise l'hypothèse de la volonté de combattre à la mi-juin, et
c'est cette hypothèse qui est irréaliste compte tenu du rapport des forces politiques et de
l'idéologie dominante dans une partie de la classe politique française, une analyse
technique des combats montre que la côte méditerranéenne aurait bien pu être
défendue jusqu'à la fin août.
J'attends toujours que l'on me montre que les estimations d'épuisement des forces
allemandes, à terre comme dans les airs, sont fausses. Personne n'a prétendu que les
forces françaises sont alors en bon état. Mais l'allongement des lignes de communication
logistique pour des forces allemandes employées de manière très intensive est un
facteur matériel incontournable de ralentissement de l'avancée.
Les faiblesses logistiques des forces allemandes sont bien documentées pour 1940 et
pour la suite. Elles ne renvoient pas à un manque de préparation, comme on l'affirme
souvent, mais elles relèvent d'un choix stratégique et même en un sens "philosophique"
des décideurs allemands. Il n'y a aucune raison que cela change et ces faiblesses
limiteront considérablement les réactions allemandes après juin 1940 en France FTL,
comme dans les autres opérations à la fois intenses et de longue durée (Grèce FTL et
Barbarossa).