Vu que je suis Liégeois, l'envie m'est venue de vous raconter comment s'est déroulée la libération de ma ville en septembre 1944. Les faits que je vais vous raconter sont tirés du livre "Liège libéré" de Marc Moisse (Les Editions du Molinay).
Ces faits montrent le courage des résistants qui ont combattu aux côtés des Américains.
Mon récit se divise en trois chapitres.
I: Avant la libération.
II: La libération.
III: Après la libération.
J'espère que la lecture vous intéressera.
I: Avant la libération.
Quelle était la situation à l'époque?
Création du Grand-Liège
Sous l'occupation allemande, le Collège des Bourgmestres liégeois dont le président se nommait Joseph Bologne, fait de la résistance administrative en retardant les décisions allemandes. Comment? En évoquant les droits constitutionnels et la législation belge qui sont bafoués.
Un arrêté allemand de novembre 1942 dissout les Conseils Communaux de Liège et de ses 25 communes environnantes. L'agglomération liégeoise est ainsi fusionnée dans une nouvelle entité administrative appelée "Le Grand-Liège". Les bourgmestres, échevins et conseillers communaux qui avaient été élus démocratiquement sont révoqués. Les Allemands les remplacent par des membres du parti rexiste.
Avant Liège, les villes d'Anvers et de Charleroi ont subi le même sort.
Les mouvements de résistance.
Divers mouvements se créent: le Front de l'Indépendance (FI) et l'Armée de Libération (AL) qui contiennent le plus grand nombre de membres, l'Armée Secrète, Clarence, Benoît...
De mai 1940 à 1943, ces groupes se limitent à faire de la prospection, du recrutement. Les hommes forment des régiments divisés en bataillons eux-mêmes composés de pelotons contenant de 3 à 10 hommes.
A partir de la mi-mai 1943, arrivent les premiers sabotages de voies de chemin de fer et de pylônes.
Les FI ont leur état-major sous la cathédrale et cachent des aviateurs anglais avant de les rapatrier. La nuit, ils détroussent les soldats allemands pour prendre leurs armes et tentent de mettre les traîtres hors d'état de nuire.
Le rationnement.
Les gens reçoivent des timbres pour les denrées de première nécessité mais le ravitaillement n'est suffisant pour personne. Chaque Belge ne dispose que d'une ration de 1000 calories par jour (contre 2400 à 2700 calories avant la guerre).
Le marché noir bat son plein. Par exemple, les oeufs sont en moyenne 54 fois plus chers en 1944 par rapport à 1939.
Les loisirs.
Ils sont peu nombreux: jardinage, promenades, visite de la famille (pour économiser le chauffage), cinéma, cartes, écoute de Radio-Londres.
Les derniers mois d'occupation.
Les premiers bombardements alliés arrivent le 1° mai 1944 à 17 heures 30. Ils visent les quartiers ferroviaires de Kinkempois. Les bombes sont larguées à très haute altitude et sont peu précises. Elles provoqueront la mort de 24 personnes en ce premier jour.
D'autres bombardements suivront les jours suivants. La population souffre. La Résistance tente, par des feuilles clandestines, de lui faire comprendre la nécessité de la chose.
Des exécutions.
Le 18 juillet, les Allemands veulent empêcher la population de rejoindre les mouvements de libération. Les arrestations se multiplient. Des résistants sont fusillés pour l'exemple (dont 10 FI le 18 juillet à la Citadelle).
En août, les Allemands sont de plus en plus nerveux. Les fouilles se succèdent, las bâtiments publics sont fermés, certaines rues sont interdites à la circulation afin d'éviter les attentats.
Les travailleurs des services communaux mettent tout en oeuvre pour ralentir l'administration.
Dans les usines et dans les mines, les ouvriers travaillent au ralentit et sabotent même les pièces destinées à être envoyées en Allemagne.
L'incroyable avancée des Alliés.
Au Nord de la Loire, les Alliés avancent sur différents fronts. Le 20 août, Rambouillet tombe, Paris le 25. La population liégeoise ne peut croire encore en sa libération. Des rumeurs de libération des premières villes belges sont vite démenties.
Mais l'espoir renaît quand le samedi 2 septembre, Radio-Londres annonce que les armées alliées sont entrées en Belgique. Tournai est libéré. Les villes se suivent au fil des jours: Bruxelles (3/9), Charleroi, Anvers (4/9), Gembloux (5/9), Courtrai, Gand, Namur (6/9), Andenne, Ciney, Saint-Trond (7/9).
Entre Huy et Liège, la résistance anti-chars allemande ralentit la progression alliée. La 3° DB américaine se scinde en deux parties pour prendre Liège en tenaille. Pour les Liégeois, l'attende est interminable.
Les grands collaborateurs prennent la fuite.
Le 2 septembre, ces personnes s'enfuient vers l'Allemagne pour se mettre au service des Allemands. Mais plus tard, l'Allemagne exsangue ne faisant rien en leur faveur, ils reviendront en Belgique (en 1945).
Dernière parution de "La Légia, le 3 septembre."
Ce journal collaborationniste fera semblant de croire jusqu'au bout en la victoire allemande.
Ordre de mobilisation des FI.
Dès le lendemain de la libération de Tournai, plus personne ne veut reprendre le travail dans les usines. Les partisans regagnent leurs organisations clandestines. Tous s'apprêtent au combat. Ils réquisitionnent des écoles pour rassembler leurs troupes.
Tragédie de Forêt-Trooz.
Le mercredi 6 septembre, il est 3 heures. Un groupe de résistants est réuni au château de Forêt, sur les hauteurs de Liège. Un détachement allemand engage le combat. Les affrontements dureront 5 heures. Les résistants, faute de munitions, finissent par se rendre. Violant les lois sur la guerre, les Allemands exécuteront 35 prisonniers sur place. Après avoir perpétré ce crime odieux, ils brûleront les corps des malheureux.