Post Numéro: 76 de Loïc Charpentier 03 Mar 2020, 17:31
Eric a parfaitement raison. Il convient d'analyser le "phénomène" de l'érection des tours urbaines de Flak, à la lumière de la situation existante, quand la décision avait été prise, en gros, à l'été 1940. Cà explique, aussi, pourquoi leur nombre, mis à part leur coût financier "pharaonique", avait été peu important et limité sur trois villes "symboles" (Berlin, Vienne, Hambourg) - trois cités, qui, au passage, en 1940, étaient situées à la limite d'autonomie (aller-retour!) des bombardiers lourds (britanniques!), alors, en service - même que pour Vienne, j'ai un très gros doute! -.
Si on se contente, seulement, de se focaliser sur Berlin, qui, dès l'avant-guerre, était, très probablement, la capitale européenne continentale la plus étendue, avec plus de 800 km² - il conviendrait, néanmoins, de vérifier pour l'agglomération londonienne -. Paris, en comparaison, question surface, même en prenant en compte ses banlieues, c'était tout rikiki !
1) Sur le plan de la défense antiaérienne, une telle surface était très compliquée à gérer. Les tours de Flak avaient été installées sur des éminences "remarquables", mais dans une zone, comme Berlin, où l'altitude moyenne se situe aux alentours de + 30/35 m, il n'y en avait pas des kilos!
2) On en revient à l'autonomie des bombardiers en service, en 1940, voire en 1941, à leur emport en bombes, à leurs effectifs "déployables" et à leur protection aérienne possible, la quasi totalité des chasseurs britanniques n'ayant pas l'autonomie nécessaire pour assurer leur sécurité à l'aller et au retour. Il convient de faire la distinction entre les période 1939-1942 et 1943-1945 - à moins de n'embarquer que du carburant et aucune munition (et encore!).
3) Quand elles avaient été érigées, les Flaktürme avaient deux fonctions:
a) Servir d'abri antiaérien à une nombreuse population urbaine ; en tenant compte, sur Berlin, des 3 G-Türme + de leurs L.-Türme, on est, en gros , à 50 000 personnes! Chiffres auxquels, il convient d'ajouter les autres dispositifs de "défense passive", dont les stations et couloirs du métro berlinois et les très nombreux abris dédiés, etc.
b) De part leur disposition "en triangle", à l'aller, elles étaient sensées perturber les réglages des largages, et, au retour (comme à l'aller!) allumer la tronche des bombardiers, qui faisaient, alors, demi-tour pour tenter de rentrer à leur bases, avant de devoir effectuer un atterrissage en catastrophe, en territoire ennemi, faute de carburant.
Juste pour remettre les choses dans leur contexte, un B-17, à pleine charge (+/- 2700 kg de bombes et de munitions) avait 1600 km d'autonomie, un Short Stirling ( +/- 6300 kg), 1875 km, un Halifax, avec 5 900 kg, 2000 km. Si vous vous basez sur des aérodromes installés dans les iles britanniques, vous vous retrouvez avec un temps de présence sur zone extrêmement limité, où le moindre d'écart, pour éviter les tirs de la Flak, à l'aller, sur zone et au retour, impliquaient une consommation supplémentaire (sans prendre en compte les pélots de Flak qui pouvaient vider un réservoir en deux coups de cuiller à pot !). Du coup, la défense anti-aérienne allemande connaissait, à peu près, par cœur, les routes des escadres de bombardement alliées, à partir de leurs aérodromes de décollage, avec regroupement préalable - qui bouffait, nécessairement, du carburant! - ou non.... d'où son dispositif radar installé au plus près de la Manche et de la Mer du Nord et ses positions fixes de Flak, étagées sur "4 rangs" (ou plus), depuis les côtes, sur le trajet des bombardiers alliés et, ce, bien entendu, sans compter la chasse!
Un autre détail, hormis les B-29, qui ne seront jamais engagés sur le Front Ouest, mais qui pouvaient voler, en croisière, à un peu plus de 9000 m (27 000 pieds), l'altitude de vol des flottes de bombardiers britanniques et américains, au-dessus de l'Europe, n'excédaient pas 8000 m, altitude qui était sensée les mettre à portée de tir de toutes les pièces de la Flak lourde (8,8, 10,5, 12,8 cm). En plus, l'altitude de bombardement, pour conserver une certaine précision - sauf dans le cadre de tapis de bombes incendiaires, où on tablait sur la propagation des feux grâce aux phénomènes atmosphériques créés, - se situait aux alentours de 4500 m.
Les Flaktürme constituaient, lors de leur construction, le "répulsif" ultime, pour des "petites" formations de bombardiers, en limite d'autonomie. L'accroissement de leur puissance de feu avait été largement dépassé, à dater de la fin de l'automne 1944 - date très importante, car elle coïncide avec la mise en place, notamment, en France, d'aérodromes pouvant accueillir des escadrilles de bombardiers lourds, grâce auxquels la distance à parcourir "aller-retour" s'était retrouvée ratiboiser de 600 bornes! - par le déploiement des bombardiers lourds alliés
Il existe un paquet d'avancées techniques modernes, largement postérieures au contexte de la seule WW2, qui tendent à nous faire oublier certaines contraintes incontournables de l'époque, comme l'autonomie, la vitesse, l'emport en munitions, car, exemple, bon nombre d'infos Wiki affichent des emports en munitions, qui ne tiennent pas compte de la distance à parcourir et, par voie de conséquence, du carburant nécessaire.
Pour être, tout à fait, honnête, l'armée allemande avait bouffé des fortunes colossales en moyens antiaériens - canons, munitions, projecteurs, radars, directions de tirs, etc. -, mais, au final, la puissance aérienne alliée - au prix de lourdes pertes - en était venue à bout... mais, là - ne m'en veuillez pas de vous paraitre "partial" - elle avait été bien aidée par les offensives de l'Armée Rouge, dès la mi-juin 1944!