Le 17 février 1940, en marge d'une cérémonie protocolaire à la chancellerie, HITLER rencontre MANSTEIN.
La rencontre n'a rien de fortuit, elle est très certainement la conséquence de la visite de l'
Oberst SCHMUNDT (aide de camp du dictateur) 2 semaines plus tôt au
Heeres-Gruppe A dont MANSTEIN est le chef d'état-major.
L'aide de camp participe d'ailleurs à cette rencontre à 4 avec JODL, responsable "Opérations" de l'OKW.
Il en ressortira un changement radical du plan
Fall Gelb proposé jusque là par l'OKH sur base des objectifs, somme toute limités, imposés par HITLER le 9 octobre 1939 :
. invasion des Pays-Bas, de la Belgique et du nord de la France pour d'une part mettre le bassin industriel de la Ruhr hors de portée des Alliés et d'autre part disposer de bases aériennes et navales pour poursuivre la guerre contre la Grande-Bretagne ;
. destruction d'un maximum des forces alliées (et françaises au premier chef) ;
. attaque le 12 novembre 1939.
S'en suit, en 10 jours seulement, un plan relativement bâclé (de l'avoeu même de HALDER) par l'OKH, faute de temps, reprenant l'idée d'aile-droite marchante du Plan Schliffen (la comparaison s'arrête là !) à travers les Pays-Bas et la Belgique menant à une bataille de rencontre, du fort au fort, entre les
schnelle Truppen et le corps de bataille allié. Recalé par HITLER, le plan est à peine remanié fin octobre.
Dans l'entre-temps, MANSTEIN, s'il est convaincu par la nécessité de forcer la décision à l'Ouest, ne décolère pas du maque d'envergure du plan de l'OKH :
. pas d'effet de surprise (la traversée de ce qui deviendra le Benelux est par trop évidente) ;
. une zone d'opération barrée de fortifications et lignes d'eau peu propices à la guerre de mouvement ;
. un flanc sud propice à une contre-attaque de flanc des réserves françaises à partir de la région de Sedan ;
. pas de caractère décisif (au mieux les Français seront repoussés sur la Somme dans une répétition de la guerre précédente) ;
. enfin : l'offensive doit être menée au printemps pour d'évidentes raisons météo (évidence martelée à tous les étages de la
Wehrmacht).
MANSTEIN imagine une manœuvre décisive basée sur le postulat de l'entrée en Belgique des forces alliées, à la rencontre de l'aile-marchante allemande (tout autre axe d'attaque étant barré par les Ardennes et la Ligne Maginot) :
. déplacement du
Schwerpunkt du nord au sud de la Meuse (l'invasion des neutres par le
Heeres-Gruppe B provoquant l'entrée en Belgique des Alliés) ;
. la traversée du massif ardennais par l'ensemble des
schnelle Truppen ;
. franchissement de la Meuse entre Dinant et Sedan ;
. remontée vers le nord-ouest, la basse Somme et la mer pour encercler les forces alliées en Belgique (leur repli sur la Somme n'est plus possible) ;
. destruction du corps de bataille allié en Belgique et surtout, établissement de bases de départ pour une seconde phase au sud de la Somme ;
. dans un second temps (ce sera
Fall Rot) , destruction du restes de l'armée française au sud de la Somme et bataille à front retourné contre la Ligne Maginot.
2 cartes tirées de l'ouvrage d'Eric DENIS
viewtopic.php?f=21&t=47714&p=646517&hilit=FALL+GELB#p646517MANSTEIN se voit conforté (si nécessaire) dans son idée par l'ordre de HITLER (20 novembre) d'évaluer un possible transfert du Schwerpunkt au sud de la Meuse en fonction de l'évolution de l'offensive. S'en suit l'attribution du
XIX.Armeekorps de GUDERIAN au
Heeres-Gruppe.A. Il va sans dire que GUDERIAN se rallie rapidement aux idées de MANSTEIN.
Schnelle Heinz se fait fort de traverser la Meuse en 5 jours là où HALDER en compte 9 ou 10.
Les recommandations de MANSTEIN/RUNDSTEDT (son chef) resteront lettre morte auprès de l'OKH. Les rivalités (HALDER/MANSTEIN et
Heeres-Gruppe B/A) y ont été pour beaucoup jusqu'à ce que SCHMUNDT fasse un tour à l'état-major du
Heeres-Gruppe A. MANSTEIN paiera le prix de ces rivalités en se trouvant écarté par une promotion (manigancée par l'OKH) et l'envoyant à l'est à la tête du
XXXVIII.Armee-Korps. Il est piquant que ce soit la réception organisée à la chancellerie en l'honneur des nouveaux chefs de corps qui précipite la rencontre décisive du 17 février 1940.
Dès lors, à qui doit-on la paternité du "coup de faucille" qui caractérise
Fall Gelb ?
. à la vision stratégique du seul MANSTEIN ou de tout l'état-major de RUNDSTEDT et RUNDSTEDT lui-même ?
. à l'intuition de HITLER qui au fil des semaines entrevoit une option stratégique à travers les Ardennes ?
. à la providence qui fait passer SCHMUNDT par la QG de RUNDSTEDT le 30 janvier 1940 ? (ou est-ce la patte du Führer qui a eu vent des idées de MANSTEIN ?)
. la manœuvre Dyle de GAMELIN était-elle si sotte (comme on l'a parfois écrit) au regard des planifications de ses éminents homologues de l'OKH ?
Quels sont vos avis sur ces questions ?