Toujours soucieux de préserver une distance entre lui et le gouvernement japonais, Hiro Hito a su faire preuve d'une prudente réserve en évitant soigneusement de donner des ordres directs susceptibles de le lier à des décisions prises dans la poursuite de la guerre. Grâce à cette tactique et à l'habile manoeuvre de relation publique menée par Douglas Mac Arthur en 1945-46, l'image du dirigeant nippon est, pour certains, bien loin de celle projetée par des tyrans contemporains comme Hitler et Staline.
Il est toutefois un domaine où l'intervention directe et ponctuelle de Hiro Hito a laissé des traces, celui de l'utillisation des armes chimiques et bactériologiques contre les forces ennemies et les populations civiles. Passionné de biologie et de sciences naturelles en général, l'empereur était aussi très conscient de la réprobation internationale dont ces armes faisaient l'objet. L'article 171 du
Traité de Versailles prohibe en effet expressément l'usage des gaz toxiques. Dans cette optique, Hiro Hito s'est assuré de garder la mainmise sur l'emploi des armes chimiques et bactériologiques en n'autorisant leur emploi que par directive impériale ponctuelle (
rinsanmei). Pour chaque opération, une directive de ce type était ainsi transmise directement aux généraux par le prince Kanin, chef d'état-major
Des usines de fabrication d'armes chimiques furent construites notamment à Takehara au Japon et à Qiqihar en Mandchourie. On y fabriquait du phosgène, du cyanure d'hydrogene, du chloroacétophénone (lacrymogene), de l'arsenic, du gaz moutarde et de la lewisite.
La première directive impériale autorisant l'emploi d'armes chimiques est datée du 28 juillet 1937 et vise le territoire Beijing-Tientsin. Elle stipule laconiquement : "vous pouvez utiliser les gaz lacrymogènes au moment approprié". La seconde, datée du 11 septembre, autorise l'emploi du gaz moutarde à Shangaï. De septembre à octobre 1938, Hiro Hito autorisa au quartier général impérial l'utilisation de gaz toxiques à 375 occasions près de Wuhan. En mars 1939, le général Okamura Yasuji fut autorisé à utiliser 15 000 bombonnes de gaz au Shantung. Le 11 avril, les gaz toxiques furent autorisés au nord de Yenan et en Mongolie. Le 15 mai, l'emploi d'armes chimiques fut autorisé à des "fins expérimentales" à la frontière Mandchourie-URSS.
Toujours prudent, Hiro Hito n'autorisa l'emploi des gaz toxiques que contre les "jaunes inférieurs" (civils ou soldats) et jamais contre des nations occidentales. Si ces gaz furent utilisés en 1940 dans le sud de la Chine, il furent expressément interdits en 1940 alors que l'armée japonaise combattait en Indochine contre les troupes françaises.
Pour les armes bactériologiques, leur expérimentation était notamment assurée par la tristement célèbre
unité 731, crée en 1931 à Harbin (Manchourie), par mandat impérial. D'autres succursales furent notamment construites par la suite à Nanking, Xinjing, Guangzhou, Beijing et Singapour. On y expérimentait sur des cobayes humains, chinois, coréens ou russes. Les bactéries injectées étaient notamment responsables de la typhoïde, de la peste et du choléra. (voir à cet effet la chronique du site consacrée à ce sujet)
Leur utilisation fut autorisée en Manchourie, en Chine ainsi qu'en août 1939 contre les troupes russes et mongoles près de Nomonhan. La technique de dispersion utilisée par l'armée japonaise consistait soit à contaminer les puits ou les sources d'approvisionnement en eau ou encore à contaminer des des matières fibreuses comme du coton ou des denrées comme du riz, du millet et du blé. A plusieurs reprises, des avions japonais ont ainsi lâché par avion des contenants de céréales contaminés sur des villages manchous et chinois. Toutes ces opérations requéraient à chaque fois l'approbation du quartier général impérial dirigé par Hiro Hito.
Dernière édition par romualdtaillon le 05 Fév 2006, 16:38, édité 2 fois.