pierma a écrit:Il est même possible que dans son esprit l'offensive sous-marine soit un moyen de retarder l'entrée en lice des Américains sur le théâtre européen, faute de tonnage pour assurer leur logistique, mais je n'ai rien pour étayer ça. (D'autant plus que la préoccupation pour la logistique n'était pas le point fort d'Hitler.)
Je n'ai pas plus que toi pour étayer les hypothèses de ce que HITLER peut bien avoir dans son esprit en décembre 1941 mais reportons nous aux conséquences de l'intensification de la bataille de l'Atlantique :
. à court terme, et même à très court terme, HITLER accentue la pression sur le Royaume-Uni ce qui est cohérent avec sa stratégie de forcer la main de Londres ;
. le déploiement de l'
US Army en Europe passe par le mer, l'
U-Bootwaffe devient par conséquent la première ligne de défense à l'Ouest ce qui, à l'horizon 1942, est compatible avec une campagne terrestre à achever à l'Est.
Cohérence entre moyens et objectifs dès lors que la guerre à l'Est ne dure pas plus d'un an. Ce que HITLER et ses états-majors peuvent encore espérer, à ce moment-là, de leur point de vue.
pierma a écrit:L'étonnement de Roosevelt, je n'ai aucune information là-dessus. Roosevelt et ses chefs d'état-major peuvent être surpris et juger que le drôle est décidément gonflé, mais si c'est le cas ils vont rapidement comprendre : entre ce qui leur tombe dessus dans le Pacifique et le massacre de leur flotte civile sur la côte est, la guerre commence pour eux par une mauvaise surprise sur chaque océan. (la situation sur la côte est, et l'entêtement de l'US Navy à y refuser le système des convois, peut peut-être s'expliquer par l'idée qu'ils sous-estiment les capacités de l'U-Bootwaffe : ce qui signifierait qu'ils se frottent les yeux, en quelque sorte. Mais je ne crois pas que cet entêtement dans l'erreur ait été clairement expliqué. J'ai évoqué aussi la possibilité du manque d'escorteurs, ou leur emploi prioritaire dans le Pacifique. Il y a sans doute un peu de tout cela. )
Rien de concret quant à l'étonnement de ROOSVELT mais comme pour HITLER on peut tenter de s'en faire une idée à partir de faits concrets :
. dès l'entrée en guerre, Washington planifie la constitution d'une armée de 216 divisions dont 61 blindées ;
. moins de 6 mois plus tard (mai 1942) révision à la baisse : 187 divisions dont 47 blindées (ce qui reste énorme) ;
. fin 1942 il n'y aura plus que 20 divisions blindées au programme dont 16 verront le jour (au passage, au passage la notion de division motorisée passe à la trappe pour des raisons de doctrine mais aussi de capacité de production et de gestion des moyens de transport… priorité aux moyens logistiques qui shifteront vers les divisions de combat à la demande… erreur conceptuelle dommageable qui paralisera l'
US Army en Europe en septembre 1944 mais je m'égare !).
Du côté de la
Navy, l'Amiral KING (partisan du
Germany First si je ne me trompe) va seulement lancer le programme dit "des 2 océans" (en 1942 ?? je ne sais plus !), c'est donc que la Navy, la mieux préparée à la guerre des armes US, ne l'est pas pour une lutte sur 2 fronts.
J'en déduis (un peu vite ?) que les Etats-Unis sont sûrs de leur fait quant à gagner une guerre contre l'Allemagne et seraient au moins relativement surpris de la mener sur 2 océans en même temps. Partant, ils ont dû, sans doute, prendre l'Autrichien pour un type drôlement gonflé. Les coups de boule qu'ils vont se prendre tant sur l'Atlantique que sur le Pacifique vont rapidement les ramener à la réalité. Je pense.
Je ne sais pas si Warlimont dit la vérité dans les souvenirs qu'il a publié après la guerre : Im Hauptquartier der Wehrmacht 1939-1945. Les généraux allemands étaient consternés par cette déclaration de guerre (si l'on en croit Warlimont).
Les mémoires de WARLIMONT sont un véritable plaidoyer à charge contre HITLER. Comme la plupart des mémoires de ses pairs. Les précautions d'usage sont nécessaires à la lecture de ces écrits tout de même sidérants où tous ces stratèges professionnels qui ont mangé dans la main d'un tyran (souvent grassement corrompus) expliquent à longueur de chapitres qu'ils auraient gagné, ou à tout le moins "pas perdu" si ont les avait laissé faire...
pierma a écrit:Ils sont déconcertants. Alors qu'en bons professionnels de la guerre - ils le sont - ils devraient en tirer immédiatement les conséquences, ils mettront pourtant un temps fou à constater l'évidence, et au final ce n'est même pas eux qui l'ont tué !
Ne sont-ils pas de mauvais professionnels justement ? Dès lors qu'ils ont des œillères extraordinaires ? Que leur victoire contre la France en 1940 flatte leur orgueil au point d'imaginer que nul ennemi ne peut leur résister ?
Un exemple particulier ne fait pas une généralité mais je pense à SCHWEPPENBURG, patron de la
Panzergruppe West au printemps 1944, persuadé qu'il va balayer ce menu fretin d'anglo-américains dès qu'ils auront mis le pied en France. Il raille quand même ROMMEL quand celui-ci lui fait part de son expérience tunisienne. Il finira presque à s'en excuser face à l'évidence mi-juin 1944.
Leur incapacité à se remettre en question, du moins dans les actes et surtout après coup, est pesante.
Que sait-on des journaux d'un HALDER par exemple, quant à la réaction à cette déclaration de guerre du 11 décembre 1941 ?
« Les gens pensaient que je portais mes grenades telles une posture d’acteur. Ce n’était pas correct. Elles étaient purement utilitaires. Plus d’une fois en Europe et Corée, des hommes en difficulté trouvèrent le salut à coups de grenades »
General Matthew B. RIDGWAY, XVIII US Airborne Corps Commander, Ardennes 1944