Loïc Charpentier a écrit:Bonjour, Alain,
Hormis la "supposée" Ligne Siefried, il n'y avait rien eu (de sérieux), en face de l'armée française, jusqu'à la dernière décade de septembre et le transfert des premières unités, qui avaient combattu en Pologne, à l'Ouest. Mais, çà, les services de renseignement français ne pouvaient pas le deviner, car les Allemands avaient fait le nécessaire pour enfumer l'adversaire.
J'ai commencé a décortiquer en détail les implantations de la ligne Siegfried, sur le secteur de Saarbrucken, et c'est pas si terrible que ça .
Certes il y a une ligne antichar ( rails plantés dans le sol , herissons etc ) et deux lignes de barbelés, mais au delà, les armements antichars sont minimes et on trouve principalement des casemates dotés de mitrailleuses. L'antichar utilisé est du 37mm, rappelons le, qui n'a que peu d'efficacité sur les blindés français. Bien sur il y a des champs de mines ici et la, mais cela ne résiste pas a l'artillerie lourde.
J'ai rapidement parcouru un rapport français dont l'objet était de calculer les besoins en artillerie pour autoriser un assaut sur la ligne Siegfried. Grosso modo , on peut en retirer qu'avec 5/6 jours de préparation avec du gros calibre d'ALVF, du 155 et du 105, l'infanterie française serait passée dans un champ désertique ( sauf quelques bouts de béton et de métal ) sans plus aucune défense.
Mais, et on revient à Gamelin, il définit explicitement qu'il a du mal a faire monter les unités d'artillerie lourde avec suffisamment d'obus pour effectuer cette préparation. ( le rapport parle d'un véritable matraquage avec des milliers d'obus de gros calibre tirés ).
Et le franchissement me direz vous ... Aucun blindé de franchissement ( porte pont, saute-mines , lance fascines etc) n'est prêt en septembre 1939, ou tout du moins aucun ne trouve en unité de combat.
Reste la possibilité d'utiliser les B1bis pour défoncer les lignes, mais les expérimentations déterminent qu'il leur faut plusieurs heures pour venir a bout d'une largeur correcte sur un secteur antichar comme des lignes de dents de dragon en restant vulnérables a des assauts aériens ou des tirs d'artillerie.
Ne reste vraiment que l'artillerie française... ou une boucherie humaine avec des assauts contre des bunkers disposant de mitrailleuses. C’était plus trop dans l'air du temps ...
Pour exemple , le secteur défensif sud de Saarbrucken .

Les éléments en rouge ne sont pas encore construits ou en cours . Seuls les éléments bleus comptent.
Pour mieux lire , voici une légende

Mais avant tout, il fallait surtout que l'armée polonaise résiste plus durablement, pour que l'assaut français devienne possible ... et utile !
Une note plus perso:
Cette succession d'information n'a pas pour but de dédouaner la France de l'engagement pris avec la Pologne, ni de revenir sur le caractère qui peut paraître ridicule de l'engagement en Sarre, mais d'expliquer le contexte militaire, et ce qui était réellement prévu. On a pour habitude de casser du sucre sur le dos des Français pour leur mollesse et leur attentisme depuis le 1er septembre 1939, et au contraire, j'essaye de montrer que les français ne sont pas resté inactifs mais ils manquaient de temps. S'ils avaient disposé d'un petit mois, les choses auraient peut être été différentes.
N'oublions pas que la France était seule en Europe continentale a ce moment là sur le coté occidental et ne pouvait compter que sur elle même dans les premières semaines d'engagement. Suisse, Belgique, Luxembourg et Pays-bas tenaient a leur neutralité , l'Italie était clairement alignée avec l'Allemagne, l'Espagne n'en était pas loin, et la perfide Albion n'avait que quelques tommies sous la main.
Sur le coté oriental, il était espéré que la Russie n'intervienne pas mais il y avait de gros doutes ( qui seront confirmés ), et seule la Pologne était alliée.
Grosso modo, chaque soldat français devait être utilisé avec parcimonie dans les premiers temps de la guerre, et il était hors de question de les envoyer au feu baïonnette au canon pour prendre une tranchée ou une casemate. Par ailleurs si la mécano-motorisation était en cours, le parachèvement était encore loin et seules deux DLM existaient en septembre 39.
Alors quoi, fallait il se dire " de l'audace" et tenter le tout pour le tout, advienne que pourra ( au prix de milliers de soldats ), ou imaginer plutôt, et ainsi que c’était raisonnable a l'époque, qu'une armée comme celle de Pologne ne pouvait être vaincue aussi rapidement que cela a été, et planifier une attaque en règle qui déterminerait la défaite Allemande en quelques mois ?
Nous savons aujourd'hui que c’était une erreur, mais vous savez aussi maintenant que l'attaque de Sarre n’était pas la grande offensive prévue mais juste une mise sur pied des positions de départ .
Au passage je tiens a remercier la propagande Allemande, continuée par celle de Vichy , et de nombreux auteurs Anglo-Américains d’après-guerre, pour avoir déterminé leur vision de l'histoire concernant la campagne de Sarre sans lire une archive française, puisque jusqu’à aujourd'hui ces idées stupides subsistent.
Alain