Post Numéro: 9 de Mimile 23 Juil 2008, 19:36
En fait,en août 1922,l'Allemagne n'était plus capable de payer la moindre rançon.
Des experts internationaux,des banquiers,des spécialistes des finances et des professeurs,appelés par le gouvernement du Reich, ne voyaient nulle part d'issue.
Ils déclarèrent l'Allemagne en faillite...
L'heure était venue pour la France,sous le couvert du Traité de Versailles,de prendre possession de territoires allemands.
A la fin de 1922,la Commission des Réparations constata que,dans le courant de l'année,l'Allemagne n'avait pas livré suffisamment de bois et de poteaux télégraphiques.
L'Allemagne offrit de payer en espèces la valeur des marchandises
qui n'avaient pas été livrées à la suite de difficultés administratives.
A Paris,ni l'Angleterre,ni l'Italie ne voulaient s'associer au désir de la France de prendre des sanctions.
Rien n'y fit.La France en tout cas voulait détenir encore plus de "gages productifs".Mais la véritable raison fut peut-être donnée
par Jacques Bainville lorsque,très sincèrement,il écrivit dans La Liberté:
"Et si bien même nous amenions vraiment la désorganisation
complète de l'Allemagne,en serait-ce plus mauvais? Et comme
nous avons plus à craindre une Allemagne organisée comme
celle de 1914 qu'une Allemagne désorganisée comme celle de
1923,nous pourrons toujours nous dire que l'effondrement et
l'impuissance de l'Allemagne,en nous préservant de l'invasion,
valent pour nous des milliards."
Le 5 janvier 1923,le gouvernement français décidait l'occupation de la Ruhr.
C'est le plus grand territoire allemand et européen de production charbonnière et métallirgique,avec une population extrêmement dense(environ 600hab./km2).
Il comprend près de 3 800 km2 et son stock de charbon est de 60 milliards de tonnes.
Le 10janvier,la France avisait le gouvernement allemand qu'elle comptait
envoyer dans la Ruhr une délégation d'ingénieurs pour contrôler les livraisons allemandes de charbon.Afin de protéger cette délégation de quelques douzaines d'ingénieurs, 5 divisions françaises et une division belge,sous les ordres du général Degoutte,pénétraient le 11 janvier dans la Ruhr:60 000hommes avec l'artillerie lourde,75 chars,de la cavalerie et des dizaines d'avions.
Le gouvernement du Reich publia une proclamation dans laquelle,devant le monde entier,il accusait la France de violation du droit.
LE MONDE RESTA MUET...
Il est vrai qu'un exposé de juristes anglais éminents stigmatisait l'invasion de la Ruhr comme une violation du Traité de Versailles.
Mais l'Angleterre s'abtint de publier cet exposé.Le général Allen,commandant en chef des forces américaines,écrit dans son journal de Rhénanie:
"La pensée que nous voyons ici une toile de fond pour la répétition
historisque de la guerre de Sept ans et de la guerre de Trente ans
était et reste prépondérante.Ce n'est pas une vaine façon de parler
que de dire qu'on vient d'allumer ici une poudrière dont les effets
se feront sentir jusqu'à la frontière russe et peut-être même
encore au-delà."
Quelques jours après l'entrée des Français,les troupes américaines d'occupation se retiraient de Coblence.
Le 19 janvier 1923,du côté allemand,la résistance passive fut proclamée dans la Ruhr.
Les chemins de fer,la poste,les administrations,les usines cessèrent
le travail,et les livraisons de charbon au compte des réparations s'arrètèrent.
Les Français étaient furieux.
Une colère sans bornes les saisit contre cette population récalcitrante et
se manifesta par des cruautés et des excès sanglants.Lorsqu'un Allemand
qui rencontrait un officier français ne descendait pas respectueusement du trottoir,
il était cravaché,ceux qu'on soupçonnait de faire de la résistance étaient
emprisonnés et soumis à des chatiments corporels.Les magasins furent pillés.
On tira à la mitrailleuse sur les Allemands qui osaient chanter des chants
patriotiques.On expulsa d'abord tous les cheminots.Plus tard,on expulsa des d'autres habitants.
On vola l'argent des banques,ce qui produisit une somme d'environ 100 milliards de marks.
Evidemment,cela ne représentait pas grand-chose,le dollar valait 49 000 marks.
Quand les Français avaient besoin de quelque chose,personne ne se proposait volontairement.
Ils envahirent les usines Krupp,et comme les ouvriers s'étaient rassemblés dans la cour de l'usine,les Français firent tirer sur eux,conséquence:des morts et des blessés.Krupp et ses directeurs furent arrètés et mis en prison.
Le 29 janvier,le général Degoutte proclama l'état de siège aggravé.
Ainsi le territoire de la Ruhr se trouvait complètement coupé du reste
de l'Allemagne.
Les Français essayèrent de s'en tirer avec leurs ouvriers et fonctionnaires.
La conséquence fut le chaos complet dans l'administration et les entreprises.
Plus leur impuissance était grande,plus l'arbitraire se faisait brutal.
A Dortmund,dans une querelle avec des Allemands,deux Français furent
tués.Les soldats français parcoururent alors la ville en donnant libre cours
à leur rage,un seul officier français abattit à coup de révolver six Allemands l'un après l'autre.
Les Français expulsèrent la police locale et empèchèrent la formation de troupes de sureté.
Un vaste organisme pour le recouvrement des gages,la " Mission interalliée de Contrôle des Usines et des Mines" (Micum),s'arroga un droit illimité de réquisition.
Et les conseils de guerre siègeaient sans arrèt.En sept mois,dans les territoires occupés, on avait infligé pour plus de 1 652 milliards de marks d'amendes.
Le peuple,désarmé,contrôlé,espionné,entouré de dénonciateurs,de traitres et de soldats en arme,se tenait tranquille.
Mais une fermantation latente se produisait,et la volonté passionnée de la liberté,d'abord contenue et étouffée, ne tarda pas à jaillir,tandis que dans les ministères berlinois se succédaient les soirées brillantes et les réceptions diplomatiques.
L'adversaire le plus dangereux fut Albert Léo Schlageter, un jeune combattant qui,dans sa lutte pour la liberté de l'Allemagne,ne trouva jamais aucune tâche trop difficile,aucune entreprise trop risquée.
Sous le pression des Français,un maire allemand lança contre Schlageter un mandat d'arrêt.La trahison le livra aux mains des Français.Le 26 mai 1923,Schlageter fut fusillé par les Français sur la lande de Golzheimer,près de Dusseldorf.
Un sergent brisa brutalement de sa crosse les genoux du condamné,debout devant le poteau d'exécution....
Mais personne,dans les conférences et les négociations qui se tenaient à Berlin et dans les Etats de l'Entente,ne s'occupait de ces tragédies qui ensanglantaient les territoires occupés.
En fait,conférences et négociations n'amenaient aucun
résultat positif.
Ce ne fut qu'au début août que l'Angleterre se décida à déclarer que ses juristes avaient eu raison dans leur exposé,que l'occupation de la Ruhr constituait une violation du Traité de Versailles.
Mais aucune conférence ne pouvait maintenant arrêter le torrent de l'inflation.
De semaine en semaine,la valeur du mark papier tombait.
A la mi-juin,on devait donner 100 000 marks pour un dollar,à la fin juillet,
plus d'un million,un mois plus tard,plus de deux millions,au milieu de septembre 132 millions...
Le gouvernement devait confier l'impression des marks papier à des imprimeries privées,parce qu'à lui seul il n'en venait pas à bout.
Dans diverses provinces,dans quantité de villes,on imprima des marks papier de secours sous toutes les formes.
Le caractère fictif de la valeur de l'argent apparaissait sous le jour le plus cru.
Quand les ménagères allaient faire leurs achats sur les marchés elles emportaient pour leurs provisions une sacoche ou un petit panier,mais pour transporter l'argent nécessaire,il fallait un sac beaucoup plus grand.
A côté de leurs étalages,les vendeuses avaient de grandes corbeilles dans lesquelles elles jetaient l'argent.
Quand,à la fin du marché,on nttoyait la place,on voyait s'envoler ou trainer dans la boue des billets de 100 000 marks et plus dont personne ne se souciait.
En septembre,le Gouvernement en était à un tel point qu'il ne voyait plus d'issue.
Le 26 septembre 1923,il suspendit la résistance passive.La valeur du mark papier tomba avec une rapidité encore plus grande.
Le 15 octobre,alors que pour un dollar on devait verser 5 milliards 500 millions de marks papier,fut fondée la Rentenbank allemande,afin de se rendre maitre de l'inflation à l'aide d'un nouveau moyen de paiement.
Plus d'un mois s'écoula avant qu'on pût ramener au port le bateau qui sombrait.
Cependant,la valeur du mark papier tombait de jour en jour,d'heure en heure.
Le mot "argent" n'avait plus de sens,seule la "marchandise",n'importe quelle marchandise,valait encore quelque chose.
Celui qui avait en mains pour des milliards de papier se hâtait de les dépenser.
La possession des choses les plus insignifiantes apparaissait préférable à celle de l'argent.
Les étrangers, qui venaient de tous les coins du monde,grace àleurs devises, achetaient à des prix pour eux ridicules,des chargements entiers des objets les plus précieux.
En même temps, la spéculation boursière sur les titres s'étendait dans
toutes les couches de la population des villes.
Celui qui ne passédait rien cherchait au moins, par l'intermédiaire d'agents véreux et d'hommes d'affaires, à gagner quelque chose à la Bourse.
Hommes et femmes,jeunes et vieux,riches et pauvres,tous étaient entrainés dans le tourbillon de l'appât du gain.
Enfin, le 20 novembre 1923,alors qu'on payait pour un dollar 4,2 milliards de marks papier,et que le nouveau rentenmark venait d'ètre mis en circulation,on réussit à arrèter l'inflation d'un seul coup!
Les 4,2 milliards de marks papier,c'est-à-dire le dollar,ne valurent plus
que 4,2 Rentenmarks....
Ce fut comme si on arrètait brusquement une toupie folle.L'inflation avait été une sorte d'ivresse malsaine.Maintenant,avec la solidité de la monnaie,arrivait le dégrisement.
Mais en mème temps un appauvrissement sans exemple du peuple allemand.
Les fortunes privées se composant d'anciens Reichsmarks,ou de valeurs
émises en Reichsmarks, n'existaient plus,car le Reichsmark lui-mème
n'existait plus,il avait été noyé dans les marks papier.!
Non seulement la classe moyenne économe,mais aussi les gens aisés et riches, qui n'avaient pas saisi le danger de l'inflation,et n'avaient par conséquent pris aucune mesure pour sauver leur argent ou leurs valeurs,se trouvaient sans exception réduits à la mendicité.
On vit le bouffon se mèler au tragique: un paysan,un avare qui avait laborieusement entassé les marks papier après l'inflation,s'était rendu à la banque avec une énorme malle pleine d'innombrables milliards, afin de grossir encore sa fortune.
Il ne pouvait ni croire ni comprendre pourquoi le contenu de son coffre ne valait mème plus un pfennig.
Les étrangers qui avaient acquis pour un morceau de pain des immeubles de 5 étages n'étaient plus en mesure de payer leurs énormes impôts avec le montant fondu des loyers.
Ils prirent leur parti d'une perte en vérité sans importance, et ne s'occupèrent plus de leurs maisons...
C'est ainsi qu'il y eut à Berlin une quantité de maisons sans propriétaires qui durent ètre administrées par les locataires pour ne pas tomber en ruine.
A partir du moment où le gouvernement du Reich ne fut plus en mesure de financer la résistance passive de la Ruhr avec des marks papier,la population de ces territoires fut en proie à la plus grande détresse.
On comprit alors soudain que l'Allemagne non occupée avait
entretenu les territoires occupés grâce à ses ressources fiscales.
Maintenant,ces territoires n'avaient ni travail,ni nourriture.
La plupart des familles vivaient des semaines et des mois d'un peu de pain, de pommes de terre et de margarine.
La farine fit son entrée au milieu du peuple ruiné aussi bien dans les territoires occupés que dans les territoires non occupés.
Le nombre des suicides s'accrut d'une manière effrayante et
l'amertume sociale prit des formes désespérées et inquiétantes. *
*( Voy. : Johannes Ohquist:Le National-socialisme,des origines à la guerre, pp.36-42( éd.Avallon-Paris,1989)