J'ai tendance à rabâcher - c'est, surement, l'âge!
- mais la portée de 42 000 m sous une élévation de +45° , n'avait pas de valeur "navale". Jusqu'à la fin de la Première Mondiale , l'élévation des pièces de gros calibres, toutes marines confondues, se limitait à +22°. Au début des années 1930, on l'avait augmentée de 20° et plus, dans l'optique d'un emploi mer-terre, le cuirassé étant une formidable plate-forme de tir. C'était, aussi, une vieille vengeance de la part des matafs, vis-à-vis des artilleurs de côte, car, jusqu'aux années 1850-1860, l'artillerie de côte - de par sa stabilité "naturelle" - damait, 9 fois sur 10, le pion à l'artillerie navale, aussi bien en portée qu'en "précision" - sachant que, jusque là, on utilisait des pièces à chargement par la gueule, dont le "vent", nécessaire pour engager le boulet ou les premiers projectiles ogivo-cylindriques, nuisait sérieusement à la précision, sans oublier l'aspect rudimentaire des appareils de réglage! -.
Entre 1905 (suite à la guerre navale russo-japonaise) et 1914, l'amélioration des pièces de marine et de leurs dispositifs de visée - télémétrie incluse! - avaient permis d'obtenir des résultats "positifs" (presque corrects) jusqu'à 14 500 m - pour mémoire, la Royal Navy ne disposait pas, en 1914-1915, de plan de tir naval autorisant les tirs au-delà de 10 000 m! -. Les premiers tirs au combat, à 18 300 m, s'étaient déroulés durant "l’escarmouche" de Dogger Bank, en janvier 1915, les canonniers britanniques réglant leurs pièces au "pouce mouillé", faute de dispositif de réglage de tir adapté ; les pièces avaient, certes, +20° d'élévation ( portée théorique, 20 000 m), mais les télémètres Barr & Stroud, eux, étaient limités à + 15°! -.
En plus, au-delà de 15 000 m, les pourcentages d'impact sur une cible mouvante, "relativement petite" étaient très faibles, de l'ordre de 3 à 4% du nombres de pélots tirés, même avec la télémétrie stéréoscopique "performante" utilisée par la Kriegsmarine, durant la seconde Guerre Mondiale. Le réglage de tir par radar, à l'époque, n'avait pas, non plus, la précision nécessaire.
Grosso modo, jusqu'à la fin de de la Seconde Guerre Mondiale, la portée "efficace" des pièces navales de gros calibre, engageant une "cible" sur mer, n'avait guère dépassé 20 000 m (avec des pourcentages d'impact très faibles).
A l'inverse, à 35 000-42 000 m, sur une cible terrestre, même en loupant largement sa cible, un pélot de 800 à 1500 kg (selon son calibre) pouvait faire des dégâts;, alors que, en mer, il faisait juste, le plus souvent, un gros "plouf"! Sauf que, par exemple, à bord de la classe Yamato, l'emport était de 100 obus (AP & HE confondus) par pièce, 900 coups pour l'ensemble des canons de 406 mm, mais que lesdits tubes avaient, au mieux, une durée de vie (moyenne) de l'âme, de 250 coups, selon les munitions tirées ; avec des obus à grande vitesse initiale (780-805 m/s, selon le modèle) utilisés avec la charge propulsive maximale, ladite durée de vie se cassait très vite la gueule. Conclusion, on ne faisait pas n'importe quoi avec les grosses pièces, les tubes de l'artillerie de moyen calibre (+/- 15 cm) ayant, eux, une durée de vie de l'ordre de 8000 coups!
Si on revient à l'IJN Yamato (et sa "copine"), à + 12 °, la portée des 406 mm était de 27 916 m, +20°, 27 916 m, et à 30°, 35 826 m... mais, déjà, à +30° (et, même avant!), en usage naval "mer-mer", on oubliait toute précision sérieuse et on tablait sur le gros "coup de bol"!
L'obus de rupture perforant (Vo = 780 m/s), à 20 000 m , était sensé percer, à 522 m/s, 566 mm de blindage vertical, et 416 mm de blindage vertical... à 30 000 m ( 475 m/s), respectivement, 475 et 167 mm., mais personne n'ose annoncer ses "performances" à 42 000 m (40% de distance en plus par rapport à 30 000 m!). On tablait, alors, surtout, sur le poids du projectile, conjugué à sa vitesse restante... une bagnole moderne de 1400kg - ex: un "SUW" Koléos Renault - même sans charge explosive intégrée, ferait "bobo" en percutant le sol à 1260 km/h (350 m/s).