Roosevelt, Vichy et Alger
L'imbroglio du 8 novembre 1942.
Charles Zorgbibe
Edi.tions de Fallois
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Synopsys
Cette nouvelle et magistrale étude de Charles Zorgbibe est centrée sur le débarquement américain en Afrique du Nord en novembre 1942. Elle en détaille les péripéties et en éclaire les conséquences : le coup de grâce porté aux ambitions conquérantes du Reich et le renversement du cours de la guerre.
Mais l’auteur ne se contente pas d’un récit historique, si fidèle et rigoureux qu’il soit.
Il expose et dévoile dans toute leur ampleur les vues personnelles de Roosevelt sur la stratégie des Alliés, la constance et la fermeté de ses convictions, les combats de politique intérieure qu’il eut à mener, pour faire admettre à une opinion publique réticente la stratégie qui conduisit à la victoire. Une stratégie qui tient en deux articles : éviter à tout prix que l’Allemagne ne s’empare de la flotte française et que ses troupes ne déferlent sur l’Afrique du Nord.
Au service de ce double objectif, une seule solution : établir et préserver un lien direct permanent avec le régime de Vichy.
Les ouvrages parus depuis quelques décennies sur la Collaboration nous aident à comprendre l’audace de ce pari.
C’est pourquoi l’histoire des relations entre Roosevelt et Pétain est en partie celle de la diplomatie secrète.
Peut-on, de l’extérieur, rêver deux personnalités officielles plus opposées que celle du plus grand leader démocrate des États-Unis et celle du vieux soldat placé à la tête d’un régime autoritaire et monarchique, sans parler des « composantes idéologiques » de la Révolution nationale ?
Pour mieux faire comprendre la persévérance – déroutante aux yeux de certains – de Roosevelt, Charles Zorgbibe revient dans un long prologue sur sa carrière et sa formation : ce qu’il doit à Wilson mais aussi aux théoriciens de la puissance navale américaine, d’où sa focalisation, dès le début du conflit, sur la France occupée, sur sa flotte et sur son Empire.
Ayant établi une « ligne directe » avec le maréchal Pétain dès 1940, Roosevelt ne cessera de lui adresser par l’intermédiaire de ses émissaires personnels, l’amiral Leahy, Robert Murphy, conseils et mises en garde, se refusant à tout contact avec De Gaulle.
C’est dans ce contexte de stratégie à long terme au service de laquelle Roosevelt mit toute son habileté de tacticien politique aguerri, que se noue et se dénoue l’imbroglio d’Alger (novembre 1942).
Au lendemain de leur débarquement en Afrique du Nord, les Américains établissent un régime vichyste sous protectorat des États-Unis tandis que les résistants, qui avaient pris les plus grands risques personnels pour seconder les Alliés, sont internés dans les confins sahariens.
On connaît la suite : l’antagonisme avivé des forces politiques algéroises, l’arrivée du général De Gaulle et des siens, l’impéritie du général Giraud, le jeu de Jean Monnet et son ralliement décisif aux Français libres qui emporteront la partie au grand dam des Américains, aux yeux desquels De Gaulle et les siens n’étaient guère plus que des « trublions ».
Le grand mérite de Charles Zorgbibe est d’avoir reconstitué minutieusement ce puzzle infiniment complexe, sans que la précision des détails nuise à la clarté d’un exposé géostratégique de grande ampleur.
On lui sera reconnaissant non seulement d’avoir tout lu (archives, mémoires, témoignages, études historiques modernes) sur le sujet, mais de transmettre son savoir d’une façon limpide et vivante : sans alourdir son texte de notes et en reconstituant les échanges des principaux acteurs sous forme de dialogues authentiques, puisés dans leurs propres écrits. Dialogues ou discours fictifs, dira-t-on ? Mais n’est-ce pas l’art des Pères fondateurs du genre historiques, Hérodote, Thucydide, Tite-Live ?
On sera également sensible à la multiplicité des épisodes romanesques, des exploits individuels accomplis par les héros de l’ombre et des portraits qui font de cette magistrale synthèse le livre par lequel il faut commencer si l’on veut comprendre aujourd’hui pourquoi et comment l’hiver 42 fut le grand tournant de la guerre.
Juriste universitaire de Paris-Sud, recteur d’Aix-Marseille puis professeur à la Sorbonne, Charles Zorgbibe a publié aux Éditions de Fallois une série de biographies, de Mirabeau à Kipling et à Guillaume II et de Metternich à Kissinger et à Disraeli.