Aldebert a écrit:Journal « Le PROGRES du Finistère » N° 1901 du Samedi 28 Aout 1943
Il est assez surprenant que l’occupant ait laissé publier l'information suivante qui ne semble pas propre à faire penser à sa victoire prochaine. .....et pourtant!!!
" La création de l'Amgot (Allied Military Government for occupied territories) fait l'objet d'un commentaire de la T. S. F. de Brazzaville...
Il y a une chose très curieuse : Radio Brazzaville était, il me semble, un émetteur de la France Libre (ou du CFLN, à cette date).
Je vois mal De Gaulle faire diffuser une promotion d'un organisme dont il avait l'intention d'empêcher la mise en place par tous les moyens. (Quoi ? La France gouvernée par Roosevelt ? )
Peut-être une initiative malheureuse d'un journaliste de la station ?
Ou une manoeuvre montée en France métropolitaine, qui prétend tenir cette information de Radio Brazzaville, histoire de laisser entendre que De Gaulle est d'accord avec cette mise sous tutelle ?
Pour Jardin David, il ne s'agissait pas d'un mythe, un AMGOT a effectivement été mis en place, à ma connaissance, en Italie d'abord, en Belgique ensuite.
Pour la Hollande et la Norvège, je ne sais pas.
Normalement ç'aurait dû être aussi le cas de l'Autriche - considérée comme un pays victime d'une invasion et d'une occupation allemande ! - mais la présence de l'armée rouge a amené à y mettre en place un conseil allié quadripartite, comme en Allemagne.
En Belgique, il faut noter au passage que cette mise sous tutelle militaire alliée de la Belgique ignorait, sans gêne aucune, l'existence du gouvernement belge en exil, lequel se trouvait à Londres depuis juin 40, et d'ailleurs reconnu pour administrer les citoyens belges encore en liberté et les territoires et ressources appartenant à la Belgique, typiquement le Congo belge et la marine marchande. (Le Congo belge a fourni une ressource clé pour le projet Manhattan, je ne sais plus s'il s'agissait d'eau lourde ou d'uranium.)
Je ne connais pas précisément la durée pendant laquelle des officiers anglais et américains ont ainsi administré ces pays. En Belgique, c'est de l'ordre d'un an, ce pouvoir militaire devant prendre fin avec les premières élections libres générales, ce qui impliquait le retour des prisonniers, des déportés du travail, sans parler des déportés en camps de concentration.
(C'est également la condition adoptée librement par le Gouvernement Provisoire français : en l'absence des 2 millions de prisonniers, des requis du STO, etc... l'aspect démocratique du vote aurait pu être mis en cause. En revanche De Gaulle a organisé très rapidement des élections municipales, pour remplacer immédiatement les maires nommés par Vichy.)
En Italie l'AMGOT a commencé plus tôt (Rome est libérée le 5 mai 44) et a duré plus longtemps : la situation politique italienne était instable, le roi, qui avait continué à gouverner pendant la période fasciste, étant mis en cause par une partie significative de la population. (Je veux dire : pas seulement par les communistes.) Après les premières élections libres - depuis 20 ans - et la mise en place d'un gouvernement (républicain) italien, l'Italie est restée un moment "sous surveillance" par un AMGOT réduit, destiné à vérifier le fonctionnement démocratique de ce gouvernement élu. Ce qui nous mène jusqu'en 46, je pense.
Les officiers destinés à un Amgot suivaient auparavant une formation de 60 jours aux USA, supposée suffisante pour apprendre comment devenir préfet de Chartres ou ministre du rail en Italie, ce qui leur valait - de la part de leurs collègues militaires - le surnom ironique de "sixty days marvels".
L'Amgot, vu la façon dont il a mis la Belgique sous tutelle, par exemple, n'avait rien d'un mythe, et sa tentative de mise en place en territoire français libéré (en Normandie, donc) a fait l'objet d'une des colères bien connues de De Gaulle. (D'après Lacouture, il aurait cru bon, au moment où Churchill l'informait officiellement du débarquement, de terminer la discussion en lui lançant :"Hé bien allez-y ! Allez faire la guerre avec votre fausse monnaie !")
Il s'y est pris très simplement pour éjecter l'Amgot : lors de sa visite en Normandie (à Bayeux, en particulier) le 14 juin 44, il signale négligemment à Montgomery et son état-major : "je vous laisse un officier qui s'occupera des populations."
François Coulet, premier préfet ainsi nommé, s'installe à Bayeux et commence, autant que possible, à y régler les problèmes civiles. Mais il faut savoir que des officiers de l'Amgot étaient déjà présents en Normandie ! la menace n'était pas imaginaire.
Ils firent même le projet de kidnapper Coulet et de le renvoyer en Angleterre.
Ce fut Eisenhower qui empêcha cette folie. (Quittant Alger, il avait indiqué à De Gaulle qu'en dépit de la volonté de Roosevelt, il ne reconnaitrait en pratique pas d'autre autorité en France que la sienne. Eisenhower était très préoccupé par le risque de désordres sur les arrières des armées alliées, et très remonté contre l'absence d'accord avec De Gaulle de la part des alliés, alors que le débarquement était imminent.)