foxbat a écrit: Je ne l'ai pas lu, mais en m'en tenant à la citation, quand il a dit ça, Pierre Nord n'a en fait rien dit. C'est un discours typique de l'immédiat après-guerre, peut-être même une des sources d'inspiration de la 7e Compagnie, et qui ne s'explique que parce que le souvenir de la défaite est tellement douloureux qu'on préfère ne pas en parler, un peu comme dans Le boucler arverne quand on demande où se situe Alésia.
Alors, s'il existe un truc qu'on pourrait, éventuellement, reprocher à Pierre Nord, ce n'est surement pas de "surfer" sur la mode de l'après-guerre. Certes, il a été un romancier renommé, mais d'abord, en tant qu'agent de renseignement "bénévole", en 14-18 - il avait évité, de justesse, le peloton d'exécution allemand, en raison de son jeune âge (16 ans!) - , puis entre 1923, sa sortie de Saint-Cyr, & 1940, en tant qu'officier du 2ème Bureau et chef de service, sans compter son passé de résistant entre 1940 & 1944, un spécialiste français du renseignement militaire ! Sauf qu'il n'a jamais dépassé le grade de colonel, ce qui est insuffisant pour avoir un rôle décisionnaire au sein d'un Haut Etat-major. Son constat, fondé sur sa propre expérience et ses connaissances réelles de la situation, n'avait rien d'une aimable contribution à un défaitisme "général" ambiant
Sauf que, selon la vieille habitude française qui consiste à cantonner "à vie" un individu dans une tâche précise, un "romancier" ne pouvait pas être, en même temps, un expert militaire sérieux!
foxbat a écrit: Pour ma part, je pense qu'il importe de catégoriser les causes - multiples - de la défaite, de les hiérarchiser. Au rang de cause principale, il apparaît bien que la disposition des armées françaises - l'économie des forces - et la manoeuvre Dyle-Bréda étaient une bourde stratégique de première grandeur: réserves commises d'emblée au bout de l'aile, densité excessive derrière la ligne Maginot entraînant un dispositif trop léger et trop peu profond au débouché des Ardennes. Il apparaît que ces erreurs auraient pu être évitées, et que dans ce cas, Fall Gelb aurait pu être - qui sait? - sinon le tombeau de la Panzerwaffe, au moins une lourde défaite qui aurait vu se prolonger la guerre à l'Ouest, prolongation anticipée à tort par les Alliés. Les autres causes - meilleure doctrine allemande, supériorité de la Luftwaffe, un certain immobilisme français - ne sont que des éléments facilitants, des adjuvants qui, en l'absence de la cause principale, n'auraient pu en aucun cas aboutir à la catastrophe que l'on sait. La seconde guerre mondiale abonde en exemples de pointes blindées engluées dans un réseau défensif en profondeur, incapables de déboucher et parfois contre-attaquées sur les flancs avec succès...
Pour en revenir aux chars, la doctrine française n'est pas si figée que l'on veut bien le dire. Il est exact que l'infanterie ne conçoit ses chars que comme accompagnant l'infanterie (d'où des engins lents mais très blindés tels que le B1 bis, le R35, le H35 ), mais la cavalerie a une toute autre vision avec les AMR 33 & 35, le S 35 - au fait, notre SOMUA se nomma d'abord AMC 35, automitrailleuse de combat 35, pour contourner le monopole que l'infanterie revendiquait sur les chars de combat. Une poursuite de la guerre aurait vu le bon grain séparé de l'ivraie, en ce domaine comme en d'autres, d'autant plus qu'autour de De Gaulle, des officiers partageaient ces idées plus modernes.
Et, vas-y, que je te ressorte les vieux poncifs qui ont fait et font, toujours, flores!
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Économie de force, de la part de l'armée française! ... Où çà ? ... Sur un front de plus de 1000 bornes, quand l'aile gauche française s'était avancée jusque dans les Pays-Bas ? Les troupes ne s'inventent pas, les vagues de mobilisation correspondent aux capacités de la population ( à l'époque, 41 millions d'habitants) à fournir les contingents suffisants de recrues... qu'il faut impérativement former - à la louche, 3 mois d'instruction, au minimum, pour un "pinpin" de base, le double pour un "spécialiste"! -. Les allemands étaient strictement confrontés au même problème, alors qu'ils disposaient d'une population plus importante que la notre, qui, globalement, avait bénéficié d'une instruction scolaire et technique plus "importante". En France, avec une population majoritairement rurale - en gros, 60% -, après le Certif (certificat d'études primaires), qu'on passait à 12/13 ans, on allait, en ville, jouer les apprentis, dans l'artisanat ou l'industrie, en campagne, le paysan, le plus souvent journalier, les rejetons de propriétaires terriens étant loin d'être la majorité! Il faut, aussi, en tenir compte dans la formation des "cadres" sous-officiers ou troupe. Le tracteur agricole était, encore, très loin de sa généralisation, du coup, en France, on avait, certes, des jeunes aptes à conduire un attelage de bourrins, mais, en contre-parti, infoutu de conduire un tracteur, un camion et encore moins un char... d'où là nécessité de le former!
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réserves commises d'emblée au bout de l'aile"... Euh, il n'y a que deux solutions possibles, soit on dispose ses réserves derrière la première ligne, soit on les déploie aux ailes, en se disant qu'on aura "toujours" le temps de les engager dans une éventuelle zone de combat, plus "centrale", si c'était nécessaire ; en plus, çà dépend de la qualité desdites réserves!
Il apparaît que ces erreurs auraient pu être évitées, et que dans ce cas, Fall Gelb aurait pu être - qui sait? - sinon le tombeau de la Panzerwaffe, au moins une lourde défaite qui aurait vu se prolonger la guerre à l'Ouest, prolongation anticipée à tort par les Alliés.
... Sonnez violons, résonnez trompettes! Cà, c'est du pur pipeau, post-conflit.
Tout le monde était convaincu que la percée motorisée à travers les Ardennes n'était, techniquement, pas "faisable"; il faut, impérativement, se caler sur les connaissances et expériences techniques et militaires de l'époque, à propos des blindés! Même les Allemands avaient de très gros doutes! La manoeuvre des Ardennes avait isolé l'aile gauche française, çà, par contre, c'est incontestable! Au passage, faire manœuvrer, rapidement, des divisions ou, pire, des corps d'armée, constitue un exercice très compliqué, qui exige un temps fou - sachant qu'on a, alors, dans le cadre d'une réplique ou d'une possible contre-attaque, nécessairement, un temps de retard sur l'adversaire! - et une communication exempte de tout défaut! L'armée française, à l'époque, tablait beaucoup sur la qualité de son réseau téléphonique filaire - situation qui avait la joie de Robert Lamoureux, dans son premier opus de la 7ème Cie -. De son côté, l'armée allemande, dans un même esprit, se reposait sur son réseau ferré... qui se fera flinguer en 1944, par l'aviation alliée.
La cavalerie blindée française, quelques aient étés ses qualités, n'avait pas été en mesure d’arrêter la progression allemande. Il avait fallu la Campagne de Pologne, en septembre 1939, pour convaincre les allemands que leur méthode d'engagement des blindés s'avérait la "bonne". En 1938, ils en étaient, encore, à envisager l'attribution d'une Panzer-Abteilung à chaque division d'infanterie, kif-kif bourricot la doctrine française, issue de l'expérience des combats de 14-18, sauf qu'ils auraient été bien en peine de fournir une Abteilung de Panzerounets à chaque ID !
Quelques soient les qualités tactiques du "Grand Charles", lui-aussi, en 40, s'était pris une tôle.