Dog Red a écrit:Bonjour et bienvenue Amanda.
Je vais te donner pour exemple mon arrière-grand-mère vivant dans le village rural d'Havré, au sud de Mons.
Village rural mais dont les forces vives étaient employées dans l'industrie, principalement les charbonnages du Centre ou du Borinage.
Le charbon coulait à flots.
Le centre névralgique de la maison était la cuisine et son arrière-cuisine (les autres pièces n'étaient jamais chauffées et utilisées uniquement aux grandes occasions ; je ne mettrai les pieds dans la "place de d'vant" qu'une unique fois, à la mort de mon arrière-grand père !).
Le cœur de la cuisine était son énorme poêle/cuisinière qui servait absolument à tout ! A feu continu, jour et nuit, été comme hiver !
Pourvu de nombreux compartiments petits ou grands munis d'autant de portes individuelles, il servait bien sûr à se chauffer, à cuisiner, à maintenir les plats au chaud (et le café!), à chauffer l'eau du bain (on ne se lavait quotidiennement qu'à l'eau froide, mon grand-père m'expliquait qu'en hiver on "cassait" la glace à la surface de l'eau du broc avant de faire sa toilette).
Ce poêle était encore le centre de la vie de mon arrière-grand-mère dans les années '70 quand j'étais enfant. Elle avait bien une cuisinière au gaz (apparu après la guerre) mais elle avait surtout ses habitudes et la corvée charbon restait encore quotidienne.
Pour cuisiner, il s'agissait de prélever les braises brûlantes du foyer principal pour les disposer dans un logement ad hoc, adapté à la taille de la poêle ou de la casserole. Quand on avait fini, on retransvasait vers le foyer principal. Pour réchauffer le café, idem. Il y avait un tout petit compartiment exprès pour ça. Et des logements aussi, où ce qui devait être tenu chaud était disposé à proximité du foyer. La conduction de la fonte faisait le reste.
Il y avait très peu de pertes de chaleur et jamais de gaspillage ! Le charbon, c'était l'or noir !
Mon arrière-grand-mère serait certainement atterrée par le gaspillage de notre société du XXIe siècle.
Bonsoir,
Mes arrières grands parents avaient exactement ce type de poêle, acheté en 1938 par mon arrière grand père en prévision d'une possible guerre. Il habitait dans une banlieue ouvrière d'une grande ville, qui avait le gaz; mais il ne faisait pas confiance. Il disait souvent qu'en 14-18, le premier truc qui avait été coupé à Lille, c'était le gaz (ma famille est originaire du Nord).
Derrière la maison, en bout du jardin, passait une ligne de chemin de fer; tout les jours mon arrière grand père remontait les voies pour ramasser des morceaux de lignite qui tombait des wagons. Cette voie desservait en lignite la centrale électrique situé à quelques km de là. Il s'est chauffé pendant toute la guerre comme cela.
Une fois, il fut inquiété par une patrouille; mais coup de chance, parmi les soldats de la patrouille se trouvait le jeune allemand qui était logé dans une chambre réquisitionné chez eux; et qui en profitait directement ! Il posait aussi des collets le long des voies; et ramenait des lapins... des rats... et des hérissons - ainsi que beaucoup de champignons, pissenlits et d'orties. Et des mûres et du sureau, par dizaines de kilo... et pas de sucre pour faire des confitures ! Ils faisaient sécher les mûres imbibé de jus de pomme sur des espèces de 'claies' posé sur une partie du tuyau du poêle qui courait verticalement sur une partie de la cuisine.
J'ai toujours connu ce poêle, tout le temps allumé dans leur cuisine, seul pièce vraiment chauffé de la maison, jusqu'à leur décès fin 80.
La maison ouvrière possédait un tout petit jardin, et une petite cours devant. Ils ont arraché les rosiers de la cours et mis des haricots verts, des petits pois. Dans le jardin, du rutabaga, des navets et des patates. Par manques de pot en verre; ils faisaient des conserves de haricots verts et petit pois dans des bouteilles de vin; quand ils ouvraient 'une bouteille', ils allaient rechercher les haricots un à un avec un crochet ! Pour ne pas se faire 'filouter' leur maigre réserve, ils cachaient et enterraient leur provision dans la cave; à leur morts, on en a retrouvé caché un peu partout datant de cette époque !
Gamin, la famille souvent au complet (2 filles, 5 petits enfants, 12 arrières petits enfants) se réunissait tout les dimanches dans 'la grande place d'vant' chez le pépé (pas si grande que cela, on était serré comme des harengs); et comme balade après le repas; on remontait cette voie qui fut désaffecté dans les années 70.
Avant guerre, mon arrière grand père était ... chanteur d'opéra; il quitta la scène car il refusa de chanter en présence des officiers allemands. Ils n'avaient plus grand chose pour survivre. Il avait coutume de dire que sans ce poêle et cette voie ferrée, ils auraient 'crevé de faim et de froids' - que cela avait été des dons du ciel.
Voila !