Korruption !

Korruption ! - Au coeur du système nazi
Frank Bajohr
Laurent Cantagrel (Traducteur)
Flammarion | Paru le : 01/02/2017



QUATRIÈME DE COUVERTURE
Que se passe-t-il lorsque la corruption s'installe au cour de l'État ? Qu'advient-il du peuple qui ne l'accepte pas ? De ceux qui ferment les yeux ? Parler de corruption à l'époque nazie n'est pas la première chose qui vient à l'esprit, alors même qu'une longue tradition historiographique nous a confortés dans l'idée d'une bureaucratie allemande entretenue dans l'ignorance des conséquences dramatiques de ses actes.
Pourtant l'ouvrage de Frank Bajohr apporte à cet égard un éclairage édifiant : le régime nazi reposait sur une corruption quasi organique. Le système récompensait les plus fidèles, enrichissait les plus zélés, spoliait les bannis. Argent, demeures, entreprises, ouvres d'art changèrent de mains en quelques mois sans que les institutions garantes du droit n'aient réagi. Le vol, le pillage, occultés par une idéologie omniprésente, furent bien les leviers indispensables du pouvoir nazi et un rouage essentiel de la Shoah.
Comment tout cela fut-il possible dans ce grand empire allemand, traditionnellement attaché à ses lois ? Le livre est nourri des scandales de ces SS avides, à la cupidité sans limite, affranchis de la moindre humanité. Budgets publics détournés, petits et grands arrangements, incompétence généralisée témoignent contre la "supposée bonne gestion nazie". Mais l'auteur va plus loin : les comportements des dirigeants érigés en modèles firent école en libérant nombre d'Allemands "tout à fait normaux" des scrupules qui les retenaient encore.
Un Rubicon moral avait été franchi...

Une recension de cet ouvrage :
http://salon-litteraire.linternaute.com ... -la-guerre

Historien allemand né en 1961, encore peu connu en France, Frank Bajohr dirige le centre des études sur l’Holocauste à l’institut d’Histoire contemporaine de Munich. Le public français a pu lire de ses œuvres Spoliations et restitutions des biens juifs en Europe (Éditions Autrement, 2007) et son édition critique du journal d’Alfred Rosenberg (Flammarion, 2015). Dans Korruption ! il se propose d’étudier le poids pris par la corruption et le népotisme dans le système nazi qui se met en place à partir de 1933. Le résultat, cher lecteur, est confondant.
La thèse de Frank Bajohr est simple : les nazis, qui s’érigeaient dans l’opposition comme les champions de la lutte anti-corruption, se révélèrent dans l’exercice du pouvoir comme les pires des tartuffes ! Bajohr étudie le cas des « anciens combattants » du parti, nazis de la première heure qu’administrations et entreprises privées ou publiques recrutent, de leur propre chef ou sous la contrainte, afin de complaire au nouveau régime. Il passe ensuite aux Gauleiter qui, via un système de fondations, s’approprient des fonds immenses, en partie tiré de la spoliation des biens juifs, puis de l’exploitation des territoires conquis en 1939-42. À la suite de Ian Kershaw, Frank Bajohr identifie bien la tendance des nazis à démanteler l’État bureaucratique mis en place par les Hohenzollern et maintenu par la République de Weimar pour lui substituer un système féodal, lié au Führer comme unique dispensateur de richesses.
Le travail de Frank Bajohr finit par être assez proche par certaines conclusions de Comment Hitler a acheté les allemands de Götz Aly (Flammarion, 2005) : pour lui, le peuple supportait la dictature grâce à la politique de redistribution fiscale et sociale (financée par la spoliation des biens juifs et le pillage des pays conquis). On peut ajouter qu’il supporte de même la corruption systémique du régime tant que son niveau de vie reste le même, pendant que six millions de juifs européens sont massacrés… Voilà un ouvrage fascinant sur le nazisme qu’on ne peut que recommander.

[Prosper Vandenbroucke]

Intéressant sujet. Grand merci à toi

Les pages de "conclusion" ne sont pas à négliger, elles ne sont pas très flatteuses pour les chefs nazis. Un extrait :

Dans les rangs les plus élevés de la hiérarchie nazie, la corruption ne servait pas seulement à l'enrichissement matériel au sens le plus strict. Propriétaires de fermes et de domaines de chasse, collectionneurs d'art, beaucoup de dirigeants nazis adoptaient un style de vie aristocratique, même s'ils avaient généralement acquis les signes de leur statut par des méthodes relevant du plus vulgaire des pillages. Leur mode de vie ostentatoire, incarné sous sa forme extrême par le Reichsmarchall Hermann Goering, devait rendre patent le changement des élites après 1933, souligner l'exigence de domination sociale des nazis et insister de manière visible sur leur statut personnel dans la hiérarchie du Troisième Reich.
[...]
Posséder de beaux tableaux sur des cimaises ou assister à un opéra de Wagner n'offrait aucune jouissance esthétique ; aucune grande bibliothèque privée n'avait la fonction de savoir, cela n'était que de pures façades culturelles, qui devaient seulement témoigner de la réputation et de la position de force de leurs possesseurs.

Le bouquin est composé de cinq chapitres, précédés d'une introduction et suivis d'une conclusion. Le cinquième chapitre (p. 253-268) est consacré à l'opinion populaire. Il étudie l'attitude de la population à l'égard de la corruption.