Loïc Charpentier a écrit:Juste pour vérifier... T 315 R16 (1. Pz.Div).... Ah, ben non, les documents n'ont pas brulé! Enfin, presque pas... On a surtout du bol que la date de 24 mai ne soit pas partie en fumée sur le feuillet N° 603 et qu'elle figure au milieu de du feuillet N°607 pour indiquer le 25 mai.
Ce qui ne vous avait pas empêché de prétendre que ce document avait été au quart brûlé par les flammes... Mais passons.
Loïc Charpentier a écrit:Feuillet 605... au soir du 24 mai, le Pz.Rgt. 2 signale qu'elle n'a plus que 17 Panzer. , mais le texte indique, également, que l'ensemble des Panzer de la division ont subi de lourdes pertes. C'est ballot, les effectifs du Panzer-Rgt 1 ne sont pas précisés, mais çà ne devait pas, non plus, être très reluisant, puisque , dans soirée du 24 mai, il est indiqué que la Division de dispose plus que du tiers de sa "force de combat" (cf. plus bas, traduction du passage du feuillet 607, s'y rapportant).
On connaît l'état du Panzer-Regiment 1 au soir du 24 mai. Votre copain Alain Adam en a d'ailleurs causé, ce qui l'a amené
à se contredire.
Bref, je le répète:
- 21 mai au soir: 81 chars disponibles (dont 24 III et IV);
- 22 mai au soir: 75 chars disponibles (dont 25 III et IV) - 73 blindés selon Rolf Stoves
- 23 mai au soir: 54 chars disponibles (dont 16 III et IV) - 56 blindés selon Rolf Stoves
- 24 mai au soir: 62 chars disponibles (dont 18 III et IV) - 60 blindés selon Rolf Stoves.
Au soir du 24 mai, cette formation, malgré l'accroc de Gravelines, compte plus de chars que la veille.
"Cà ne devait pas, non plus, être très reluisant", selon vous? Il en ressort au contraire que la 1.
Panzer-Division alignait un peu moins de 80 chars opérationnels, ce qui n'a rien de calamiteux, et que son approvisionnement n'est pas si mauvais, dans la mesure où l'un de ses régiments aligne plus de blindés que la veille.
D'autant qu'en face, la situation était catastrophique. J'y reviens plus bas.
Loïc Charpentier a écrit:Feuillet 606
Feuillet 607
Feuillet 608
Feuillet 609
J'y lis...
au 24.05.1940, feuillet 607:
"Infolge der großen Anforderungen an Menschen und Material in den letzen Tagen hatten die Verluste und Ausfälle innerhalb der Division ein großes Maß angenommen, daß die Division nur noch etwa 1/3 ihrer Kampfkraft einsatzfähig war. Trotz dieser Verluste war der Kampfgeist und der Siegeswille der Division ungebrochen. Doch hielt es der Division-kommandeur fûr seine Pflicht, verantwortlich auf den jetzigen Zustand der Division hinzuweisen."
Par suite des grandes exigences en personnel et matériel, dans les derniers jours, les pertes et les pannes au sein de la division demandaient d’adopter une grande mesure, alors que la division était réduite à environ 1/3 de sa capacité de combat. Malgré ces pertes, l'esprit d'attaque et la volonté de victoire de la division ne s’étaient pas affaiblis. Mais le commandant de division considérait de son devoir d'attirer l'attention de façon responsable sur l'état actuel de la division.
...
au 25.05.40 (avant 11H00) - même feuillet-.
In der Nacht traf der Korpsbefehl ein : "Kanallinie halten, Stillstand der Vorwärtsbewegung zur Instandsetzung ausnutzen"... Dans la nuit (du 24 au 25 mai) ordre du corps, " Halte sur la "ligne du canal", l'arrêt de la progression employé pour réparation".
Im Laufe der Vormittags ergeht der schriftliche Div.-Befehl zur Verteidigung der Brünkenköpfe. Au cours de la matinée parvient l'ordre écrit de la Division, pour la défense de la tête de pont.
Die Panzerbrigade ist zur Instansetzung herausgezogen werden ... la Panzerbrigade est "retirée" pour réparation.
26.05 (feuillet 609) :
Verteidigung in den gebildeten Brückenköpfen ... Défense des têtes de pont formées.
Il faut lire le document dans sa totalité, pour la période considérée (23 au 24 mai inclus), c'est à dire du feuillet 594 à 602.
Le 23 mai, l'auteur du journal de marche relate que la 1.
Panzer-Division est dirigée sur Gravelines-Dunkerque. La division doit supporter de puissantes attaques aériennes, mais ramasse des milliers de prisonniers, ce qui n'est pas sans poser problème pour leur prise en charge... En début d'après-midi, sur ordre de Guderian, elle cède une partie de son artillerie lourde, plus précisément le
schwere Artillerie-Abteilung 616 à la 2.
Panzer-Division qui assiège Boulogne.
Ce dernier fait prouve que les Allemands ne prennent pas au tragique la situation et s'estiment parfaitement en mesure de foncer droit sur Dunkerque. Dans le cas contraire, en effet, la 1.
Panzer-Division aurait conservé la totalité de son artillerie lourde.
Le 24 mai, la 1.
Panzer-Division tente de forcer la fameuse ligne des canaux, que surmonte Gravelines. Elle se crée trois têtes de pont, qui se situent, d'après ce que je déduis en lisant une carte, à une quinzaine de kilomètres de Dunkerque.
Cependant, l'affaire tourne mal à Gravelines. La résistance ennemie est acharnée. Dans la soirée, il faut constater l'échec de la percée sur ce point précis. Le rédacteur du journal de marche mentionne que les blindés ne peuvent donner toute leur mesure sur un terrain marécageux et entrecoupé de fossés remplis d'eau. D'autres attaques aériennes interviennent.
Le rédacteur ajoute qu'en début d'après-midi intervient l'ordre de ne pas dépasser la ligne Saint-Omer/Gravelines, non sans maintenir les têtes de pont constituées. Rien n'indique alors, pour cet auteur, que cette directive est définitive.
Dans la soirée, le commandant de la division blindée reçoit l'ordre de délivrer toute son artillerie lourde aux 2. et 10.
Panzer-Divisionen qui assiègent respectivement Boulogne et Calais. Au sud des positions tenues par le régiment
Gross-Deutschland la
Leibstandarte Adolf Hitler va s'intercaler entre les XXXXI. et XIX.
A.K..
C'est à la suite de ces dernières remarques que le rédacteur relate que les pertes et accidents ont été lourds, que la division est réduite au tiers de sa valeur opérationnelle, qu'une
"grande mesure" doit donc intervenir. Certes, souligne-t-il, le moral est haut, l'esprit combatif intact. Mais, précise-t-il, il est de son devoir d'attirer l'attention, de manière responsable, sur l'état de sa division.
Le compte-rendu de la journée du 24 mai s'achève sur une pointe d'ironie: la division a fait plus de 10.000 prisonniers, en déterminer le nombre exact est impossible. Mais cela ponctionne d'autant plus les ressources de la division (notamment médicales et alimentaires).
"Au sein de la division, circule ce proverbe: faire des prisonniers est facile, s'en débarrasser est difficile."Le compte-rendu de la journée du 25 mai s'ouvre par la réception d'une directive confirmant définitivement le
Haltbefehl, notifiée dans la nuit.
Que ressort-il d'un tel document? Etablit-il que la 1.
Panzer-Division n'aurait pu aller de l'avant le 25 mai? Certainement pas.
Tout d'abord, le rédacteur du journal de marche ne mentionne aucune difficulté abyssale:
1/ Le 23 mai, l'optimisme règne, au point qu'à 14 h 30, Guderian donne l'ordre à la 1.
Panzer-Division (qui doit carrément s'emparer de Dunkerque) de céder une partie de son artillerie lourde à la 2.
Panzer-Division qui s'attaque à Boulogne. L'auteur du journal de marche note l'information sans la moindre protestation. Preuve qu'à cette date nul n'imagine avoir besoin d'une telle force de frappe pour écraser l'adversaire qui, à Gravelines, bloque la route de Dunkerque.
2/ Le 24 mai, le récit dégage un parfum d'amertume. L'attaque sur Gravelines n'apporte pas les résultats espérés. La division est victime d'attaques aériennes alors que la
Luftwaffe est absente. Cependant, des têtes de pont sont constituées sur l'Aa. Et s'il est fait mention d'une résistance acharnée de puissantes forces ennemies, rien n'indique que le rédacteur du KTB juge l'obstacle insurmontable. Significative est l'allusion, feuillet 600, non point à l'adversaire, mais au terrain marécageux, qui empêche la division de faire jouer à plein ses blindés - mais, précisément, ne l'empêche pas
totalement d'y lancer les chars; le rédacteur, du reste, le sait pertinemment, car ce n'est pas la première fois, ces quatorze derniers jours, que ses hommes sont confrontés à pareilles péripéties.
3/ Le rédacteur se permet d'ailleurs de glisser quelques allusions vantardes aux exploits de sa formation: elle ramasse tant de prisonniers qu'ils en deviennent un problème! Pas de quoi, toutefois, tirer la sonnette d'alarme. Le rédacteur n'évoque aucune pénurie de munitions ni de carburant ni de nourriture.
L'auteur du KTB, certes, laisse libre cours à sa préoccupation, sur un paragraphe du feuillet 602: la
Panzer-Division est réduite au tiers de sa valeur combative, une
"grande mesure" apparaît nécessaire, il est du devoir du commandant de le signaler.
Mais une telle remarque ne signifie aucunement que, pour son auteur, aller de l'avant serait impossible. Du reste, le rédacteur ne va jamais jusqu'à l'affirmer. Il précise même que le moral est élevé. Alors?
Alors, à mon sens, cet accès de préoccupation doit s'interpréter à la lumière d'un fait que signale le rédacteur au paragraphe précédent: le transfert, dans la soirée du 24 mai 1940, de toute l'artillerie lourde de la division aux 2. et 10.
Panzer-Divisionen, qui assiègent Boulogne et Calais.
A l'évidence, l'auteur du KTB considère que l'ordre, reçu vers midi de ne pas franchir la ligne Saint-Omer/Gravelines, n'a rien de durable. D'ailleurs, ce même ordre prévoyait de maintenir les têtes de pont acquises. Bref, il y a de quoi s'attendre à recevoir un nouvel ordre, incessamment sous peu, prévoyant de reprendre l'avance (c'est d'ailleurs ainsi que je comprends l'allusion au moral élevé de la troupe). Au vu de la résistance rencontrée à Gravelines, il serait souhaitable de conserver l'artillerie lourde. Or, cette artillerie lourde, le commandant de la division doit s'en passer, au profit de ses camarades chargés de liquider Boulogne et Calais. Ce alors que le terrain n'est guère avantageux pour les chars, et que la division est réduite au tiers de son potentiel opérationnel, quoique le moral soit haut.
C'est cette considération qui, à mon sens, explique le souci dont témoigne le rédacteur du KTB au feuillet 602. Lequel ne va pas jusqu'à prétendre que toute avance est impossible, loin s'en faut.
Du reste, cette vague inquiétude est
postérieure à l'émission du
Haltbefehl, lequel ne semble pas avoir été totalement assimilé par ce rédacteur dans l'immédiat. J'ajouterai même que cette préoccupation est une
conséquence de l'ordre d'arrêt: c'est parce que Guderian, le chef de corps, sait que l'avance de ses chars ne reprendra pas de sitôt qu'il décide de mettre le paquet sur Boulogne et Calais, quitte à prélever de l'artillerie lourde là où il le peut.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le KTB de la 1.
Panzer-Division ne prouve nullement, bien au contraire, que l'ordre d'arrêt serait justifié sur le plan militaire, et plus précisément logistique. Cette division alignait, au soir du 24 mai, un peu moins de 80 blindés - auxquels il aurait sans doute fallu ajouter son artillerie lourde, si en conséquence de l'ordre d'arrêt Guderian n'avait pas emprunté cette dernière pour la réserver à Boulogne et Calais.
Comme l'a écrit l'historien de cette formation, Rolf Stoves, cité par Karl-Heinz Frieser,
"la situation des blindés" ne peut avoir représenté
"une raison convaincante de l'ordre d'arrêt du 24 mai" (Frieser,
Le mythe de la guerre-éclair,
op. cit., p. 330). Quant aux vagues préoccupations dont témoigne l'auteur du KTB sur un seul paragraphe du feuillet 602, elles sont
postérieures au
Haltbefehl, et je suis même convaincu qu'
elles en procèdent.
J'ajoute un autre texte qui permettra de s'apercevoir que la situation n'avait rien de grave. A savoir les Mémoires du colonel (futur général) Hermann Balck, l'un des membres du personnel commandant la division (
Order in Chaos, University Press of Kentucky, 2015, p. 181-182):
Hermann Balck a écrit:On 22 May we were relieved in place and turned north in the direction of Calais and Dunkirk. There was hardly any resistance as we made a leisurely drive through the French rear area. At Desvres we did encounter determined resistance from a French engineer battalion. We broke through it, but unfortunately my best battalion commander, Major von Jagow, was killed in the process. His successor was Captain Eckinger, an Austrian, a tough, ingenious soldier. He was the first of a long line of well-trained Austrian officers that came under my command during this war.
My battle group was ordered to take the bridge across the canal at Bourbourg, Saint Folquin. After careful preparation by six artillery batteries and support by tanks, Eckinger’s battalion forced its way across and established a bridgehead. They captured six guns and completely destroyed the enemy. Observing the attack from the roof of a house, I had the distinct impression that nothing was going right. Finally, I got down from the roof, sat down in my easy chair, and read Le Figaro. Sometimes you have to force yourself to trust reliable people who are leading at the front. In the end, everything worked out down to the second.
Then we were ordered to halt our advance and we could see bomber formations flying overhead to and from Dunkirk. The Luftwaffe was supposed to finish the enemy off, but the Royal Air Force [RAF] had other ideas. English fighter aircraft attacked us without interruption, as my command post building shook constantly. My son paid me a visit at that time. Over coffee and a jam sandwich he told me, “We have it much better up at the front. You guys are getting bombed too much.”
Balck s'exprime certes après coup. Mais il ne tait rien des difficultés rencontrées (résistance ennemie, raids aériens). Et il ressort de son récit que la 1.
Panzer-Division n'était nullement, au moment du
Haltbefehl, à bout de souffle. Ni que l'on y voyait l'avenir en noir.
En tout état de cause, la situation de la 1.
Panzer-Division était sans commune mesure avec celle de l'adversaire, réduit à une peau de chagrin, quelques unités disparates et dispersées.
Ainsi, au journal de marche de la 1.
Panzer-Division, il faut ajouter les comptes-rendus du bataillon français qui tient Gravelines. Lequel, pour l'après-midi du 24 mai, note ce qui suit (reproduit dans Jean Beaux,
Dunkerque,
op. cit., p. 148):
Le commandant Cordier a écrit:13 h. - Attaque a commencé à 10 h 30 par cinq chars ennemis venant sur R.N. 40 (Calais). Elle a augmenté progressivement d'intensité par l'arrivée continuelle de nouveaux chars et de tirs de plus en plus denses de minen. Toutes attaques repoussées. L'ennemi perd six à sept chars. Deux officiers tués.
17 h. - Défense débordée. Crains ne pouvoir empêcher franchissement du pont du chemin de fer de Gravelines. Le reste tient. [message reçu par pigeon]
18 h. - Situation grave. Violemment bombardés. Munitions antichars épuisées. Ennemi amène nouveaux éléments. Tenons toujours Gravelines. Artillerie manque de tout.
Jean Beaux ajoute (p. 148-149):
Jean Beaux a écrit:De son côté, le G.R.C.A. 18, accouru à la rescousse, et arrivant à peine de Belgique, demande avec insistance de l'appui d'infanterie et d'artillerie.
Un artilleur avise que les Allemands possèdent des chars lourds qui tirent sur les autocanons employés en antichars, qu'ils ont de nombreuses pertes: un seul lieutenant reste à la batterie avec les hommes valides.
La situation est si grave qu'à 19h, le chef du régiment qui tient le secteur, constate que, sur ses deux bataillons, deux se replient et le troisième ne donne plus de nouvelles (de fait, ce bataillon a tenu bon mais s'est trouvé isolé). En conséquence, cet officier fait brûler le drapeau du régiment (Armengaud,
Le drame de Dunkerque,
op. cit., p. 148-149).
La 1.
Panzer-Division serait, au soir du 24 mai, selon son commandant, réduite au tiers de sa valeur opérationnelle? Soit, mais en face, la défense a été à ce point saignée qu'elle n'est plus digne de ce nom. Comme l'a écrit Jean Beaux, pages 156-157:
Jean Beaux a écrit:[Du 24 au 26 mai] Il y a donc eu une période de quarante-huit heures pendant laquelle l'attaque des blindés a été en partie suspendue.
La décision a été très lourde de conséquences, car il est loisible de penser que, si le 25 au matin, la 1ère Panzer[-Division] avait attaqué une nouvelle fois sur Gravelines, le bataillon Cordier, malgré son héroïque résistance et le concours du G.R.C.A./18, très dilué, n'aurait pas pu contenir cette attaque. De son côté, la 68e D.I., encore en déplacement, arrivant de Belgique, n'aurait probablement pas pu arrêter l'attaque sur l'ancien canal de Mardyk. Si bien que les blindés de Guderian seraient arrivés dans la journée devant Dunkerque, qui n'était qu'à 18 kilomètres, ce qui aurait parachevé l'encerclement des armées du Nord et enlevé toutes chances d'évacuation.
Bref, rien n'interdisait à la 1.
Panzer-Division d'aller de l'avant et, le lendemain, 25 mai, d'enfoncer les positions alliées.
Le
Haltbefehl, en clouant cette formation sur place, y fera évidemment obstacle.