alias marduk a écrit:Non ce qui stimule mes neurones ce sont les affirmations non sourcées ( surtout quand dans le même temps, on exige de ses interlocuteurs des sources ) et les affirmations erronées ( du style : "Manstein n'a jamais proposé dans ses mémoires l'encerclement et la destruction de l'aile marchante alliée dans les Flandres alors que c'est explicitement ce qu'il propose dans son premier mémoire opérationnel )
Votre affirmation est inexacte - et je l'avais déjà réfutée (ici et là).
Le premier mémoire concocté par Manstein avec l'appui de Von Rundstedt mentionne que l'armée française doit être contrainte de prendre l'offensive, soit en Belgique, soit contre le Westwall: "on pourra alors la battre en combat de rencontre" (Koeltz, Comment s'est joué notre destin, op. cit., p. 66). C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il recommandait de doper la production de munitions.
Le deuxième mémoire, opérationnel celui-là (je suppose que c'est ce document que vous qualifiez de "mémoire opérationnel"), s'inscrit dans cette logique d'une "bataille de rencontre". Effectivement, le plan proposé vise, non le "refoulement frontal" des "forces ennemies combattant en Belgique et au nord de la Somme", mais leur "destruction totale", tout en anticipant une contre-attaque au sud et au sud-ouest contre le flanc gauche de l'offensive allemande conduite au sud de Liège vers la Meuse et au-delà:
Erich Von Manstein a écrit:Il faut en conséquence que le centre de gravité de toute l'opération soit placé à l'aile sud et porté par le sud de Liège, au-delà de la Meuse sud de Namur, en direction Arras-Boulogne pour couper de la Somme tout ce que l'ennemi aura ou jettera en Belgique. Il faut en outre que l'aile sud soit suffisamment forte pour repousser la contre-offensive française qui sera déclenchée le long de la Moselle en direction de Bonn et par l'ouest de la Meuse en direction de Bruxelles.
Von Manstein recommandait donc d'engager "de puissantes forces mobiles et motorisées au sud de Liège" pour percer entre Dinant et Mézières, tout en établissant une armée supplémentaire qui se dirigerait "par l'ouest de la Meuse en direction du sud". L'objectif reste encore vague: il est question de prendre à revers les armées alliées engagées en Belgique en poussant les blindés, soit vers Arras-Boulogne, soit vers la basse Somme, tout en orientant une autre armée au sud-ouest, visiblement pour anticiper une contre-attaque française sur le flanc gauche des forces mécanisées.
Jamais Von Manstein ne parle d'"encercler et détruire l'aile marchante alliée dans les Flandres". S'il proposait un "encerclement", il aurait prescrit de foncer, non seulement vers Arras-Boulogne ou Abbeville, mais de remonter vers les ports de la Manche, dont Dunkerque, pour couper les armées alliées de toute voie de ravitaillement maritime. Il se contente - et c'est déjà remarquable en soi sur le strict plan militaire - de couper les armées alliées engagées en Belgique de leurs bases arrières en marchant sur Arras-Boulogne ou la basse-Somme, de manière à les prendre à revers - leur destruction viendra ensuite, dans le cadre du "combat de rencontre" évoqué dans le premier mémoire, sans en préciser l'emplacement exact.
De surcroît, Manstein commence à développer une idée qui lui tiendra à coeur - au point de regretter, dans ses Victoires perdues, qu'elle n'ait pas été suivie par Hitler - à savoir lancer une armée au sud-ouest, de manière à prévenir une contre-attaque française sur le flanc gauche des Panzer en route vers la mer. Ladite armée devant détruire les forces françaises susceptibles de se concentrer sur cette aile sud (dans Victoires perdues, il précisera qu'une telle opération permettrait, ultérieurement, de prendre à revers la Ligne Maginot).
Je l'avais déjà écrit le 28 février 2017:
Nicolas Bernard a écrit:... Von Manstein, à l'évidence, ne soutient pas de foncer vers les ports pour prendre à revers les forces alliées. Il est beaucoup plus vague. Du reste, ça se comprend: lorsqu'il émet ses différents mémoires, l'invasion du Bénélux n'a pas encore eu lieu, non plus que la percée de Sedan, si bien qu'il est difficile, à cette phase, de déterminer précisément l'objectif géographique final des Panzer. Tout dépendra de la suite des événements. Du reste, Von Manstein est un grand stratège en ce qu'il sait élaborer des schémas opérationnels... et improviser dans le feu de l'action, sans nécessairement s'en tenir rigidement à la lettre des plans.
Tant et si bien qu'à l'issue de moult débats internes au Haut-Commandement allemand, la situation au 10 mai 1940 se présente comme suit:
1/ Les plans d'opérations allemands restent relativement dans le vague après la percée de Sedan.
2/ Le général Halder exploite la situation au jour le jour, et réhabilite très rapidement une idée de Von Manstein, à savoir prendre à revers les Alliés bousculés en Belgique et démolir d'autres formations alliées au sud-ouest de Sedan, dans la région de la Somme, pour accélérer la déconfiture ennemie.
3/ C'est Hitler qui, en s'opposant à cette dernière option au profit d'une avance vers le nord-ouest, dessine le coup de faux.