Loïc Charpentier a écrit:Les documents officiels que je m'efforce de mettre en ligne, depuis que j'ai eu la "mauvaise" idée de rajouter mon grain de sel dans cette discussion, n'ont strictement rien de théorique.
Mais ils ne prouvent certainement pas la validité d'une explication d'ordre "militaire", plus précisément "logistique". Alain Adam, qui pense comme vous s'agissant de ces pseudo-contraintes logistiques hyper-cataclysmiques, a même
préféré écarter un document qui permettait d'éliminer cette "hypothèse", ce qui est assurément faire preuve d'une belle rigueur scientifique (et au passage renvoie aux orties votre accusation foireuse de malhonnêteté intellectuelle)...
Un autre document, le rapport du corps d'armées de Guderian du 21 mai 1940, permet même d'établir que lorsque Von Kleist s'inquiétait d'un taux de pertes de 50 % de ses
Panzer le 23 mai (taux de pertes d'ailleurs fantaisiste), il n'était nullement sincère, ce qui valide l'hypothèse selon laquelle il a noirci le tableau pour obtenir davantage de matos - j'y reviendrai.
Vous souhaiteriez l'existence d'une unique pièce d'archive précisant formellement la prise en compte des "déboires" techniques dans la décision du 24 mai 1940. Or, une telle pièce n'existe pas.
Vous-même aviez évoqué vos visites passées au Bundesarchiv de Fribourg; partant de là, vous devez être familiarisé avec le fonctionnement hiérarchique, par "spécialité", du commandement allemand, même s'il n'est pas d'une clarté "bouleversifiante". L'OKH était organisée à l'identique des unités ( Heresgruppe, Armee, Korps, Division) , avec des directions de Services distinctes ( Opérations, Approvisionnements, Matériels, Entretiens, etc.). Ce n'est donc pas le Commandement qui traitait "en direct" les problèmes techniques signalées par le terrain, mais la ou les directions concernées; le document de deux pages, émis le 24 mai, par le
Generalquartiermeister de l'OKH - que je viens de poster - le prouve. Il répond, dans l'urgence, aux problèmes d'usure, d'entretien et de pièces détachées signalés par les unités sur le terrain, en constituant, à Mons, à dater du 26 mai, une unité spécialisée (
Pz.Instandsetzungs-und Ergänzungsgruppe) comprenant (cf. page 1 : I. Aufbau)
a) un service-dépôt de pièces détachées pour blindés (
Pz.-Ersatzteillager)
b) un service de réparations pour blindés (
Pz.-Instandsetzung)
c) un service de dépannage pour blindés (
Pz.-Abschleppdienst)
d) un parc de rechange de chars et blindés de reconnaissance (
Vorrats-Panzer Kampfwagen und Vorrats Panzer Spähwagen)
La copie de ce document roupillait dans un lot d'archives de la 8. Pz.Div. (Roll T 315 R470), mais si les autres exemplaires n'ont pas été détruits, on devrait, en principe, en retrouver trace dans les archives de l'OKH (émetteur) et des Heeresgruppen A & B (destinataires) - le Heeresgruppe A, qui intégrait les Pz.Gruppen Kleist & Hoth , étant le premier concernés par les décisions prises-.
Maintenant, vous avez tout loisir, selon votre habitude, de balayer ces éléments d'un revers de main, mais vous avez, pourtant, bien là, sous les yeux, la prise en compte effective des "problèmes techniques" listés par le H.Gr.A. La date de rédaction du document et, surtout, la vitesse de réaction qu'il implique (moins de 24H00, pour certaines mise en place, dont l'envoi (prioritaire) du
Pz. Instandsetzungsstaffel 531, au Gruppe Kleist), sous-entendent, sans trop d’ambigüité, qu'il y avait eu, dans les heures précédentes, l'intervention d'une autorité (très) supérieure... AH ?
Il confirme, également, l'existence du volet technique du Haltbefehl (contexte usure et entretien des Panzer, entre autres). Le Haltbefehl correspondait à un choix tactique, la réduction de la Poche de Dunkerque étant, désormais, confiée, au sol, en priorité, à l'infanterie & l'artillerie, dans les airs, à la Luftwaffe. Cette décision permettait, en parallèle, de retaper les Panzer, provisoirement moins sollicités, aussi bien pour la poursuite des opérations sur la côte, que dans la perspective du prolongement du Westfelzug (Fall Rot).
... tout en accordant aux Alliés un répit qui leur permettait de retaper leurs propres lignes de défense, et donc d'accroître les risques de pertes pour les
Panzer si par extraordinaire Hitler leur autorisait à relancer l'offensive. Détail que vous oubliez systématiquement.
Et pour cause... Du reste, votre interprétation du document ne saurait en exclure une autre: si une unité logistique est mise sur pied par Hitler, ce peut être
en conséquence de l'ordre d'arrêt du 24 mai: vu que le
Führer a ordonné aux troupes de stopper le long d'une ligne qu'il est interdit de franchir, autant profiter de l'occasion pour
"retaper" les
Panzer. Mais en conclure, comme vous le faites, que des contraintes techniques auraient présidé audit ordre, apparaît une déduction passablement hasardeuse.
Et pour cause...Le fait est que vous ne répondez pas aux objections qui vous sont faites et répétez les mêmes inexactitudes déjà réfutées. Je vais donc répéter mes réfutations, et souligner en gras les passages importants, de manière à ce qu'ils n'échappent pas à votre attention (c'est une habitude, chez vous, en effet, de pratiquer la lecture sélective).
Or donc, il n'existe effectivement - et il ne peut exister - aucune pièce (rapport quelconque, extrait de
K.T.B.) attestant que l'ordre d'arrêt du 24 mai interdisant à
TOUTES FORMATIONS ALLEMANDES, A SAVOIR BLINDES ET FANTASSINS de franchir une ligne bien précise découlerait de
"la prise en compte des "déboires" techniques", lesquels seraient d'une gravité cataclysmique (
y compris pour l'infanterie???).
Et pour cause:
1/ Hitler ne fait
JAMAIS état d'un tel motif pour justifier sa décision. Il parle des prétendues contraintes du terrain (
sic), du rôle de la
Luftwaffe, de la nécessité de préparer les opérations suivantes (avant de finir l'opération en cours...), mais
JAMAIS il n'évoque des carences techniques telles qu'elles justifieraient, non pas une simple pause, mais
L'INTERDICTION FAITE A TOUTE CATEGORIE D'UNITE ALLEMANDE DE FRANCHIR UNE LIGNE PRECISE. J'ai rappelé ce point. Vous n'y répondez pas.
Et pour cause... 2/ De surcroît, ni vous ni Alain Adam (lequel
dédaigne les documents qui jurent avec sa thèse et
vient de démontrer le contraire de ce qu'il entendait démontrer), ni aucun partisan de l'explication dite "technique" n'ont résolu ce paradoxe, que j'ai maintes fois exposé: vous nous décrivez Hitler préoccupé par l'état de ses blindés (alors qu'il n'en fait jamais mention dans ses explications, mais passons), alors que ses directives reviennent à fragiliser davantage la
Luftwaffe, puisque cette dernière, quoique soumise à une importante attrition, se voit confier la tête de détruire les forces alliées et d'empêcher leur fuite à travers la Manche -
j'y reviens ici. Il raisonne à géométrie variable, Hitler? Il s'inquiète pour ses blindés, mais pas pour ses avions? Il bichonne ses tankistes mais exploite ses pilotes? Ni vous ni Alain Adam ni aucun de vos partisans n'ont répondu à ces questions.
Et pour cause... 3/ Les généraux sur le front, non seulement n'ont
JAMAIS, ne serait-ce qu'implicitement, évoqué de telles carences techniques pour réclamer, quémander, solliciter une quelconque pause des blindés,
ET ONT VIGOUREUSEMENT CRITIQUE L'ORDRE DE HITLER DU 24 MAI LEUR INTERDISANT DE FRANCHIR LA LIGNE PRECITEE, S'ESTIMANT PARFAITEMENT EN MESURE D'ALLER DE L'AVANT.
J'en cite maints exemples, que vous ne commentez pas.
Et pour cause...Au fait,
vous n'avez pas répondu à mes questions.
Et pour cause...