dynamo a écrit:Soxton a écrit:dynamo a écrit:Est ce que les ordres/directives données à la Luftwaffe existent et sont actuellement disponibles.
Il me semble qu'on a déjà évoqué plusieurs fois la directive n° 13.
je me suis mal exprimé certainement.
quels sont les objectifs donnés aux aviateurs/unités, envoyés en mission sur Dunkerque.
quels sont les résultats des débriefings/rapports après les missions.
Pourquoi, après guerre, la Luftwaffe est accusée d'un échec alors qu'à mon avis elle a fait le boulot en rendant le port inutilisable pour un rembarquement.
La
Luftwaffe s'est vue confier trois objectifs, le 24 mai, par ordre du
Führer (la directive 13): briser la résistance des forces ennemies encerclées, empêcher leur évacuation par la Manche, protéger les flancs du Groupe d'Armées A. Comme tous l'ont compris le jour même, du général Halder aux généraux de la
Luftwaffe, il revenait donc à cette dernière de détruire totalement les forces alliées assiégées. Ce qui relevait de la mission impossible.
Ce qu'en dira le chef de la 2ème
Luftflotte, Albert Kesselring, dans ses
Mémoires (trad. anglaise:
Kesselring. A Soldier's Record, New York, William Morrow, 1954, p. 58-59) vaut d'être cité:
Dans ses Mémoires, Albert Kesselring a écrit:I was all the more surprised when my Command - perhaps as a reward for our late achievements - was given the task of annihilating the remains of the British Expeditionary Force almost without assistance from the army. The C-in-C Luftwaffe must have been sufficiently aware of the effect of almost three weeks of ceaseless operations on my airmen not to order an operation which could hardly be carried out successfully by fresh forces. I expressed this view very clearly to Goering and told him it could not be done even with the support of VIII Air Group. Air Marshal Jeschonnek told me he thought the same, but that Goering for some incomprehensible reason had pledged himself to the Führer to wipe out the English with his Luftwaffe. It is easier to excuse Hitler with so many operational tasks to occupy his mind for agreeing than Goering for making this unrealistic offer. I pointed out to Goering that the modern Spitfires had recently appeared, making our air operations difficult and costly and in the end it was the Spitfires which enabled the British and French to evacuate across the water.
De fait, comme je l'ai déjà indiqué dans ce fil, du 10 au 24 mai 1940, l'armée de l'air allemande avait perdu 1.005 avions, dont 810 définitivement (Frieser,
Le mythe de la guerre-éclair,
op. cit., p. 334), sur 2.589 appareils prêts à intervenir au début de l'offensive.
De surcroît, les nouvelles instructions délivrées à l'aviation nazie intervenaient dans un contexte défavorable, et tout à fait prévisible:
- la
Luftwaffe venait à peine d'installer une organisation au sol en Belgique, si bien que la plupart des bombardiers devaient encore partir d'Allemagne;
- elle multipliait également les missions d'appui au sol en Belgique et dans le nord de la France;
- enfin, les conditions météo allaient en se dégradant (et il est douteux que Hitler l'ait ignoré le 24 mai).
Bref, quoique je ne rallie pas l'ensemble des conclusions de Karl-Heinz Frieser, je dois admettre qu'il met dans le mille (
ibid., p. 334) :
Karl-Heinz Frieser a écrit:Dans cette mesure, il semblait tout simplement absurde d'engager la Luftwaffe totalement exténuée pour remplir une mission typique de l'armée de terre - sous le prétexte de vouloir soulager l'arme cuirassée. En réalité, il aurait été bien plus urgent pour la Luftwaffe de prendre une pause.
J'ai déjà exposé ces faits aux tenants d'une explication militaire du
Haltbefehl.
Ils n'y ont jamais répondu... Le fait est que la
Luftwaffe n'a pas atteint ses objectifs (je passe sur la protection des flancs du Groupe d'Armées A), puisque non seulement elle n'a pas détruit les forces alliées, mais encore n'a-t-elle pu les empêcher de prendre la fuite par bateaux à travers la Manche.
Citons Jacques Mordal (
Dunkerque, Paris, France-Empire, 1960, p. 384):
Jacques Mordal a écrit:Ainsi limitée dans son action, la Kriegsmarine laissait le champ libre à la Luftwaffe, qui joua contre l'évacuation de Dunkerque un rôle extrêmement important. C'est elle qui est responsable de la plupart des destructions intervenues dans le port, devant les plages et dans les chenaux au cours de l'opération Dynamo. Rien que du côté français, on relève les noms de trente-sic bâtiments perdus du fait de l'aviation ennemie entre le 10 mai et le 4 juin (sur un total de soixante-deux). Et ceci ne concerne que son action directe, car il faut encore porter à son actif les bâtiments perdus sur les mines qu'elle a mouillées.
Et pourtant nous verrons, en épluchant les comptes, que la Luftwaffe ne peut même pas s'attribuer la totalité des pertes subies à la mer par les troupes après leur embarquement, soit environ 5.000 hommes sur plus de 342.000 heureusement transportés. On en arrive ainsi à constater que malgré les forfanteries de Göring, la Luftwaffe, directement ou indirectement, n'a réussi à tuer au total que 1 % du personnel évacué, ce qui n'est tout de même pas considérable.
Mordal, cependant, révèle un fait curieux:
Jacques Mordal a écrit:Remarquons, d'un autre côté, qu'en tenant le port sous son feu presque en permanence, elle a notablement ralenti les opérations, jusqu'à les interdire complètement pendant les heures du jour à partir du 1er juin. Mais ce qui reste inexplicable, c'est son abstention absolue sur Douvres et, d'une façon générale au-delà d'une bande de dix milles de largeur comptée de la côte française. Peut-être après tout les pilotes allemands ne se sentaient-ils pas à leur aise loin de terre. Ils perdirent en tous cas de belles occasions en épargnant la rade de Douvres où les bateaux chargés de troupes se pressaient comme harengs en caque pour le plus grand souci de l'amiral Ramsay.
L'explication avancée par Mordal est un peu courte. Le haut-commandement de la
Luftwaffe redoutait-il de faire le jeu de la chasse britannique en bombardant Douvres, plus proche des terrains d'aviation du
Fighter Command? Difficile à croire: il s'employait déjà à appliquer, avec les moyens du bord, l'absurde directive 13, quitte, déjà, à se heurter aux escadrilles de la
R.A.F.... Le rayon d'action des appareils n'est pas davantage en cause.
On peut hasarder des motifs politiques à cette abstention de la
Luftwaffe. Bombarder Douvres revenait, bien entendu, à bombarder le sol anglais. Or, Göring était, on le sait, impliqué dans les démarches de Hitler tendant à conclure une paix séparée avec les Anglo-Français: il n'est pas impossible, en l'état, qu'il ait strictement délimité la zone d'intervention de son aviation aux fins d'éviter de trop froisser la Grande-Bretagne.
Mais vu qu'on ne peut sans doute exclure d'autres explications de type militaire, je pose la question: quelqu'un en sait-il davantage sur cette étrange abstention de la
Luftwaffe?