RoCo a écrit:Qu'il y a des divergeances quant à la suite des opérations après Smolensk, cela ne fait pas de doute .
Mais je ne vois pas une quelconque "filouterie" dans le dos d'Hitler .
Et pourtant... elle existe. L'historien David Stahel l'a parfaitement mise en lumière dans sa superbe trilogie consacrée à l'invasion de l'URSS au second semestre 1941, notamment dans
Operation Barbarossa and Germany’s Defeat in the East, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, sachant qu'il relate ces chassés-croisés, lors de l'élaboration des plans allemands, sur cinquante pages (p. 39-95). Je ne vais pas résumer le bouquin ici, d'autant que des petits malins l'ont publié en ligne...
Ce qui ne remet pas en cause l'axe initial de la campagne: pulvériser le centre du dispositif soviétique, jusqu'à Smolensk, avant d'appuyer les ailes, à Leningrad et en Ukraine. Le problème est que la résistance acharnée de l'Armée rouge à Smolensk va gripper cette mécanique en apparence bien huilée, d'où un impact bien plus décisif qu'on ne le croit de cette bataille.
Quant à Leningrad, ce qui selon moi intéresse prioritairement le
Führer, au-delà des aspects logistiques, tient au potentiel économique de sa région. Il s'inspire d'une étude réalisée en août 1940, qui insistait également sur l'Ukraine (Rolf-Dieter Müller, "Von der Wirtschaftsallianz zum kolonialen Ausbeutungskrieg",
Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg, vol. IV, p. 114). Selon les renseignements qu’ont pu collecter les Allemands, 32 % du potentiel industriel soviétique se situe alors en Ukraine, 28% dans la région Moscou-Gorki, 16 % dans la zone de Leningrad (Alfred Philippi & Ferdinand Heim,
Der Feldzug gegen Sowjetrussland 1941 bis 1945. Ein operativer Überblick, Stuttgart, W. Kohlhammer Verlag, 1962, p. 40).
Il en résulte que si les Allemands font main basse sur Leningrad et l'Ukraine, ils s'emparent de 48 % du potentiel économique soviétique. Si l'on y ajoute le fait que ces deux régions sont bien plus proches des frontières du
Reich que Moscou, on comprend aussitôt pourquoi Hitler met l'accent sur ces deux objectifs, de préférence à la capitale de la Russie, elle fort éloignée. Sachant de surcroît que l'on espère anéantir le gros des forces soviétiques par la même occasion, au centre d'abord, sur les ailes ensuite, et ce à bref délai... N'oublions pas que Hitler cherche à faire vite, car il sait que le temps joue contre lui.