Comme je souffrais d'insomnie, cette nuit, je me suis retrouvé devant l'écran de mon PC à 3H30 du matin, à "feuilleter" le forum pour faire passer le temps et suis tombé sur cette vieille discussion.
A la lecture des interventions, il y a un peu de boulot sur la planche pour compléter les connaissances de base., alors je vais essayé de m'y coller...
Pour faire simple, je vais remonter au temps des jolis boulets pleins ronds, qui resteront en service, à la louche, jusqu'aux années 1850.
La pièce d'artillerie était, alors, à âme lisse et chargement par la gueule. Au chargement, le servant poussait la gargousse (en soie ou toile fine), remplie de poudre propulsive (la bonne vieille poudre noire), au fond du tube, rajoutait un ou plusieurs calepins (épaisseurs de feutre), pour bien la coincer et la tasser, puis faisait "rouler" le boulet dans l'âme vers la culasse et finissait le travail en rajoutant une autre "couche" de calepins, pour l’empêcher de se déplacer. Le boulet étant en fonte bien dure, pour pouvoir l'insérer dans le tube, il fallait un minimum de différence entre le diamètre du boulet et celui de l'âme, cette différence s'appelle le "vent". Une des grandes occupations, du temps de la marine à voile militaire, était le tri des boulets. On commençait par les brosser avec une brosse à poils métalliques, pour retirer la rouille, puis on utilisait un jeu de gabarits pour vérifier que leur diamètre n'était ni trop grand, ni trop petit, par rapport aux âmes des pièces (qui, elles-même, étaient régulièrement contrôlées pour en vérifier l'usure, particulièrement, après un combat d'artillerie - d'autant que les pièces en fer, en usage chez le mataf, s'usaient plus vite que celles en bronze, utilisées par les biffins, mais le bronze avait le défaut de générer, au moment du tir, un
tintement (sic) qui bousillait les esgourdes des canonniers dans l'espace confiné des batteries basses (inconvénient qui n'existait pas avec des pièces à l'air libre).
Mais revenons à notre boulet!
... un ultime contrôle sur son aspect général (absence de fissure ou de matière, forme bien sphérique) était, encore, effectué par le maitre-canonnier et ses aides, puis lui et ses copains étaient stockés dans les parcs à boulet, à proximité de chaque pièce.
Donc, il y avait un vent; c'était parfait pour insérer le boulet dans l'âme, mais, un, les gaz propulsifs lors de la détonation de la charge, avaient la fâcheuse manie de s'échapper par cet intervalle, réduisant d'autant la puissance propulsive, deux, durant son parcours dans l'âme, le boulet "ricochait" sur la paroi, son dernier rebond ayant tendance à le dévier de sa trajectoire. Un boulet de 36 (livres) pouvait, déjà, à l'époque, porter à plus de 2500 m, mais sur une cible en mouvement, en pleine mer, compte-tenu de son imprécision, c'était une perte de temps et de pognon!
Dès la fin du XV
ème siècle, la mousqueterie destinée à la chasse avait commencé à utiliser des tubes rayées, pour fabriquer des armes qui coûtaient une véritable fortune ; dans un premier temps, les rayures avaient été disposées dans l'axe longitudinal du canon, afin de "loger" les crasses dues à l'emploi de poudres grossières; puis , au milieu du XVIII
ème siècle, des armuriers & des scientifiques constateront qu'en disposant des rayures en spirales, la rotation imprimée au projectile augmentait très sérieusement sa portée et sa précision. Ces armes de chasse utilisaient des balles en plomb qui se déformaient lors de leur chargement, effectué à l'aide de la baguette, sur laquelle on tapait avec une massette, pour forcer leur introduction - le temps de chargement étant nécessairement plus long, la cadence de tir en prenait un coup -. L'emploi du plomb malléable était idéal, car la balle, contrainte à s'engager dans les rayures, éliminait l'essentiel du vent et ne ricochait plus dans l'âme. Durant les Guerres de la Révolution & l'Empire, certaines troupes (d'élite) se verront attribuer des mousquets à âme rayée, comme, par exemple le fusil Baker britannique - en parallèle, il y a de très fortes chances que Nelson ait été descendu à Trafalgar par un tireur d'élite français, doté d'une arme rayée -.
Donc, là, nous avons fait un petit point sur les armes d'épaules rayées, dont la balle en plomb s'insère dans les rayures, qui lui impriment une rotation bénéfique. Avec ce genre de projectile, çà marche, mais on fait comment avec un boulet en fonte ?
Entre temps, on avait constaté que, en présence de rayures, la forme idéale pour un projectile était ogivo-cylindrique, sauf que, avec cette cochonnerie de fonte dure, hormis pour faire joli, ou"stocker" la crasse, lesdites rayures ne servaient à rien. Sur les premiers obus ogivo-cylindriques, en France, on utilisera 12 tenons en zinc disposés suivant deux couronnes de 6, décalées dans le sens de rotation, sur le corps du projectile, pour obtenir un centrage correct ; les tenons, en s'engageant dans les rayures, lui imprimaient une rotation qui améliorait très sérieusement la portée et la précision, mais le problème de l'étanchéité était loin d'être réglé.
La solution viendra avec l'adoption de la ceinture de forcement en cuivre ou métal "mou", d'un diamètre supérieur à celui de l'âme de la pièce (comme les tenons précédents), sauf qu'avec cette bague circulaire, il n'était plus nécessaire de se casser le tronc, pour calculer sa disposition, contrairement à la solution"tenons". Lors de la détonation de la charge propulsive, le projectile est forcé dans l'âme, tandis que la ceinture, en se déformant, vient obturer les rayures tout au long du trajet dans le tube. Certes, çà use l'âme mais les gaz propulsifs restant, désormais, gentiment cantonnés au cul de l'obus, leur efficacité flirte avec les 100%.
Conclusion : les ceintures - de nos jours, elles sont, généralement, au nombre de deux -, en se déformant, au fond des rayures, assurent l'étanchéité de l'âme, et, combinées à ces dernières, la rotation de l'obus.
Accessoirement, le calibre de la pièce est, toujours, établi à partir du diamètre d'âme mesuré hors rayures, ces dernières pouvant, selon le cas, être à pas fixe ou variable (en se resserrant vers la gueule), avoir un sens de rotation dextre ou senestre
Bon, cela dit, les rayures n'ont pas que des avantages... par exemple, la rotation du projectile génère un vecteur dans le même sens qui tend à lui imprimer une dérive, mais elle est corrigée avec les dispositifs de réglage et les abaques de tir. Les canons rayés n'acceptent pas d'obus dont la longueur serait supérieure à 5 fois le diamètre de l'âme, car ils risqueraient de basculer durant leur trajectoire aérienne.
Les deux ceintures de forcement, en cuivre rouge, sont clairement visibles sur ces profils d'obus allemands...