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Ce 10 mars, le Japon commémore les soixante-dix ans de cette attaque conçue par les Etats-Unis sous le nom de code «opération Meetinghouse» au cours de laquelle des milliers de Japonais ont été «brûlés, bouillis et cuits à mort», selon les mots du général d’aviation Curtis Lemay, responsable de ce crime de guerre.
Dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, le nord et l’est de la capitale japonaise ont subi un déluge de bombes explosives et d’engins incendiaires qui ont réduit à néant plus de 40 kilomètres carrés (un tiers de la ville) et tué 95 000 personnes, selon le chercheur Masahiko Yamabe (...)
En l’espace de quelques heures, 335 B-29, des avions au large rayon d’action, ont déversé plus de 1 700 tonnes de bombes sur Tokyo. La quantité et la densité étaient telles que plusieurs engins s’abattaient en même temps sur une seule et même maison.
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Ceux qui ne périrent pas à cause des «chevelures de feu descendant du ciel», moururent asphyxiés, noyés ou écrasés dans la panique, d’autres furent «bouillis» dans les réservoirs d’eau ou la rivière Sumida, les derniers finirent «rôtis dans des bâtiments modernes de briques ou de béton». Des témoins ont évoqué «l’odeur de la chair humaine grillée». Des historiens, comme le spécialiste du Japon moderne Michael Lucken (2), ont rappelé comment ce «drame éveilla dans les esprits le souvenir du tremblement de terre de 1923». Le 1er septembre de cette année-là, un puissant séisme à Tokyo avait dégénéré en un immense incendie, également très meurtrier(...)
Ces «bombardements stratégiques» étaient la signature de Curtis Lemay, général d’aviation basé à Guam pour piloter la campagne du Pacifique. Ce dernier avait demandé à ses troupes de multiplier les vols à basse altitude, de déverser des tapis de bombes et de recourir au napalm. Un assistant du général Mac Arthur, le commandant suprême des forces alliées dans le Pacifique Sud-Ouest, évoqua le bombardement de Tokyo comme «l’un des massacres les plus impitoyables et barbares de non-combattants de toute l’histoire».
Ce raid constitua un précédent dans un Japon qui refusait de plier face à l’avancée des alliés dans le Pacifique. Même si la censure et la propagande de guerre atténuèrent l’ampleur du raid, «les Japonais savaient maintenant, cinq mois avant la bombe atomique, qu’ils avaient perdu la guerre», écrivait Robert Guillain en 1986. Les villes d’Osaka, Kobe, Nagoya, puis Tokyo à nouveau (du 24 au 26 mai), Aomori, Hokkaido durent affronter les forteresses volantes jusqu’à la capitulation, le 15 août 1945.
(©The Center of the Tokyo Raids and War Damage. Japan Professional Photographers Society.)
source : http://www.liberation.fr/monde/2015/03/ ... rt_1217244