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Darlan : attention, livre important

Venez nous présenter votre dernière lecture ou des ouvrages qui vous tiennent particulièrement à coeur. Parlons des dernières parutions concernant la seconde guerre mondiale. Une belle photo de la couverture est toujours la bienvenue...
Présentez également vos périodiques préférés. Donnez-nous les sommaires et discutez sur les contenus.
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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 11  Nouveau message de fanacyr  Nouveau message 15 Fév 2015, 16:41

Non
c'est plutôt un problème de place, je crois qu'il y en a plus de 6 000 !

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 12  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 19 Fév 2015, 16:35

Il y a des moments où les choses bougent vite : la publication de ma recension par les Clionautes a mis la puce à l'oreille d'Hubert Delpont, professeur et éditeur à Nérac, la ville natale de l'amiral. Il avait commis en 1998 un Darlan fâcheusement méconnu, bien que les spécialistes universitaires du domaine aient été abondamment pourvus en services de presse. Bernard Costagliola, en revanche, reconnaît une dette envers lui. Ayant à mon tour, au lendemain de la mise en ligne de ma recension, reçu l'ouvrage, ainsi qu'une copie d'un chapitre autobiographique le concernant (dans un livre intitulé Ma bibliographie commentée, Nérac, éditions d'Albret, 2014), j'ai demandé et obtenu l'envoi de ce dernier sous forme électronique et vous en fais à présent bénéficier : http://www.delpla.org/site/articles/art ... t=11&id=74 .

Paris semble avoir encore à apprendre de la province, pardon, de "ce qui se passe en région". Darlan a pondu en juillet 1942 un long texte politique, parfaitement nazi, à ceci près qu'il oublie que le nazisme est une machine de guerre anti-française ! Hervé Coutau-Bégarie et Claude Huan l'ont froidement passé sous silence dans leur biographie de 1989 et le recueil Lettres et notes de l'amiral Darlan, d'apparence excellente et exhaustive, de 1992, censé servir d'assise documentaire à la biographie.

Darlan nazi, ou du moins offrant (ou méditant d'offrir ?) ses services à Hitler en copiant son langage, à une date aussi tardive, voilà qui méritait d'être connu, et doit désormais être mis au centre des analyses sur Vichy.

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 13  Nouveau message de JARDIN DAVID  Nouveau message 19 Fév 2015, 20:14

Info et lien très intéressants ! Enfin du vrai nouveau sur le sujet.
Merci François pour le partage.
JD
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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 14  Nouveau message de Bruno Roy-Henry  Nouveau message 20 Fév 2015, 00:26

Ces extraits, c'est une trouvaille ! Ah, les archives... Rien de tel. Je me permets de les reproduire ici, si François n'y voit pas d'inconvénient, étant bien entendu que le livre d'Hubert Delpont mérite d'être lu. Le sujet m'intéresse, ayant connu Coutau-Bégarie autrefois...


RÉFLEXIONS SUR LA SITUATION MORALE DE LA FRANCE AU 2° ANNIVERSAIRE DE LA CATASTROPHE ET DE LA RÉVOLUTION NATIONALE.

Le peuple français ne comprend pas la nature, ni la soudaineté ni l'étendue de la catastrophe survenue au printemps de 1940. […] Son comportement à l'égard des problèmes intérieurs, la position qu'il a prise à l'égard des problè-mes extérieurs résultent pour la plus large part […] de cette incompréhension générale. […]
Sous l'action de minorités actives, la révolution est déjà réalisée dans plusieurs pays par la conquête du pouvoir. […] Cette révolution est un nouvel avatar du nombre. Elle procède d'une philosophie de l'homme et d'une concep-tion de l'état qui est la négation absolue et la contradiction violente des princi-pes qui posaient la « volonté générale » du peuple comme fondateur du pou-voir, comme base de l'autorité, comme source de la légitimité ; principes énon-cés au XVIII° siècle, adoptés, adaptés, et expérimentés successivement depuis lors par la plupart des pays d'Europe et d'Amérique aux différents stades de leur évolution […].

C'est l'incarnation d'une forme nouvelle du gouvernement et de la multitude. […]

Malgré les apparences du plébiscite qui consiste à consulter le peuple qui ne sait pas, la révolution en cours a engagé une lutte sans merci contre toutes les variétés simples ou composites de gouvernement constitutionnel, représentatif et délibérant. Elle est d'abord une contre-révolution par rapport à la révolution française quant à la société et à l'Etat qui en procèdent […], remarque capitale pour l'élaboration de la constitution future du nouvel État français. Elle est en même temps un saut brusque, un bond logique par dessus tous les régimes ou l'individu est « souverain », parce qu'ils sont incompatibles avec la fonction guerrière de l'État, mesure de sa réalité et de sa puissance ; elle est donc aussi une conclusion fournie par l'expérience d'une ère de grandes guerres.

La classe, la race, le peuple, l'État sont érigées en collectivités absolues qui ne sont pas une addition d'individus distincts, encore moins de personnes autonomes, mais un total dont une masse sui generis, fondue en parti unique, est le noyau, et dont le « chef » n'est plus un « homme » mais « l'incarnation d'un peuple », le « dépositaire du pouvoir » en qui est transféré un absolutisme dont le germe métaphysique originel, la genèse idéologique et la concrétion politique sont d'une importance primordiale pour les architectes qui ont à re-construire un État français en plein éboulis européen.
Le fait avant-coureur de cette révolution, devenu culminant depuis la pre-mière guerre mondiale, c'est l'entrée sur la scène politique d'une certaine variété de « masses » qui se distinguent de toutes les espèces connues, […] Elle s'est formée d'abord au sein d'une classe dominée par l'incertitude du pain quotidien et par la peur du lendemain. […] Une masse du même type s'est formée sur le plan de la nation, race ou volk, en réaction contre celle de la classe et en opposition avec elle, mais en lui prenant une partie de son programme et une partie de ses troupes. Métamorphosée en « parti unique » par la suppression ou l'absorption de tous les autres elle « totalise » les deux grands courants qui ont agité pendant les deux dernières générations les éléments dynamiques des peuples européens : le nationalisme et le socialisme.

Le national-socialisme les exprime et les condense dans une formule synthétique, plus compréhensive et plus claire que celle du fascisme et des autres succédanés du même mouvement […].

Le peuple français ne semble pas pressentir […] les conséquences d'une défaite qui l'a réduit à merci, quel que soit le vainqueur, provisoire ou définitif. L'Axe peut lui appliquer purement et simplement les lois de la guerre […]. L'état moral du peuple français, résultant de l'ignorance et de l'incompréhension, doit retenir l'attention de ceux qui ont la responsabilité du pouvoir et qui pensent que le droit primordial d'un peuple est d'être gouverné. […] Le pays témoigne d'une espèce d'aveuglement qui peut avoir un jour proche ou lointain des conséquences qui seront pour lui comparables à la surprise du printemps 1940, et peut-être plus redoutables parce que le miracle « du sauveur » ne peut pas se reproduire une seconde fois. […]

Le peuple français qui donnait depuis plusieurs générations des signes de division et de désaffection à l'égard de ses souverains et gouvernants succes-sifs avait besoin d'aimer quelqu'un d'un élan spontané pour retrouver l'unité psychique de ses époques de grandeur. C'est un malheur inouï, qui la lui a rendu en la personne du Maréchal, et cette expérience d'une valeur inestimable apparaît comme la condition primordiale pour espérer et opérer une renais-sance nationale. Mais il faut prévoir que le gouvernement peut avoir à prendre un jour, des décisions capitales comportant, pour le salut commun, l'adhésion de la raison de la nation toute entière. […]

Il est indispensable d'élaborer une philosophie de l'État nouveau et de la « Révolution nationale », selon les principes posés et les perspectives tracées par le Maréchal. […] Une philosophie de l'État n'est pas une construction abs-traite. C'est l'explicitation et l'articulation dans un tout cohérent et organique des principes fondamentaux énoncés elliptiquement par le Maréchal. […]

Un "plan de paix" n'est pas une idéologie ondulant à la surface des faits […]. L'étude des quatre ou cinq hypothèses sur l'issue du conflit aboutirait nécessairement au problème primordial et vital des relations franco-allemandes dans l'avenir qui paraît désormais soluble, et pour la première fois, depuis qu'il est posé. […] Au cœur de l'été 1914, peu d'hommes sur la terre, hormis ceux qui allaient mourir pour elle, pariaient pour la France. Au cœur de l'été 1942, beaucoup d'hommes sur la terre, parmi ceux dont la tête lucide émerge au-dessus du raz de marée qui passe sur l'Europe, parient sur elle contre le chaos.

Encore faut-il que le pays joue. […] La paix sera un jugement sur la France prononcé par le vainqueur. Entre le printemps 1940 et la fin des hostilités, son destin reste en suspens. […]. Il dépend de la France et d'elle seule que la catastrophe ne soit qu'un avertissement mis à profit pour reconstruire pendant le séisme mondial un État neuf qui lui rendra la face d'abord, la force ensuite. Si elle se montre incapable de l'entendre, la paix lui sera infligée comme un châtiment, avec la complicité et à la satisfaction des peuples qui croient à notre déchéance et l'héritage de bonne prise, avec l'assentiment désespéré de ceux qui espéraient en nous.

Juillet 1942.


 

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 15  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 20 Fév 2015, 18:56

à chaque jour sa nouveauté : Hubert Delpont m'envoie son appréciation sur le livre de Bernard Costagliola http://www.delpla.org/site/articles/art ... t=11&id=74 .

Un point intéressant parmi d'autres : il fait sportivement remarquer que le point le plus neuf de ce livre (Darlan, en pleine invasion de l'Algérie par les Alliés en novembre 1942, songe encore à une collaboration avec l'Allemagne) avait été manqué par lui en 1998. Lors même qu'il connaissait, publiait et commentait un texte qui permettait de l'établir :

Pourtant, j’avais moi aussi publié sa note qui l’atteste, ainsi terminée :
« Si l’Allemagne nous aide, il est essentiel qu’elle modifie situation armistice et qu’elle la remplace par une autre formule politique qui nous permettrait de recouvrer nos possibilités »
Alors, pourquoi n’ai-je pas imaginé que cette note ait pu être sincère ? La réponse tient aux multiples ouvrages de falsification qui se sont accumulés depuis Aron (1954) jusqu’à celui de Coutau-Bégarie/Huan en passant par ceux d’Alain Darlan, de Mordal ou d’Auphan, ouvrages que Costagliola démonte salutairement. Ajoutés à tant de publications atténuantes de ce que fut le régime de Vichy (par exemple celles d’Amouroux), ces versions « officielles » du destin de l’amiral établies par des cercles proches d’anciens vichystes, du service historique de la marine, sous la signature d’un éminent professeur de l’école de guerre, ou avec la bénédiction de l’historiographie « officielle » de l’armée US (alors que d’un autre côté l’Université française restait muette à l’égard de l’amiral), tous ces éléments expliquent la prudence qui fut la mienne lorsqu’il s’agit pour moi, en 1998, de « casser » l’image d’un amiral qui aurait été collaborateur malgré lui, alors qu’il en fut de bout en bout, le quémandeur. Cette prudence ne m’épargna cependant ni les réprobations ni les insultes, à défaut d’arguments des mes détracteurs.

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 16  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 21 Fév 2015, 12:37

Mon grain de sel à ce stade :


Clio doit savoir un gré immense à Hubert Delpont pour son autocritique, dont il faut souhaiter qu'elle fasse tache d'huile chez tous les professionnels.
La belle ne se découvre pas d'un coup de baguette et il faut, pour lui arracher ses secrets, un grand travail sur soi-même.
Pionnier en 1998 dans la mise en lumière du prurit collaborateur de Darlan, Delpont recule devant le constat qu'à Alger encore, sommé depuis deux jours par des officiers américains d'abjurer en faveur de Washington sa fidélité envers Vichy, Darlan suggère à Pétain de profiter de la situation pour faire cadeau de la Tunisie à l'Allemagne, moyennant la fin (ou un aménagement fondamental) du régime d'armistice.

Réfléchissant et lisant moi-même beaucoup ces jours-ci (car cette affaire me surprend en pleine rédaction de mon prochain livre, intitulé Hitler et Pétain), j'inviterai chacun à faire de Darlan un peu moins un sujet (arriviste et narcissique ou non) et un peu plus un objet -dans les mains du prophète intelligent et fou qui tire les ficelles du moindre de ses mouvements depuis Noël 1940.

Conditionné à espérer beaucoup de l'Allemagne, en termes d'amélioration du sort de sa patrie, pour peu que cette dernière serve l'effort allemand dans cette guerre et arrive à se faire payer ce service, il accueille chaque difficulté nouvelle rencontrée par Berlin avec un mélange de crainte et de jubilation : "Cette fois ils vont vraiment avoir besoin de nous" côtoie "Nom de Dieu, s'ils perdent non seulement les Français me fusilleront, mais le communisme submergera toute l'Europe". C'est du moins ce que suggère son comportement et je vais tenter de le montrer.

En ce novembre 1942 l'Axe encaisse une série de coups : arrêté dans le Pacifique, menacé à Stalingrad, le voilà pris en sandwich en Afrique du Nord. Il faut à mon avis éclairer et équilibrer le point 10 du télégramme de Darlan du 9 novembre vers 13h
« Si l’Allemagne nous aide, il est essentiel qu’elle modifie situation armistice et qu’elle la remplace par une autre formule politique qui nous permettrait de recouvrer nos possibilités », par le point 8 :
il ne paraît pas souhaitable de solliciter une aide étrangère en Tunisie parce que nous transformons AFN en champ de bataille et la couperons en deux tronçons que nous ne parviendrons pas à recoller .


Rappelons comment Coutau-Bégarie se dépatouille avec ce texte (p. 595 de la bio) :

faut-il y voir, comme le soutient Kammerer, un "second appel à l'aide allemande" ? Cela ne semble guère soutenable puisqu'il déconseille "de solliciter l'aide étrangère en Tunisie". mais puisque celle-ci est "proposée" sinon imposée, il faut "modifier la situation de l'armistice". Comme il ne croit plus à la victoire de l'Allemagne, il faut surtout voir dans cette proposition un moyen de gagner du temps.


Or voilà que le biographe "scientifique" ajoute :

En même temps il continue à hésiter. Il attendait un renversement du rapport des forces au printemps 1943, ce débarquement lui paraît prématuré. Il le répétera encore à Dorange le 10 : "Les Allemands ne peuvent plus gagner la guerre, mais ils ne l'ont pas encore perdue". (gras FD)


Ajoutons à ce florilège le point 9 du télégramme du 9, immédiatement avant l'idée d'une modification possible de l'armistice :
9° Situation très compliquée, serait nécessaire bien connaître intentions et moyens allemands


Si nous remontons un an plus tôt, nous voyons un Darlan en fer de lance, à Vichy, d'un rapprochement "donnant donnant" avec le Reich, et prêt à mettre toute l'AFN dans la corbeille de mariage, à un moment où Rommel recule en Libye -une situation qui ne s'inversera que le 20 janvier. Or c'est vers ce moment que Hitler se met aux abonnés absents et Darlan s'est imaginé que dès lors le Reich avait moins besoin de la France; de même, les avancées de l'Axe sur tous les fronts ou presque au premier semestre 42 l'ont à la fois conforté dans l'idée que, malgré l'entrée en guerre des Etats-Unis, il ne fallait pas vendre sa peau trop vite, et que l'heure d'une contribution de Vichy à sa victoire n'avait pas encore sonné.

C'est lui qui, le 8 novembre, est sonné par l'irruption des Etats-Unis en terre française. Sa réaction, dans cette "situation très compliquée", consiste à faire aux Américains assez bonne figure (armistice local à Alger dès le 8 au soir tout en continuant d'ordonner la résistance à Noguès au Maroc et, s'il y a lieu, à Barré en Tunisie) tout en restant l'homme lige de Pétain et en ménageant la possibilité que ce dernier fasse appel aux Allemands en Tunisie dans l'espoir d'éviter, par cette démonstration de loyalisme, l'occupation de la zone sud.

Le plus remarquable sans doute dans ces textes est l'espoir d'éviter la division du Maghreb en "deux tronçons que nous ne parviendrons pas à recoller" , ce qui arriverait s'il était "transformé en champ de bataille". Qu'est-ce à dire, sinon qu'il pourrait y avoir une sorte de partage amiable de l'AFN entre Américains et Allemands, chacun en reconnaissant la propriété à la France ?

Je rapprocherai cette vision du fait que Darlan s'ingénie à ne pas se rendre compte de la présence, parmi les nouveaux venus, des forces anglaises; il ne mentionne dans ses messages que les Américains, qu'il s'agisse des troupes ou des négociateurs. Et il va jusqu'à écrire, dans le point 7 du même télégramme, dont voici le texte complet :

Cependant, si Allemands n'interviennent pas en Tunisie à bref délai s'attendre à occupation américaine totalité AFN. Dans ce cas devons nous efforcer conserver souveraineté gouvernement français légal pour négociations avec Américains à l'exclusion des Anglais et dissidents; négociations deviendraient plus difficiles avec le temps en raison résistance rencontrée.


Ainsi le très prochain expédient provisoire (qualifié de tel par Roosevelt quelques jours plus tard sur une suggestion de Churchill) fait provisoirement don de l'AFN aux Américains en espérant en écarter et Giraud, et de Gaulle, et Churchill. Il souhaite sans le souhaiter tout en le souhaitant que Hitler aussi s'intéresse à la proie. Cela compliquerait les choses mais offrirait aussi une occasion rêvée de conduire ensemble Hitler et Roosevelt à l'autel d'une union sacrée anticommuniste.

Churchill et bientôt de Gaulle (présentement hors jeu mais prochainement de retour, grâce à Jean Moulin, avec Maurice Thorez dans ses bagages) sont pour Darlan de dangereux aventuriers qui par leur intransigeance antinazie font depuis 1940 (voire bien avant) le jeu de Moscou. Il est plus que temps de bâtir une digue occidentalo-chrétienne contre la marée asiatique, athée, nihiliste, partageuse et destructrice de toutes les valeurs que les stupides querelles entre Européens ont fait grandir.

Ce guerrier a donc un dard, même si c'est un dard lent.

Telle est pour l'heure ma vision de cet "imbroglio".

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 17  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 22 Fév 2015, 09:13

Si nous voulons jauger la vision de Darlan par Coutau-Bégarie, un bon point d'observation est ce qu'il dit de la réaction de l'amiral au discours dans lequel Laval souhaite la victoire de l'Allemagne, le 22 juin 1942.

Darlan, qui a quitté la tête du gouvernement et le gouvernement tout court le 18 avril, reste l'héritier du pouvoir de Pétain en cas d'empêchement, et le commandant en chef des trois armes. Il est donc mouillé jusqu'à l'os par un tel discours et qui ne dit mot consent. Mais il fait plus, il parle ! Il prend position, et publiquement.

Le dernier § du chapitre 17 sur la fin du gouvernement Darlan (p. 544) indique :

Mais, même durement ressentie, la fin de son gouvernement rend à Darlan sa liberté et va lui permettre de préparer son "retournement", rendant possible ce qui va se passer à partir de novembre.


Le chapitre suivant s'intitule "Commandant en chef"... et est presque entièrement consacré au délayage des notes de service et à la narration des tournées d'inspection de l'amiral dans la fonction qui lui reste, en montant en épingle tout signe de "retournement".

Le paragraphe sur sa réaction au discours de Laval est à encadrer, ce que je fais. Il vient d'être question du débarquement anglais à Madagascar et d'une pression américaine sur l'amiral Robert, aux Antilles :

On pourrait attribuer à la rancoeur suscitée par ces deux affaires de Madagascar et des Antilles sa réaction au discours retentissant du 22 juin (...). De Luchon où il suit une cure, il lui envoie [à Laval] un télégramme le félicitant "pour ces émouvantes et courageuses paroles", ce qu'aucun autre dignitaire de Vichy ne fait [dame, aucun n'a à dissimuler un retournement d'une telle ampleur ! FD]. Naturellement, ces félicitations sont aussitôt publiées. Sous prétexte de se "couvrir" vis-à-vis des Allemands, Darlan s'est en fait déconsidéré un peu plus vis-à-vis des Alliés. Le 10 juillet, pour la première fois depuis avril, il se rend à l'ambassade d'Allemagne à Paris : il exprime "sa satisfaction sur la coopération existant entre Laval et lui-même, déclare que les récents succès allemands en Russie et en Afrique ont renforcé "la conviction qu'il avait toujours eue et exprimée de la victoire des armées allemandes", assure que "le nombre des gaullistes et des cercles anglophiles, qui a été surestimé de tout temps, est de plus en plus fortement en voie de disparition", promet d'épurer les services de renseignement, laisse entendre que le gouverneur général Boisson va se retirer, ce qui permettra d'installer un consulat allemand à Dakar, et se déclare prêt à donner satisfaction à l'Allemagne et à l'Italie sur la question de la cession du tonnage neutre. Autant de "promesses de Gascon" qui ne convainquent plus ses interlocuteurs. Ses subordonnés parlent trop et les Allemands sont désormais fixés, comme le déclare le conseiller Rahn à Benoist-Méchin abasourdi : maintenant l'Amiral de la Flotte joue double jeu.


Pour être juste, il faut citer le début du paragaphe suivant : "Le "retournement" de Darlan ne se fait pas tout d'un coup. Il est l'aboutissement d'un long processus (...)"

C'est ce qu'on avait cru comprendre !

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 18  Nouveau message de JARDIN DAVID  Nouveau message 24 Fév 2015, 21:35

En fait, si je suis bien ce qui est dit, ce livre n'est pas loin de mettre en cause l'objectivité (euphémisme) de COUTAU-BEGARIE !
JD
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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 19  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 25 Fév 2015, 05:55

JARDIN DAVID a écrit:En fait, si je suis bien ce qui est dit, ce livre n'est pas loin de mettre en cause l'objectivité (euphémisme) de COUTAU-BEGARIE !


Ce pavé dans la mare ou cette pierre dans un jardin d'avis me suggèrent qu'il pourrait être utile de résumer ce dossier qui commence à être épais.

Nous avons là une belle illustration des étapes du progrès en histoire.

* 1989 : Hervé Coutau-Bégarie (1956-2012), magistrat, énarque, passionné d'histoire, spécialiste de stratégie, publie avec l'aide archivistique de Claude Huan une première biographie un peu fouillée de Darlan, développant la thèse d'un double jeu de l'amiral et de son "retournement" rapide en faveur des Américains après Pearl Harbor, en débarrassant toutefois cette vision d'une bonne partie des oripeaux pétainistes dont elle se revêtait, par exemple, chez un Robert Aron (1954). En 1992, les même signent un recueil de documents de la main de Darlan qui, jusque là, était supposé bien à tort "écrire peu".

* 1998 : Hubert Delpont, ayant découvert quelques années plus tôt un document capital passé sous silence dans ces deux ouvrages, écrit son propre Darlan. La province reculée où il enseigne dans le secondaire et dirige une petite maison d'édition nommée "les Amis du Vieux Nérac" est assez mal reliée aux instituts de recherche des grandes universités, et la notoriété du livre pâtit aussi du fait que Darlan était né à Nérac : on s'imagine volontiers que l'ouvrage tourne autour de son enfance, de ses attaches familiales et des liens qu'il avait gardés sur place, au point de déclarer qu'il souhaitait y "prendre sa retraite en fumant sa pipe" quand on lui reprochait son ambition.

Tous les spécialistes universitaires de Vichy ayant néanmoins reçu un exemplaire, on aurait pu espérer qu'ils s'aperçussent que l'ouvrage était, au contraire, centré sur la carrière nationale de son héros.

* Quand Bernard Costagliola se fait connaître comme un spécialiste de la période en 2009 par son livre sur la marine de Vichy, il reçoit son exemplaire... et le lit.

Que montre le document écarté par H C-B et CH ? Que Darlan était, en juillet 1942, largement acquis à l'idéologie nazie et pensait toujours à cette date qu'il était de l'intérêt de la France de se placer dans le sillage de cette "révolution".

Dans son livre sur Darlan paru au début de 2015, Costagliola tire parti de cette découverte, et fait un pas de plus.

On pensait, jusqu'à Delpont inclus, que, surpris à Alger par le débarquement allié, sous direction américaine, du 8 novembre 1942, en Algérie et au Maroc, Darlan avait facilement retourné sa veste en faveur des visiteurs. Du coup, on avait négligé une phrase pourtant très claire d'un sien télégramme à Pétain, le 9 en milieu de journée. Après avoir déploré de ne rien savoir sur la réaction des Allemands à l'annonce de ce débarquement, l'amiral indiquait que, s'ils avaient l'intention d'envahir la Tunisie, Vichy pouvait y consentir moyennant une révision fondamentale de l'armistice. La diplomatie vichyssoise était également invitée, par ce message, à faire son possible pour que le Maghreb ne devienne pas un "champ de bataille" et pour que les Anglais, tout comme les gaullistes, en soient écartés.

Darlan envisageait donc une sorte de médiation de Vichy entre Washington et Berlin. Voilà qui indique qu'il était loin encore, à cette date tardive, de renier sa politique de collaboration avec l'Axe, comme d'en revenir à des conceptions politiques plus républicaines.

En effet, il faudra encore quelques jours pour que l'occupation allemande de la zone sud, sa rupture forcée avec Vichy et ses propres accords avec les Américains lui arrachent un début, encore bien timide, de profession de foi démocratique.

Il ne me paraît pas utile de mettre des points sur les i ou de l'huile sur le feu, en accusant Coutau-Bégarie et Huan de dissimulation malhonnête. Dans ces affaires comme dans d'autres, la part de l'inconscient est difficile à discerner tant que nous n'amenons pas le patient sur un divan, et telle n'est pas, pour moi, la priorité. Que les fautifs s'expliquent avec eux-mêmes !

A signaler tout de même une double pirouette de C-B dans un commentaire du livre de Delpont paru... aux Etats-Unis. C'est Delpont lui-même qui écrit, en 2014 :

(...) dans le Journal of Military History de janvier 2001 , on pouvait lire « le livre d’Hubert Delpont aurait du être beaucoup plus intéressant […] l’auteur étant un historien local de Nérac, il y avait de bonnes raisons d’espérer de nouvelles informations sur la jeunesse et la formation de l’Amiral. […] Malheureusement il préfère se concentrer sur la carrière nationale d’un homme […] prêt à faire n’importe quoi pour rester au pouvoir, jusqu’à embrasser la collaboration et le totalitarisme dans sa forme la plus virulente, le nazisme. Delpont pousse très loin ses accusations. Bien qu’il reconnaisse qu’il ne s’agit que d’une hypothèse ».

Devinez qui est l’auteur de cette critique parue aux USA ? Coutau-Bégarie lui-même, qui ajoute, tenez-vous bien : « L’absence de nouvelles sources dans ce livre est particulièrement regrettable, à part la très longue note de Darlan d’août [en réalité de juillet NDA] que Claude Huan et moi-même avons omise dans notre livre Lettres et notes de l’Amiral Darlan (Paris, Economica 1992) parce que la personne chargée de photocopier la note pour nous l’a probablement trouvée trop longue ».

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Re: Darlan : attention, livre important

Nouveau message Post Numéro: 20  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 25 Fév 2015, 06:26

PS.- Pris en flagrant délit, soit de malhonnêteté, soit de grave négligence, Coutau-Bégarie manque de sportivité mais non d'audace. Nous étions si bien entre nous, que vient donc faire dans le jeu ce petit prof de province ? Et puis hélas même à Paris nous sommes tributaires des manants : on ne peut pas surveiller toutes les secrétaires flemmardes !

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