Bonjour,
Sur un autre fil "Le massacre d'Oradour sur Glane", notre collègue "le pitaine" m'invite à exposez mon parcours en détail durant la 2e GM...
Que devrais-je refuser à un proche concitoyen ?
Auquel je pourrais faire le reproche de ne pas avoir attentivement lu mes écrits, plus particulièrement lors de nos échanges de commentaires sur deux importants épisodes de débats... Autun (2ème dragons) - La Résistance dans l'Aude (Limoux et le Maquis de Picaussel).
Quiconque m'a fait la grâce de suivre mes écrits, reconnaîtra que je n'ai pas été avare de détails sur mon parcours.
Tant il est vrai que l'on puisse retenir que les Français ont la mémoire courte, je me vois obligé de la rafraîchir en reprenant une partie de mes écrits.
Comme il est possible que je puisse négliger quelques détails, je répondrai volontiers à ceux qui m'interrogeraient.
C'est en mai 1944, place du Capitole à Toulouse que tout a commencé...
M'étant aperçu que j'étais filé, ce qui fut aussi le cas pour d'autres de mes copains de l'époque, il a été nécessaire que par mesure de sécurité et de précaution, nous devions trouver refuge dans un Maquis.
Ce n'est qu'en 1949, après mon retour d'Indochine que j'ai eu l'explication de ces filatures.
Le départ au Maquis se fit en deux groupes...
Le premier au sein duquel se trouvait un copain de l'époque de un an mon aîné, qui se rendit célèbre par la suite... Alfred Sirven... vous connaissez ?
Sirven était communiste et il avait choisi de rejoindre un maquis FTP dans le Lot.
Ce qui étonne de la part de ce zigue là, c'est que plus tard il alla combattre les communistes en Corée... mais c'était avant tout un baroudeur.
Le deuxième groupe où je me trouvais, rejoignit un Maquis "Libérer et Fédérer" dans le Tarn...
Et c'est là, dans l'après-midi du 7 juillet 1944 que nous avons reçu la visite de deux dizaines de miliciens de la Milice de Castres qui nous capturèrent (nous étions 9).
Ils nous amenèrent à Lavaur où, dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944, ils nous firent l'honneur d'un interrogatoire en règle, qui heureusement ne se termina pas dramatiquement.
Le 8 juillet ils nous conduisirent à leur Siège à Castres.
Nous étions donc 9 lorsque nous avons été capturés mais environ 30 ou 40 jusqu'à la veille de ce mémorable 7 juillet 1944.
La plupart d'entre nous se connaissaient, un nombre important ayant travaillé aux PTT où existait un réseau dont l'Histoire a peu parlé.
Il y avait, à ma connaissance un seul communiste, Henri P..., un copain, mon cadet de un mois.
Au moment de notre interrogatoire il avait sur lui une lettre de son père militant communiste, dur parmi les durs, lettre dont le contenu ne laissait planer aucun doute sur ses penchants révolutionnaires.
Henri fut immédiatement transféré au siège de la Milice à Toulouse et ensuite pris en charge par la Gestapo. Son père fut déporté à Buchenwald d'où, après avoir été libéré par les Alliés il revint dans un état d'épuisement extrême.
Quant à Henri, il fut interrogé et torturé au siège de la Gestapo à Toulouse dans une rue qui de nos jours porte le nom de "Rue des Martyrs de la Libération". Je passe sur les détails de la torture !.
J'ai toujours en mémoire les paroles d'Henri, ici, chez moi :
<< Tu sais Roger, je n'ai rien dit parce que je ne savais rien... mais si j'avais su.. ??? >>
Le 19 août 1944, jugeant probablement qu'il était prématurément risqué de nous lâcher dans la nature, les miliciens nous amenèrent avec eux sur la route de leur exode, précédés et suivis en cela par les véhicules de l'armada allemande qui quittait Toulouse.
Vers 22 ou 23 heures, ayant traversé Carcassonne, entre Trèbes et Fontiès-d'Aude, à la faveur de la nuit, j'ai profité de l'état de somnolence de mes proches voisins pour plonger dans ce que je croyais être la rivière Aude mais qui en réalité était une bande de champ labouré...
Mes copains furent relâchés vers Montpellier et ceux que j'ai revus m'ont affirmé que personne ne s'était aperçu de mon envol !
Croyez moi, ceux qui me lisez ici, ce n'était ni du courage, encore moins de l'héroïsme... c'était la trouille !
Rentré à Toulouse, je m'engageais immédiatement dans la 1ère Division Légère de Toulouse qui prit la direction de Saulieu, puis Digoin (Chiseuil) Paray-le-Monial et Autun, à peine 24 h après la Libération de la ville par le 2ème Dragons sous les ordres du Lieutenant-Colonel Demetz.
Certains participants de ce forum de souviennent peut-être de "cdg"... Ce n'était pas Charles De Gaulle... c'était Caroline, la petite nièce de Demetz...
Puis dans les circonstances que j'ai évoquées sur ce forum, j'ai quitté les zones d'opérations le 20 octobre 1944
Engagé au 1er RIC à Toulouse, j'ai dû quitter cette unité au moment de son départ vers la Pointe de Grave et l'Ile d'Oléron en mars 1945... J'avais été jugé encore une fois trop jeune !
Dès mes 17 ans révolus, ce fut en un premier temps mon engagement pour la durée de la guerre, puis un engagement de 3 ans. Ensuite, après une longue période de formation dans les corps des Transmissions à Bordeaux et à Toulouse, après un passage de quelques mois à l' Ecole Militaire des Transmissions à Montargis, un passage d'instructeur Radio à Clermont-Ferrand puis chef de poste Radio à Grenoble, ce fut l'Indochine en Mai 1947.
Terminant mon séjour en E.O. par un passage de 4 mois ½ au Cambodge, le paquebot André Lebon m'a amené à quai à Marseille le 30 novembre 1948.
Une anecdote à l'intention des CH'tis de ce forum :
Au cours du Printemps 1948, à Saïgon, j'avais fait la connaissance de Aimable Pluchard, le CH'ti au grand talent qui avec son accordéon a fait danser toute la planète.
Aimable, originaire de Trith-Saint-Léger dans le Nord, portait bien son prénom... c'était un "gouailleur" d'une grande simplicité et d'une grande gentillesse !... Je l'ai retrouvé à Phnom-Penh à l'automne 1848 où il se produisait dans les cabarets de renom. Nous avons fait quelques "virées" je vous dis !
Pour la bringue, il n'était pas le dernier... il était devenu pour moi, un copain.
Nous nous sommes revus sur le paquebot André Lebon car le hasard a voulu que nous rentrions en France en novembre 1948, sur le même paquebot.
Après cela nous nous sommes revus une seule fois en Bretagne vers le début des années 1970, J'avais appris ainsi qu'il avait une fille de 21 ans... Martine...
J'ai toujours chez moi le journal "La Voix du Nord" relatant son départ de ce monde et je suis encore très triste lorsque je vois sa sépulture, toujours fleurie, sur le web... il avait tant d'amis !
Autre anecdote qui concerne mon pseudo = Norodom.
Au mois d'août 1948 à Phnom-Penh, je suis intervenu pour un dépannage sur l'émetteur de la Radio Khmère.
Le lendemain, allant me rendre compte du bon fonctionnement de l'émetteur, j'ai eu l'agréable surprise de me trouver face-à-face avec le Roi Norodom Sihanouk qui m'a remercié sans me poser la moindre question.
Dans les 48 heures suivantes il me fit parvenir une invitation pour me rendre au Palais Royal pour assister à une représentation par les ballets Khmers... alors... Norodom !
Démobilisé à Toulouse en Mars 1949, avant mon mariage en 1951, j'ai connu quelques difficultés à retrouver mes marques.
C'est quand on termine que l'on s'aperçoit combien on a été long !...
A la manière de Norodom (le vrai) je joins mes mains dans la prière, pour que Norodom (l'usurpateur) n' apparaisse pas trop lassant !
Et pourtant, je pourrais écrire en m'inspirant d'un roman de Jean d'Ormesson :
"Un jour je m'en irai sans avoir tout dit"
Cordialement
Roger