Edgard Feuchtwanger habita en face du chef du parti nazi, de 1929 à 1939, avant de fuir pour l'Angleterre. Il a sorti un livre (voir ici =>
viewtopic.php?f=21&t=33429 ) et a raconté ses souvenir dans un documentaire que la chaîne Planète+ a diffusé ce jeudi 24 Janvier.
Résumons ce témoignage pas banal ... réalisé à travers ce documentaire.
Septembre 2012. Une maison typique de la campagne anglaise, briques rouges et gazon vert vif, dans le comté du Hampshire. Le propriétaire : Edgar Feuchtwanger, 88 ans, père et grand-père, y mène une vie typiquement british. Pourtant, il n'est pas né en Angleterre. "
J'étais un Juif Allemand", explique t-il, souriant, l'oeil vif et doux à la fois, il a quitté l'Allemagne in-extrémis en 1939, à l'âge de 14 ans.
Pour les besoins du documentaire, Hitler mon voisin, réalisé par François Bordes et Bertil Scali, qui a été diffusé ce Jeudi sur la chaîne Planète+, il est retourné sur les lieux de son enfance : il habitait à Munich, juste en face du futur Führer ! C'est ainsi qu'il a assisté, de sa fenêtre, à la montée du nazisme, tout au long des années 1930. Son père était le directeur d'une prestigieuse maison d'édition, qui publiait Thomas Mann, Keynes, et sa mère fréquentait la haute société munichoise. C'était une famille juive, cultivée, aisée, allemande depuis des siècles. "
J'avais le même dentiste qu'Hitler. Ça parait extraordinaire parcequ'aujourd'hui Hitler n'est plus vraiment une personne réelle. Il est devenu une sorte de figure du mal", dit-il. "
C'est difficile d'en parler tel que je l'ai connu, parceque ça le fait paraître presque normal, comme un être humain ... dans un sens, il l'était".
La caméra suit Edgar dans le Munich d'aujourd'hui. Des images d'archives de la ville dans les années 1930 alternent avec le reportage. Le voilà qui pousse la porte de son appartement d'enfant transformé en bureaux. Il entre dans une pièce où deux femmes travaillent devant un ordinateur, se penche à la fenêtre et leur demande : "
Savez-vous qui habitait là, dans la maison qui fait l'angle, au 2° étage ? Non ? Herr Hitler !".
Comment une famille juive a t-elle pu habiter pendant dix ans sous le nez du chef du parti nazi ? C'est d'autant plus étonnant que l'oncle d'Edgar, Lion Feuchtwanger, écrivain célèbre de cette période, antinazi de la première heure, auteur d'un roman paru en 1940 qui ridiculisait Hitler, était l'ennemi public numéro 1 de son parti.
Le film retrace les principaux évènements des années d'avant-guerre, de date clé en date clé, à l'aide d'images d'archives appuyées par un commentaire discret en voix off et par le témoignage d'Edgar, précieux, pour comprendre comment l'Allemagne a pu adouber Hitler et pourquoi tant de juifs n'ont pas fui quand il accéda au pouvoir.
"
On se sentait menacés, mais à quel point, personne ne le savait", raconte t-il. "
L'Intelligentsia ne croyait pas vraiment au danger. Elle ne pouvait pas imaginer qu'un rustre vociférant comme Hitler, un Autrichien de surcroît, pourrait accéder au pouvoir. en Allemagne, la politique était une affaire de Princes et de Ducs".
Edgar Feuchtwanger retrouve sa meilleure amie d'enfance, dont le père, battu et exhibé en caleçon dans la rue affublé d'une pancarte, fut le premier juif molesté publiquement, en 1933 : sa photo avait fait le tour du monde et la une du Washington Post. il retourne aussi dans son école, où dès 1933, sa maîtresse, zélée, faisait dessiner à ses élèves des croix gammées en exaltant la grandeur du Führer, sauveur de l'Allemagne. "
Je faisais ce qu'on me disait de faire. Je m'appliquais. On pensait qu'elle disait la vérité".
Pourquoi ses parents ne sont-ils pas partis en 1933, quand son oncle Lion, en séjour en France, fut déchu de sa nationalité ? "
Mon père devait penser qu'on était revenu à la situation que les juifs avaient connue au XVIII° siècle, le ghetto, il n'a pas cru sérieusement que la situation allait se radicaliser". Etait-ce de la désinvolture ? non, il était très compliqué d'émigrer et presque impossible d'obtenir un visa : comment imaginer vivre avec une famille, dans un pays dont on ne parle pas la langue et où l'on n'aura pas de travail ?
La dernière visite d'Edgar, avant de retrouver son cottage anglais, est pour Dachau, le premier camp de concentration ouvert dans la banlieue munichoise, où son père fut interné après la nuit des longs couteaux.
Photo : Edgar Feuchtwanger aujourd'hui