(Témoignage version courte rédigé en 1999 à l’occasion du recensement par la Fondation pour la Mémoire de tous les lieux d’internement en France - publié originellement sur le site http://cvirlo.jimdo.com/ dont je suis l'administrateur - Version longue à suivre)
Arrêté le 8 février 1944 avec mon père Pierre Virlogeux "Commandant VERNIER des MUR dans la clandestinité", ma mère "Sergent-chef des MUR dans la résistance", mes grands parents maternels, mon frère âgé de 11ans et la jeune bonne de mes parents nous sommes d'abord enfermés à la Caserne d'Antéroche à Riom dans le Puy-de-Dôme où se trouvait une garnison allemande avec une trentaine d'autres résistants riomois et des environs.
Après une journée d'interrogatoires musclés et une nuit dans la caserne le lendemain la Gestapo relâcha mes grands parents, mon frère et la bonne ainsi que les épouses de deux résistants arrêtées comme otages. Les autres dont moi-même et ma mère nous fûmes transférés à la Prison Militaire du Quartier Desaix rue Pélissier à Clermont-Ferrand (92ème RI). Seul mon père n'était pas avec nous. Je devais apprendre à mon retour en 1945 qu'il s'était donné la mort dans la nuit et que la Gestapo avait fait enfouir son corps dans la cour de la caserne où on ne le retrouva en novembre 1944, que grâce aux aveux du responsable de la Gestapo de Clermont, Mathieu, qui avait été arrêté lors de sa fuite au moment de la libération de Clermont-Ferrand.
Du 9 février au début d'avril 1944 je suis resté à la Prison Militaire de Clermont. Ensuite je suis parti pour le camp de Royal lieu à Compiègne où je suis arrivé après une nuit dans un wagon à bestiau dans l'après-midi du 4 ou 5 avril.
Camp de Royallieu (Compiègne)
A Compiègne j'étais interné à la baraque n°3 chambre 8 avec le matricule 32.930.A ce moment il y avait beaucoup de monde dans le camp et quelques jours plus tard j'assistai au départ d'un convoi pour l'Allemagne. Deux jours après vers le 20 avril les Allemands formèrent un Kommando où je fus pris, nous étions 150 prisonniers et le lendemain nous fûmes transportés en train à la gare du Nord à Paris d'où des bus de la RATP nous emmenèrent dans un fort que l'on nommait entre nous le Fort de l'Est mais qui je crois était le Fort de Pantin. Il nous était difficile de dire où nous étions car nous n'avions aucun contact avec la population et les chauffeurs des bus qui nous amenaient à l'entrée de la casemate où nous étions enfermés la nuit.
Fort de l'Est (93)
Ce kommando avait pour mission de déterrer les bombes non explosées dans les gares de l'est parisien qui venaient de subir de violents bombardement. Nous avons surtout travaillé dans les gares de Bobigny et de Noisy-le-Sec. Nous sommes restés là deux semaines puis nous sommes rentrés le lundi 8 mai, une date dont je me souviens bien car la veille notre équipe avait été déterré une bombe devant l'entrée de l'usine Radio-Technique de Bobigny où les gardiens de l'usine nous avaient apporté un repas que nous ne devions pas oublier par la suite.
De retour à Compiègne je suis retourné dans la chambre 8 de la baraque n°3, où j'ai retrouvé de nombreux détenus de la Prison Militaire de Clermont-Ferrand arrivés entre temps qui préparaient leurs bagages pour gagner le camp C où étaient regroupés ceux du prochain convoi, celui du 12 mai pour Buchenwald.
Camp de Buchenwald
Presque tous les riomois arrêtés avec moi partirent par ce convoi et ils n'en rentra en France que deux. Partis à 150 de Compiègne pour Paris nous n'étions plus que 137 au retour car il y eu plusieurs évasions pendant notre séjour dans les gares grâce à l'aide, non sans risques, des cheminots. Le 20 mai je fus transféré avec tous ceux qui revenaient de Paris au camp C et nous partîmes le lendemain pour l'Allemagne où après un détour par Weimar et Buchenwald nous arrivâmes à Neuengamme le 24 mai en fin, d'après-midi.
Camp de Neuengamme
Après un très bref séjour au camp je repartais le 29 mai pour Fallersleben en kommando pour travailler pour l'usine Hermann Goering qui fabriquait les voitures Volkswagen et du matériel militaire.
Kommando de Fallersleben
Nous étions chargés de la construction d'un camp pour loger les futurs travailleurs étrangers de l'usine Volkswagen-Werk. Je devais rester là jusqu'au 7 avril 1945 date à laquelle les SS devant l'avance rapide des alliés nous évacuèrent vers l'est. Avec les déportés de plusieurs kommandos venant de l'ouest les SS formèrent un long convoi de wagons de toutes sortes, wagons de marchandises couverts wagons à cochons à étages et à claire voie, wagons tombereau, où nous étions entassés jusqu'à 120 par wagon. Après un long et cahotiques voyage souvent stoppé par des bombardements où des voies coupées, notre convoi arriva le 15 avril au sinistre camp de Wobbelin ou bon nombre des survivants de Fallersleben et du voyage moururent dans d'épouvantables conditions. Les derniers jours les cadavres n'étaient même plus évacués du camp.
Mouroir de Wöbbelin
Le 2 mai nous vîmes enfin arriver nos libérateurs, des soldats de la 82ème Airborne américaine à qui je dois vraisemblablement d'être encore là aujourd'hui car atteint du typhus je ne pouvais même plus me lever. Hospitalisé par les américains à Ludwigslust je ne rentrais en France que le 26 juin où où j'arrivais à Paris en avion sanitaire pour apprendre à l'Hôtel Lutétia, la mort de mon père dans les circonstances décrites ci-dessus et celle de ma mère au Revier de Ravensbruck le 10 novembre 1944.
Château Hôpital de Ludwiglust
Hôtel Lutétia (Paris)
Entrée du Camp de Ravensbrücke