Post Numéro: 1 de fbonnus 18 Nov 2012, 16:27
Les compagnons de la Libération viennent en effet de se réunir et de décider ensembles de transmettre leur pouvoir aux villes, faites elles-mêmes compagnons de la Libération, dans l'indifférence quasi générale. Ils ne sont plus, en effet, que 23 vivants encore aujourd'hui. Il s'agit d'un geste évidemment indispensable, mais dont la portée symbolique nous dépasse encore quelque peu.
Née au plus fort des combats pour célébrer l'héroïsme des volontaires militaires et civils de la France Libre, cette chevalerie d'un nouveau genre, dont l"idée initiale incombe à l'Amiral Muselier, a fédéré dans ses rangs tout ce que la France a connu en matière de courage et de dignité dans cette période particulièrement dure où l'on pouvait craindre pour le pronostic vital de la nation.
L'Ordre de la Libération a fini en 1945 par embrasser dans ses rangs les héros de Bir-Hakeim, de la bataille d'Angleterre, et du Normandie-Niémen, les principaux combattants de l'ombre de la résistance intérieure et quelques personnalités politiques et morales qui ont joué un rôle essentiel dans cette bataille qui se livra autant pour les âmes que pour les corps. C'est ainsi par exemple que fut fait compagnon l'archevêque de Toulouse, le cardinal Saliège. On a reproché au général de Gaulle de faire la partie plus difficile à la résistance intérieure, dont de très grandes figures n'ont pas été consacrées. Le reproche vaut particulièrement pour les grand mouvements de résistance dont le général craignait, en 1945, l'influence trop grande. Mais la sous-représentation de la résistance intérieure n'est rien à côté de la marginalisation des résistants communistes, qui furent pourtant parmi les plus nombreux.
On pourra rétorquer que la même sévérité discutable s'applique aussi aux agents de la France Libre, membres du BCRA du colonel Passy et dont plusieurs ne furent pas promus parcequ'ils avaient échappé aux griffes de l'occupant. mais pour le reste, trêve de chicanerie. la lecture de l'annuaire complet des compagnons de la Libération est particulièrement émouvante parcequ'elle nous livre sans apprêt une tranche complète de la vie de la société française. Fils d'ouvriers qui passent un brevet de pilotage dans l'armée régulière, instituteurs qui deviennent agents de liaison de la Résistance, syndicalistes, patrons grands et petits, anciens combattants de 1914 et adolescents à peine arrachés aux bras de leur mère, tout le monde est là. La lecture de l'annuaire des compagnons de la Libération s'inscrit également en faux contre la démagogie populiste actuelle des "vrais gens".
il y eut dans tous les domaines de la société des membres éminents de l'élite qui rejoignirent tout de suite le combat, au même titre que les autres, bien que Vichy leur fournit de multiples occasions de se protéger. Néanmoins, Louis Armand avait déjà atteint les niveaux les plus élevés de la Direction des chemins de fer, et sur le plan intellectuel Jean Cavaillès avait été le plus brillant normalien de sa génération. Pierre Brossolette, reçu comme classique général à la rue d'Ulm, Cassou et Vernant allaient s'illustrer à la tête des sciences humaines françaises pour ne pas parler de Leclerc, major de sa promotion à Saint-Cyr.
Il y eut donc dans ce mouvement exceptionnel une fusion des "élites" et du "peuple". Ce "groupe de fusion" eut en outre une autre vertu austère que le général avait explicitement voulue. Il n'y eut pas à la Libération de promotion en masse des compagnons à des postes de responsabilité. Et c'est ainsi que l'armée connut ces compagnons sous-officiers de carrière et officiers subalternes, tout autant que quelques chefs d’exception. Le général de Gaulle, en constituant les Compagnons de la Libération avait aussi fait cadeau au pays de sa véritable élite, qui, comme toutes les noblesses authentiques, s'enorgueillissait seulement de servir et non de se servir.
Mais voilà maintenant que nos "Compagnons de la Libération" s'effacent dans la brume derrière peut-être l'un des plus glorieux d'entre-eux, le prix Nobel de médecine François Jacob, leur dernier président, après à peine 70 ans d'existence.
Et maintenant, alors que la France s'apprête à traverser d'immenses difficultés, nous sommes un peu orphelins de ces marins pêcheurs qui ne parlaient que le Breton et, bien sûr, de tous les autres. Et n'oublions pas évidemment, parmi eux, tous ces soldats de l'Afrique dont la croix de la Libération du roi Mohammed V symbolise tout autant leur union essentielle avec la nation Française.
Un symbole de plus s'éteint donc aujourd'hui, raison de plus pour oeuvrer ardemment pour le Devoir de Mémoire
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Les 23 compagnons de la Libération encore vivants à ce jour :
BEAUGE-BERUBE Henri, Eugène, Marie
CHARMOT Guy, Denis, Jean
CORDIER Daniel, Roger, Pierre
CORTOT Louis
de DARUVAR -Yves, Djemschid, Imre
DESMET Victor, Jean-Baptiste
ENGELS Constant, Etienne
GAYET Alain
GERMAIN Hubert, Jean-Louis, Joseph
GONARD Charles
HEBERT Jacques, Edmond, Georges, Paul
IBOS Paul, Lucien, Raymond
JACOB François, Louis
LANGLOIS Pierre
LEPEU Claude
MALLET Jean-Pierre, Robert
MOORE Fred
RAOUL-DUVAL Claude, Lucien, Edouard
SALVAT André
SCHLUMBERGER Etienne
SIMONET Pierre, Adrien
TUPËT-THOME Edgard
VERRIER André, Albert
« Alors mon petit Robert, écoutez bien le conseil d'un père !
Nous devons bâtir notre vie de façon à éviter les obstacles en toutes circonstances.
Et dites-vous bien dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c'est favoriser la réussite des médiocres. »
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Michel Audiard