Post Numéro: 31 de Azuréenne 31 Oct 2012, 23:31
24 Janvier 1942
Les Japonais continuent à remporter de nombreuses victoires sur Anglais et Américains, incapables de résister à leur offensive menée avec vigueur et impétuosité. La plupart des îles du Pacifique sont occupées par les Nippons, Hong Kong est prise. Singapour très menacée : l’Australie s’inquiète. L’offensive Anglaise en Syrie, victorieuse jusqu’à Benghazi et A… ?…, fléchit maintenant devant le cran et la décision des troupes italo allemandes magistralement menées par le Gal Rommel.Seuls, les Russes remportent d’importants succès et avancent sur presque tout leur front : seule une contre offensive allemande en Crimée a réussi à la reprise de Théodosia précédemment réoccupée par les Russes.
Malgré cette presque totale carence Anglo-Américaine, il semble bien que la situation des Italo allemands soit grandement compromise, pour l’avenir, en raison du bloc formé par Russie-Chine-Angleterre-Amérique. Les états de l’Amérique du Sud, réunis en conférence, se sont solidarisés avec les Etats Unis pour la défense de leur continent, ce qui paraît gravement toucher les axiaux dont les informations tendancieuses essaient vainement de dénigrer la portée de cet événement d’envergure.
Les renseignements rapportés par P.B.... des milieux officiels de zone libre, confirment ce que je supposais : le gouvernement se heurte à un mauvais vouloir évident des Allemands et des « collaborationnistes » de Paris. Le discours de Pétain du 1er janvier 1942 marque le coup, à tel point qu’il a été entièrement caviardé dans la presse de la zone occupée.
Bref, la collaboration avec des gens aussi « loyaux » que ces messieurs de Berlin est un leurre et une duperie : c’est bien ce que je supposais et que le bon peuple, dans son bon sens avait compris. Seule une certaine « élite » pour prétendue telle, émue à la longue par une propagande insidieuse et parfois adroite, s’est laissée berner par les arguments fallacieux des envoyés de Goebbels.
Au village, fait curieux : les bien pensants, comme les autres étaient, jusqu’à présent, anti-collaborationnistes à tout crins et même Gaullistes : lorsque le curé, soit par ordre, soit par conviction, s’est fait ardent propagandiste de la collaboration : aussitôt, volte-face complète des bigots (C... B... qui sont devenus d’un jour à l’autre collaborationnistes convaincus !
Cet hiver, le froid est moins vif que l’année dernière (-7 au plus jusqu’à ce jour) mais le thermomètre est resté presque toujours aux environs de 0°. Malgré l’installation de mon bureau au salon, j’ai presque toujours émigré au petit salon où un poêle à bois maintenant une bonne température.
Nos 4 brasses de bois filent à toute allure, nous n’avons pas pu avoir un kg de charbon. J’ai installé un poulailler près de la cuisine d’été, mais nous n’avons pas encore d’œufs. Impossible d’en avoir même chez les métayers : on prétend que les poules ne pondent pas, faute de grains ? Dans quelle mesure est-ce vrai ? Le lait est rare aussi : il en manque et nous devons courir chaque matin pour en avoir 1 litre (2F). En ville, la misère est effrayante : rien au marché que des raves : pas de combustible et cela menace de durer encore des années. En Suisse, les privations sont à peu près aussi grandes : on y restreint comme ici la consommation d’électricité. Bref, le monde entier est plongé dans l’extrême misère… par ceux qui veulent faire son bonheur !
1er Février 1942
je reviens de Bordeaux, où je n’étais pas allé depuis plus d’un mois : d’importantes transformations… restrictives ont eu lieu depuis lors : la pénurie d’électricité en est la cause : le nombre de tramways a été réduit, et il est maintenant quasi impossible de monter dans les voitures en dehors des têtes de ligne : on doit donc la plupart du temps circuler à pied : lorsqu’on a la chance d’être admis à bord, c’est une bousculade et un entassement pénibles. De plus, les magasins n’ouvrent maintenant que de 10 h à midi et de 2 h à 5 h : d’ailleurs la pénurie de marchandises est telle que les grands magasins ont vidé leurs étages et concentré la vente au rez de chaussée (les ascenseurs ne marchent plus). Bref, la vie économique se ralentit encore dans des proportions incroyables. Le cuir est aujourd’hui chose rarissime : pas de gants en cuir : j’ai payé pour cadeau, un portefeuille 630 F (ce qui aurait valu 200 F il y a 2 ans). La disette est toujours grande en ville : on avait dernièrement inauguré à Bordeaux la carte de légumes : or, juste au moment de cette innovation, pas de légumes en raison de la gelée : d’où véhémentes protestations des consommateurs, déçus une fois de plus dans leur espoir de trouver quelque chose à ingurgiter.
Les Anglais continuent, piano, piano, à se « préparer ». Leur offensive en Syrie est non seulement arrêtée, mais retournée contre eux et maintenant ils reculent plus vite qu’ils n’ont avancé : c’est la 2ème fois que cette lugubre comédie leur arrive au même endroit, et cela fait naître des doutes sur leurs capacités et l’intelligence de leurs chefs militaires ; En Russie, les Soviétiques avancent toujours, à la faveur du froid, mais il ne semble pas toutefois que la situation des Allemands soit sérieusement compromise de ce côté. Le plus sérieux atout qu’aient perdu ces derniers récemment est l’Amérique du Sud qui, sur les instances des Etats Unis, s’est presque totalement déclarée contre l’Axe – effet moral évidemment très dur pour les Axiaux, qui voient maintenant s’opposer à leur action plus des 3/4 des peuples du monde.
Mais, malgré la quasi certitude de la défaite finale de ces Axiaux, la lassitude est grande partout, parce que la victoire n’apparaît que lointaine, en raison de l’état d’impréparation manifeste des démocraties. En attendant, les souffrances et les misères se multiplient à un rythme accéléré, et il est à craindre que tout craque socialement parlant – avant que la décision par les armes soit acquise. Alors, ce sera sans doute la grande révolution aux conséquences imprévisibles – sûrement en tout cas, un surcroît d’atrocités.
28 Février 42
L’hiver se prolonge : il a été rude bien que le thermomètre ne soit pas descendu au-dessous de –9° : la température se maintient depuis 3 mois dans les environs de 0° : beaucoup de neige à Paris, aujourd’hui encore, et presque pas de combustible en ville. Quant au ravitaillement, il est toujours aussi lamentable. Pas d’œufs depuis près de 4 mois, même à la campagne. On recommence juste à en voir réapparaître ici. Il y a eu des réquisitions de foin, avoine, paille pour les occupants.
8 Mars 42
Je reviens de Bordeaux : le vide des magasins s’accentue toujours, ainsi que la maigreur des habitants. Pas de chapeaux, pas aussi de chemises,
etc… les étalages sont consacrés aux acheteurs allemands : parfums, babioles, tableaux, livres d’images, fourrures, etc… le tout à des prix ahurissants. Tout ce qui est en cuir est une rareté telle que les prix montent en flèche, à mon précédent voyage, j’avais acheté, ainsi que je l’ai indiqué plus haut, un portefeuille de 630 F chez Servan : aujourd’hui, cet objet est affiché dans beaucoup de vitrines, à 400 et 500 et sa qualité infiniment inférieure à celui que j’ai acheté il y a un mois : il doit valoir maintenant tout près de 1000 F !
Beaucoup d’Allemands dans les trains, tramways et rues, la plupart frisant la cinquantaine. On annonce des bombardements à Boulogne Billancourt par les Anglais : il y a par là de nombreuses usines travaillant pour les occupants : total quelques 500 morts… sans compter les Allemands. Pâtés de maisons rayés, amas de décombres, etc. Et quand ils vont à Berlin ou autres lieux, les dégâts sont insignifiants !!! le gouvernement a décrété que le jour des obsèques serait deuil national. Etait-ce bien la peine en ces temps où les morts se comptent partout par millions ! Mais il faut du battage pour monter les Français contre ces monstres anglais-judéo-maçonniques !
23 Mars 1942
Mon beau-frère qui était directeur d’une affaire industrielle avant l’armistice, et s’était ensuite retiré en zone libre d’alors : Nice puis à Bergerac, vient d’obtenir un laissez-passer pour se rendre à Paris. Il nous donne des nouvelles de zone libre : il fait partie de la Légion des Combattants : d’abord assez réticent, il semble plutôt collaborationniste et anglophobe. Nous nous efforçons de le chapitrer à ce sujet, et allons attendre le résultat, après contact avec ses parents de Paris. Mais il faut tenir compte des excès de la mentalité parisienne, dans le sens Gaulliste ou à l’inverse, dans le sens collaborationniste.
15 Avril 42
Je n’ai toujours rien reçu au sujet de l’autorisation du journal et je commence à m’impatienter, ou plutôt à m’inquiéter.
Le village qui n’avait plus d’occupants depuis plusieurs mois, va en recevoir 500 paraît-il, plus qu’il n’y en a jamais eu jusque là : de la cavalerie. Les gens sont assez nerveux et attendent avec appréhension les évènements qui ne manqueront pas de se produire au cours de ce printemps : comment tout cela va-t-il tourner ? D’autre part, on annonce un remaniement gouvernemental, sous l’égide de Laval, ce qui indiquerait un coup de barre accentué vers la collaboration.
28 Avril 42
Le remaniement gouvernemental annoncé est accompli depuis le 18 : c’est l’équipe collaborationniste qui triomphe : toutefois les plus fâcheusement marqués, tels que Doriot et Déat, n’y figurent pas, Dieu merci. A tout prendre, cette combinaison a au moins l’avantage de présenter une attitude nette, au lieu de l’équivoque dangereuse de l’équipe précédente. Taper sur les Anglais tout en boudant les Allemands, et tout en « collaborant » sans collaborer n’était pas une politique saine. On sait maintenant à quoi s’en tenir, mais joue-t-on sur le bon tableau, là est le hic.
Ce qui est certain, c’est que l’immense majorité du peuple français est anti-allemand… et c’est là une considération de poids : la grosse majorité sait parfaitement l’hypocrisie de l’attitude allemande, dont la célèbre « correction » dissimule une mainmise organisée sur toute notre activité nationale : obligation de travailler pour l’Allemagne si on ne veut mourir de faim, obligation de livrer nos ressources, etc, etc le tout sans aucune compensation. Laval obtiendra-t-il des adoucissements ? Assouplissement enfin de cette ligne de démarcation qui, dans l’état actuel des choses est une odieuse et persistante brimade, sans aucune utilité pour ces messieurs, si ce n’est de nous embêter.
11 Mai 42
Après une belle période, un peu de pluie est venue rafraîchir le sol : les ensemencements de printemps se sont faits dans de très bonnes conditions : les fruits sont abondants et gonflent vite. L’année agricole s’annonce donc bonne, sauf imprévu.
Les grandes offensives n’ont pas encore commencé : chaque adversaire se tâte et tâte le voisin d’en face. Les Allemands paraissent craindre un débarquement sur la côte : il y beaucoup de troupes dans le S.O. : la route de Bordeaux est semée d’obstacle. On dit qu’à St-Nazaire, la population a fait le coup de feu avec les Anglais lors de leur débarquement. On parle aujourd’hui de l’emploi du gaz – ce sera le comble ! On dit aussi que le peuple gronde en Italie ? Au total, on ne sait rien de ce qui se passe, et on attend avec impatience des évènements enfin décisifs.
23 mai 42
les Allemands qui étaient au village, viennent de partir pour la Russie, paraît-il que leur moral était au plus bas, quelques uns cherchant même à s’échapper en zone libre. Une grande bataille est commencée du côté de Karkov : les Russes ont commencé : puis les Allemands ont lancé une contre offensive sur l’aile gauche russe. Ils veulent à tout prix s’emparer du Caucase pour avoir du pétrole. Toute la question est de savoir s’ils réussiront, faute de quoi il est probable qu’ils seront contraints de cesser le combat faute de carburant, ce qui serait assez curieux. 30 Mai 42
L’offensive russe sur Karkov, qui avait assez bien débuté, a été stoppée par une vigoureuse contre offensive allemande : d’après les communiqués teutons, les russes auraient été en partie encerclés et défaits. Il y a évidemment une grande part d’imagination, mais il semble bien que la situation des russes soit délicate et, en tout cas, que leur offensive ait échoué : tout au plus auront-ils contrecarré la fameuse offensive allemande de printemps. Dans la presqu’île de Kertch, leur défaite est évidente, et d’ailleurs avouée par la radio anglaise.
Pour le 1er Mai – fête du travail – la radio de Londres avait invité les Français sympathisants à manifester en se rendant devant la mairie de leur commune : il y a eu de grosses manifestations en ce sens à Marseille-Lyon-Toulouse et Bordeaux notamment. D’après la Radio-Londres, 30 000 manifestants ont défilé sur la Cannebière : à Bordeaux, gros rassemblement devant l’hôtel de ville.
On dit que les Italiens réclament à grands cris Nice- Corse, Savoie et Tunisie : manœuvre politique de chantage, destinée à obliger Laval à demander aux Allemands de calmer l’appétit de Mussolini… moyennant compensations collaborat…ives ! comme de juste. Quel imbroglio !
6 Juin 42
je reviens de Bordeaux : les attentats contre allemands et sympathisants se font de plus en plus nombreux, et des fusillades d’otages se multiplient. Voilà que les Juifs vont être contraints de porter une étoile jaune à leur poitrine ! cette mesure inhumaine et ridicule scandalise tout le monde et les journaux s’efforcent péniblement d’essayer de justifier cette nouvelle ignominie.
Les autorités allemandes se montrent très nerveuses : les offensives ne marchent pas : tout est arrêté en Russie et en Cyrénaïque : les bombardements anglais en Allemagne se multiplient : le moral de la troupe et du peuple s’en ressent. Bref, très mauvaise passe actuellement pour l’Axe. Quant aux Nippons, ils s’efforcent d’anéantir » les Chinois, qui ne paraissent pas disposés à se laisser faire.
24 Juin 42
Laval, le collaborateur, vient de donner la mesure de sa force collaboratrice : les ouvriers français doivent aller – s’ils le veulent bien toutefois – travailler en Allemagne comme appât, M. Hitler promet le renvoi d’un « important » contingent de prisonniers agriculteurs. Laval croyait obtenir la libération de prisonniers pour fêter son arrivée au pouvoir, mais une « évasion retentissante » a servi de prétexte pour refuser cette mesure. Bref, le collaborateur a raté sa collaboration. On ne libère pas les prisonniers parce qu’ils s ‘évadent et ils s’évadent parce qu’on ne les libère pas .
28 Juin 42
Village de nouveau «occupé» par de la cavalerie. Les Anglais sont en pleine déroute en Syrie et les Italo Allemands sont en Egypte. En Russie, le siège de Sébastopol continue : devant l’effort massif des Allemands, les Russes reculent peu à peu, mais en faisant payer très cher le terrain conquis. Au total, sous ce front, les Allemands avancent, mais sans que leur offensive ait, jusqu’à présent, des résultats décisifs, tant au point de vue du terrain conquis qu’à celui de « l’anéantissement » de l’adversaire.
Période de dépression : situation générale terriblement mauvaise et sans issue. Fort heureusement, le beau temps égaie et aide à supporter ces moments funestes.
18 Juillet 42
Les Allemands avancent en Russie, mais plus péniblement que l’année dernière. Atteindront-ils le Caucase ? En Syrie, après une avance foudroyante, les voilà stoppés devant Alexandrie. Bref, l’issue de la guerre n’apparaît pas encore. Les Japonais sont empêtrés avec la chine, quant à la France, elle se débat péniblement, pressée entre les exigences Allemandes et celles des Anglo-Saxons. Comment pourrons-nous sortir honorablement de cette incroyable impasse ? Voilà maintenant que l’Allemagne exige que nos ouvriers aillent travailler pour elle, en compensation, des prisonniers agriculteurs doivent être libérés.
22 Juillet 42
Ma femme est à Bergerac depuis huit jours et je n’ai encore reçu aucune nouvelle d’elle : et cependant, je suis à peu près certain qu’elle m’a écrit dès son arrivée : étant à 60 km – 1 h d’auto – de Bergerac, il faut à la correspondance plus d’une semaine pour faire le parcours ! Avant guerre, c’est le temps que mettait le courrier avion pour porter les lettres d’Indochine ! patience et résignation ! Il paraît que ce retard est systématique : ne pouvant pas lire toutes les cartes, et la correspondance étant d’ailleurs susceptible d’user de code, les «"autorités» font mijoter le courrier pendant 5 à 6 jours pour que les nouvelles arrivent toujours avec un retard tel qu’elles perdent tout intérêt… militaire.
18 Août 42
S... est revenue de zone libre. -les-Bains Voyage extravagant de Bergerac à Eugénie, en passant par Toulouse, Auch, Tarbes, avec autobus, taxis, vélos taxis et attentes nombreuses. Parties de Bergerac le mercredi, à 18 h, elles sont arrivées à St-Aigulin le jeudi à 18 h, soit 24 h après avoir couché à Mussidan, et attendu tout un jour une correspondance à Coutras ! l’impression de S est, qu’on a l’esprit bien plus libre en zone non occupée qu’ici et que les non collaborationnistes y sont pour le moins aussi nombreux.
20 Août 42
les Anglais ont tenté hier un débarquement en force du côté de Dieppe. Il semble bien qu’ils aient été repoussés avec pertes et fracas, en un temps record. Débarquement difficile assurément, mais qui aurait dû tout au moins, obtenir un sursis momentané. Or, l’échec apparent total. Tout espoir de ce côté doit donc être considéré comme vain. Encore une déception cruelle, augmentée encore par le triomphe ironique – que je perçois – des germanophiles. Il est certain que les plans de campagne anglo-saxons manquent totalement de cette rigueur logique qui caractérise ceux des Allemands et des Japonais. Quant à l’exécution, elle paraît dépourvue de mordant, de sang-froid et d’audace. Les Anglais sont pourtant réputés pour leur flegme.
31 Août 42
La période actuelle, malgré la tentative manquée de Dieppe, est nettement défavorable à l’Axe : les Allemands sont stoppés au sud de la Russie : au nord, les Russes attaquent sans répit. En Egypte, tout est arrêté. Les Japonais sont en difficultés avec les Chinois, qui attaquent victorieusement. Les Américains ont débarqué victorieusement aussi aux îles Salomon. Comme les Allemands, ils s ‘empêtrent après le bénéfice foudroyant de l’attaque par surprise. Et l’hiver s’approche…
15 Sept.
Je reviens de Bordeaux où l’importante imprimerie Bière a été fermée sur l’ordre des Allemands : tout le matériel a été enlevé et expédié en Allemagne : les 115 ouvriers sont au chômage… ou « invités » à s’embaucher pour la « relève ». Il en est ainsi de toutes les industries, qui sont transportées – matériel et personnel) en Allemagne ! Que restera-t-il de notre industrie après la guerre ! Les Anglo-Américains, voyant la quasi impossibilité de débarquer en Europe en raison de l’énorme préparation allemande, paraissent vouloir passer par l’Afrique pour remonter vers le Nord : le Brésil a déclaré la guerre à l’Axe : c’est le pays d’Amérique le plus près de l’Afrique.
21 Oct.42
Mes cousçins sont venus passer à G.... un mois de vacances : j’ai pu constater avec plaisir que P.B. est toujours de mon avis au sujet des évènements : il me confirme que les milieux officiels partagent aussi cette manière de voir. De divers côtés on prétend que les Allemands eux mêmes ne se font aucune illusion sur le sort de la guerre. Avoir les 3/4 du globe contre eux est en effet un sérieux sujet d’inquiétude, malgré tous les succès militaires remportés. D’après le commentateur de la radio Suisse, des craquements se font sentir dans toute l’Europe, et notamment au Danemark et en Norvège où l’opposition grandit dangereusement.
En Russie, Stalingrad tient toujours, après 3 mois de batailles de rues sanglantes. Les Allemands ont bien atteint le Caucase, mais ne pourront occuper avant l’hiver les pétroles convoités. Les voilà donc encore une fois en présence de l’hiver russe, sans avoir obtenu la décision annoncée, éloignés encore davantage de leurs bases, dans un pays de steppes et de hautes montagnes. Leur énervement se traduit par un « tour de vis » aux pays occupés. Ils exigent des ouvriers français pour travailler chez eux. Ceux-ci renâclent : on en demandait 150.000 : il s’est présenté 17.000 après une campagne lancinante de presse et de radio. Laval fait des efforts tenaces pour obtenir des départs nombreux et le retour de prisonniers pour 3 ouvriers : mais travailler pour l’Allemagne, c’est évidemment combattre pour elle, et cette sorte de trahison ne plaît pas, à juste titre aux ouvriers français.
1er Nov.42
Vu Max Bonnafous, ministre du ravitaillement : il défend, évidemment, la politique de collaboration, en donnant comme principal argument le péril bolchevique. Mais c’est une girouette, seulement un peu mieux graissée que celle de jacques Velten et consorts. Il se défend comme un accusé et convient que depuis l’arrivée de Laval au pouvoir, les Allemands lui ont multiplié les embûches. Alors ! je lui ai posé la question : le gouvernement est-il tellement certain de la victoire allemande, pour jouer à un tel point le jeu des vainqueurs contre l’Angleterre et la Russie. La réponse a été évasive. L’Angleterre redevient l’ennemi héréditaire et on ressort complaisamment Jeanne d’Arc, Fachoda, la guerre des Boers, etc. Mais la question n’est pas là : la question est de savoir si, oui ou non, il est souhaitable, au point de vue de notre pays, au point de vue de la civilisation, que l’Allemagne gagne la guerre. Si oui, alors aidons là à fond. Sinon, ménageons les Anglais dans la mesure où nous le pouvons sans irriter les Allemands, qui nous tiennent à la gorge.