Bonjour tout le monde! Visiteurs nocturnes- C'est à cette époque que nous notâmes des choses bizarres qui se passaient chez nous durant certaines nuits au cours desquelles nous entendions des bruits de pas furtifs, des chuchotements, des râclements de chaises.
Un matin nous demandâmes à papa "qui était venu" la nuit passée? Notre père sembla contrarié et nous dit simplement de ne pas y porter attention.
Une nuit cependant, alors que nous entendîmes à nouveau ces bruits nocturnes, notre curiosité fut la plus forte et malgrès ce que notre père nous avait dit à ce sujet, Claude et moi nous nous levâmes sans faire de bruit pendant que Gilbert dormait à poings fermés. Nous entrouvrîmes la porte de notre chambre et vîmes à travers le vestibule un rai de lumière au bas de la porte de la salle à manger et nous pouvions alors entendre distinctement des voix en sourdine. Nous ne savions que faire et nous nous apprêtions à rejoindre notre lit quand la porte de la salle à manger s'ouvrit et notre père apparu, traversa le vestibule et entra dans sa chambre située juste en face et adjacente à la notre. Ce faisant, il laissa la porte de la salle à manger grande ouverte et ce que nous vîmes alors nous coupa le souffle. Sur la table éclairée par une lampe à pétrole et queques bougies, nous pouvions voir un amoncellement de billets de banque! Assis, un homme à la carrure énorme, en faisait des liasses qu'il disposait ensuite l'une à côté de l'autre après les avoir liées avec un élastique. Puis notre père revint de sa chambre avec dans sa main quelque chose qui ressemblait à un vêtement, il poussa simplement la porte derrière lui laissant un interstice. C'était trop tentant!
Nous nous approchâmes sur la pointe des pieds, le carrelage du vestibule était froid mais n'émettait aucun son, puis nos deux têtes se supperposant nous regardâmes par la fente.
Nous ne pouvions plus voir l'homme aux billets, mais ce que nous vîmes près de la cheminée nous coupa encore plus le souffle! Une femme! Voir une femme n'avait rien d'extraordinaire en soi, mais c'était sa tenue ou plus exactement son manque de tenue car elle était en sous-vêtements, couverte seulement d'une fine combinaison. Nous vîmes alors notre père l'aider à enfiler le "vêtement" qu'il avait apporté de sa chambre et qui était une sorte de gilet sans manches qui lui descendait à mi-cuisses et qui comportait plusieurs poches que notre père se mit ensuite à garnir avec les liasses de billets de banques. Après s'être assurée que tout était bien en place, la femme enfila une robe par-dessus sa tête et pour nous ce fut tombé de rideau!
A pas de loup nous retournâmes dans notre chambre, j'avais le sentiment que nous en avions trop vu. Evidemment nous ne fîmes aucune allusion de cela à notre père et surtout nous n'en parlâmes pas à Gilbert . -
Helmut et nous - Nous étions écrasés par la canicule, probablement l'été le plus chaud que nous ayons connu. Les coupures d'eau était encore plus fréquentes et nous devions faire de plus en plus de voyages à la source.
La plage demeurait notre lieu favori et nous ne pouvions laisser Gilbert constamment sous la surveillance de Marijane, aussi de mauvaise grâce nous l'emmenions avec nous de temps en temps afin de lui enlever toute raison de se plaindre. Quand nous lui ordonnions de rester à la maison en l'absence de Marijane, Claude lui promettait simplement une volée s'il commettait la moindre incartade, l'autorité dont papa l'avait investi lui en donnait le droit et Gilbert en était conscient. Il restait alors à la maison en boudant, mais de cela nous n'avions cure!
C'était pendant ces escapades à deux que nous rencontrions Helmut si ce dernier n'était pas de "service". Nous n'en avions pas parlé à notre père et encore moins à Gilbert, surtout pas à lui, avec sa langue de pipelette tout le quartier l'aurait su et nous ne voulions surtout pas passer pour des collabos! Cette idée de "collaborer" nous tourmentait parfois. Après tout Helmut était un soldat allemand, un ennemi. Mais petit à petit, Helmut avait à nos yeux cessé de n'être qu'un soldat allemand, il était différent et était devenu notre ami, notre copain. Il nous parlait de sa famille, de la ferme de son père, de son pays, employant des noms bizarres et que nous ne comprenions pas. Malgrès son français approximatif, nous sentions qu'il était éduqué, même ses mannières dénotaient une aisance et une certaine classe.
Chose certaine Hemut aimait la nature et il trouvait ici tant de chose différentes de son pays. Il admirait les pins maritimes et aussi les tamaris, même les touyas qui pour nous n'étaient que des buissons épineux étaient pour lui des merveilles et il s'extasiait devant leur fleurs jaunes! La menthe sauvage, le fenouil et d'autres plantes aromatiques qui poussaient partout, même sur le bord des chemins lui procuraient du plaisir à les cueillir et il arborait souvent une branche de fenouil dans l'échancrure de sa chemise ne se lassant pas d'en respirer les éffluves.
Mais la grande inconnue pour lui demeurait l'océan, voir cette étendue d'eau à perte de vue était quelque chose de magnifique et il aimait respirer à pleins poumons cet air salin. Cependant quand la mer était forte et que les vagues s'écrasaient en gerbes, nous pouvions voir qu'il était un tantinet effrayé. A marée basse les rochers offraient une barrière protrectrice et il aimait bardoter avec nous dans l'eau qui stagnait entre les rochers, mais à marée haute les rouleaux qui prenaient la plage d'assaut l'impressionaient fortement et il se tenait à distance respectable. Nous rions de sa frousse, mais cela mis à part, il aimait ce nouvel environnement et nous l'initions aux choses de la mer en lui faisant voir comment ramasser moules et bigorneaux, comment saisir les "lappes" avant qu'elles n'adhèrent aux rochers et surtout comment dénicher sous les algues puis saisir les crabes sans se faire pincer, les "dormeurs" avec leurs grosses pinces lui faisaient le plus peur, mais aussi les crabes arraignées beaucoup plus petits mais aux longues pinces acérées. Quand aux pieuvres, c'était simplement "nix", il aimait bien les chercher avec nous mais pas question pour lui de les saisir! Sa grande révulsion nous amusait.
Nous parlions rarement de la guerre avec Helmut, quand parfois cela tombait dans la conversation, son visage s'assombrissait et il disait: "Guerre pas bon!" Aussi nous évitions ce sujet autant que possible. Il ne nous posait jamais de questions sur nous-mêmes et notre famille, pour lui nous aurions pu être aussi bien orphelins et il semblait qu'à ses yeux la seule chose qui comptât c'était les moments que nous passions ensemble tous les trois, le soldat et les 2 enfants, le reste n'avait pas d'importance. -