Post Numéro: 73 de Bruno Roy-Henry 29 Mai 2012, 10:21
Et voilà, on en arrive aux jugements de valeurs... En l'occurence, je me fais l'avocat du diable. Déformation professionnelle, sans-doute... Si j'ai écrit des livres d'histoire, je ne suis pas historien au sens universitaire du terme, mais j'ai exercé 5 ans la profession d'avocat.
Evitons si possible les mises en cause personnelles. Je maintiens mon point de vue fondé sur le dossier (les pièces présentées). Vichy ne savait pas, avant décembre 1942, l'existence des camps d'extermination. Il pouvait avoir assez d'éléments pour considérer, en effet, qu'il y avait une volonté de persécution à l'encontre des juifs. Il a tenté -plus ou moins maladroitement- de protéger les juifs français.
On peut faire un parallèle avec les USA. Qu'ont-ils fait pour secourir les juifs de France ? De juillet à novembre 42, les tentatives en ce sens ont été bien peu nombreuses et peu efficaces. Ils étaient au courant, non ? Si les relations diplomatiques étaient rompues officiellement, plusieurs consuls américains étaient encore en poste, malgré tout. Je n'ai pas le tome 3 d'Henri Amouroux sous la main, mais il détaille les interventions américaines auprès de Vichy, notamment celle qui va conduire Laval à laisser les enfants de moins de 16 ans avec leur parents. Je regrette de ne pas être plus précis, mais je suis certain de ne rien inventer...
Le point sur la question avec Wikipédia :
"Laval et la persécution des Juifs[modifier]Lors de son premier passage au gouvernement, Laval n'avait pas été précisément l'inspirateur des lois antijuives. Il avait exprimé quelques doutes sur l'intérêt du statut des Juifs, mais avait finalement cosigné l'ensemble des lois[37]. Le retour au pouvoir de Laval coïncida avec la mise en place par les Allemands d'un plan de déportation des Juifs[38]. Une ordonnance allemande rendit obligatoire le port de l'étoile jaune en zone occupée à partir du 7 juin. Le prédecesseur de Laval, Darlan, s'était opposé à cette mesure en zone libre en mettant en avant l'opinion publique [39].
Laval en personne, ou des hommes qui lui étaient proches comme Bousquet furent en première ligne dans les négociations avec les Allemands au sujet de la mise en œuvre de ces déportations. Heydrich était venu personnellement en France pour lancer l'opération et mettre en place le nouveau chef de la police allemande Karl Oberg, qui devint, du côté allemand, le principal interlocuteur de Laval et Bousquet[40]. Le Commissariat général aux questions juives, dirigé par Darquier de Pellepoix, avait été placé sous l’autorité directe de Laval depuis juillet 1942. Sans doute Laval avait-t-il nommé à ce poste Darquier, nettement plus pro-allemand que son prédecesseur Xavier Vallat pour donner satisfaction aux Allemands au sujet d'un poste considéré comme secondaire. Le Commissariat aux affaires juives devenu une annexe des services allemands eut un rôle négligeable dans l'exécution des déportations[41]. Trois mois avant le retour de Laval au pouvoir, le 27 mars 1942, Dannecker, chef de la Gestapo à Paris avait organisé le premier convoi de déportés juifs en direction d’Auschwitz, au départ de Drancy et Compiègne[38].
Le 25 juin 1942, les Allemands proposent l'arrestation de 22 000 Juifs dont 40% de Juifs français. Laval décida de collaborer à la rafle en en confiant l'exécution à la police française, refusa de procéder à l'arrestation de Juifs français en proposant, en compensation d'organiser ultérieurement des rafles de Juifs étrangers en zone sud. 12 884 juifs étrangers, en majorité des femmes et des enfants sont arrêtés par la police française au cours de la rafle parisienne du Vel’ d’Hiv’ du 16-17 juillet 1942[40]. En zone sud, 7 000 juifs étrangers et apatrides seront arrêtés au cours des rafles du 26-28 août 1942[42]
Dans les préparatifs de la rafle du Vel d'Hiv, les Allemands n'avaient pas prévu de déporter les enfants de moins de seize ans. Laval insista pour que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents « dans une intention d'humanité », comme il l'expliqua au conseil des ministres du 12 juillet. Les familles avec enfants furent regroupés dans les camps de Phitiviers et de Beaune-la-Rolande, et l'autorisation allemande de les déporter arriva le 20 juillet 1942[40].
Sollicité de revenir sur sa décision d’inclure dans les convois les enfants de moins de 16 ans (initialement non demandés des Allemands), notamment par le pasteur Boegner, chef des protestants de France, Laval refusa : « pas un seul de ces enfants ne doit rester en France ». Le pasteur Boegner rapportera plus tard : « Que pouvais-je obtenir d’un homme à qui les Allemands avaient fait croire - ou qui faisait semblant de croire - que les Juifs emmenés de France allaient en Pologne du Sud pour y cultiver les terres de l’État juif que l’Allemagne affirmait vouloir constituer. Je lui parlais de massacre, il me répondait jardinage ». À ce même entretien du 9 septembre 1942, Laval déclarait aussi « je ne puis faire autrement », « je fais de la prophylaxie », selon ce qu'en rapporte Boegner qui ajoute « Pour sauver les Juifs français, il fallait sauver les juifs étrangers » [43]. Le 30 septembre 1942, dans un télégramme aux ambassades françaises à travers le monde, il reprend une rhétorique antisémite pour justifier les récentes déportations : "Le seul moyen de conjurer le péril juif était le rapatriement de ces individus dans l'Est de l'Europe, leur pays d'origine"[44].
En même temps que la police de Laval organisait les rafles massives de Juifs étrangers, le même Laval intervenait auprès des ambassades des pays alliées du Reich, Roumanie, Hongrie, Bulgarie, Portugal, Turquie pour protéger leurs compatriotes. Cette protection sera inégale et n'empêchera finalement pas des Juifs roumains ou bulgares d'être arrêtés, déportés, gazés[43]. Laval engagea également à partir du 26 août 1942 des tractations avec les États-Unis, par le biais des Quakers. Il s'agissait des milliers d'enfants dont les parents sont déjà partis dans des camps. 350 enfants juifs sont exfiltrés aux États-Unis par les Quakers, mais un plan de sauvetage plus ambitieux échoua définitivement le 8 novembre 1942 avec l'arrivée des Allemands à Marseille. L'historien Michael R. Marrus a fait remarquer que si ce plan avait l'accord de Laval, Vichy avait également informé Berlin qui avait demandé à Laval l'assurance qu'un geste humanitaire ne fut pas exploité par la presse américaine contre la France et l'Allemagne[43].
Les « accords Oberg-Bousquet » avaient conduit à l'exécution par la police française de la rafle du Vel-d'Hiv et des rafles du mois d'août en zone Libre. À partir du mois de septembre 1942, l'attitude de Laval changea et il refusa de collaborer à des opérations collectives[45]. Dans ses pourparlers avec Oberg, Laval mit en avant « une résistance sans pareille de la part des églises pour demander aux Allemands de ne pas exiger la livraison du quota de Juifs prévu auparavant « il n'en va pas de la livraison des Juifs comme de la marchandise dans un Prisunic » [46]. Pour contourner la volonté du gouvernement de Vichy de ne pas livrer de Juifs français, les Allemands tentèrent d'obtenir la dénaturalisation des Juifs devenus français grâce à la loi du 10 août 1927. Cette demande allemande revint avec insistance au cours de l'année 1943, et Laval usa alors de toutes ses capacités de manœuvrier pour s'opposer à cette mesure[45]. Tentant d'interpréter cette fermeté face aux Allemands, Asher Cohen écrit « Laval devait trouver une bonne raison de résister à un ordre allemand pour améliorer son image de marque. Il n'était ni antisémite, ni philosémite, les Juifs ne l'intéressaient pas: seule sa survie politique comptait » [47]
Pour la seule année 1942, plus de 43 000 Juifs furent déportés, la plupart arrêtés par la police française. En août 1943, Laval refusa cependant de dénaturaliser les Juifs français, ce qui aurait permis aux Allemands leur déportation. 11 000 Juifs étrangers n’en furent pas moins déportés encore cette année-là, et 17 000 en 1944. 80 % d’entre eux furent été arrêtés par la police française."