Post Numéro: 7 de Tom 17 Avr 2012, 08:02
Bonjour à tous,
Cela fait longtemps que je ne suis pas intervenu sur ce forum et je n'ai pas voulu être le premier à parler ici de cette nouvelle polémique au sujet des Glières. En fait, bien que je ne l'aie jamais rencontré, je connais un peu Claude Barbier qui habite près de chez moi et avec qui j'ai correspondu un moment lorsqu'il m'a demandé des renseignements sur les Glières. Au départ, ayant tenté d'approcher de la vérité historique depuis 1996 sur mon site (mentionné ci-dessus par Daniel), j'étais plutôt d'accord avec lui pour remettre en cause le mythe d'une bataille épique (qui existe et perdure bel et bien) et chercher à "historiser" la Résistance comme disent les spécialistes.
Cependant, Claude Barbier, sans attendre la publication de sa thèse (que je n'ai pas encore pu lire), a récemment multiplié conférences publiques et déclarations à la presse, selon lesquelles, pour résumer, la bataille des Glières est une pure légende née en 1944 et qui persistait telle quelle dans absolument tous les esprits jusqu’à ce que, lui seul, Claude Barbier ait l’idée de consulter des « archives inexploitées » et de révéler enfin la vérité en 2012.
En réalité, si la légende, issue de la propagande de guerre et exaltée par le gaullisme dans les années soixante, se perpétue toujours, quoique de manière très atténuée, dans certaines publications et une partie du grand public, ceux qui s'intéressent de près à l'histoire des Glières savent, depuis au moins vingt ans (exactement depuis l’enquête de l’historien Alain Dalotel, publiée dans Le maquis des Glières, Plon, 1992), qu’il n’y a pas eu de grand combat entre les maquisards des Glières et les soldats allemands le 26 mars 1944.
De plus, parler, comme Maurice Schumann à la BBC en 1944, d’une bataille épique aux Glières, c’est glorifier la Résistance dans le cadre de la guerre psychologique des ondes, mais affirmer, comme Claude Barbier le déclare à la presse en 2012, qu’il ne s’est, en fait, rien passé, qu'il n'y a eu ni bataille ni affrontement et que les maquisards sont montés aux Glières pour se cacher, c’est dénigrer la Résistance, peut-être même avec une intention politique de circonstance, puisque le président de la République, en pleine campagne électorale, fait un pèlerinage annuel aux Glières…
Cela dit, d’une part, la journée du 26 mars 1944 aux Glières ne se limite pas à l’attaque allemande à Monthiévret comme le prétend Claude Barbier. En effet, après un bombardement aérien (qui avait commencé dès le 12 mars !) et un violent pilonnage d'artillerie la veille (qu’il ne faut pas oublier !), il y a d’abord eu, le matin, deux attaques des francs-gardes de la Milice française, toutes deux repoussées par les maquisards ; il y a ensuite eu, non pas une, mais deux attaques des chasseurs de montagne allemands, une en début de matinée (au Lavouillon), qui a été repoussée, et une autre en fin d'après-midi (à Monthiévret), lorsque les Allemands ont tourné la position des maquisards et sont parvenus, malgré la contre-attaque d'une sizaine, à les contraindre à se replier à la faveur de la nuit.
D’autre part, la bataille des Glières ne se réduit pas à la journée du 26 mars ; elle a, en fait, commencé dès le 5 février 1944 et s’est ensuite poursuivie contre les forces de l’ordre de Vichy (gardes mobiles, policiers et miliciens) qui encerclaient le plateau depuis le 13 février jusqu’à l’arrivée des Allemands le 24 mars.
En définitive, même s’ils n’ont perdu qu’une trentaine d’hommes dans la période des combats (par le message secret n° 1363/44 du 28 mars, le général Karl Pflaum, commandant les forces allemandes, indique que « les pertes ennemies se montent à quatre-vingt-huit prisonniers et trente-cinq morts »), les maquisards des Glières, en affrontant l’ennemi à visage découvert, ont montré aux Alliés que la Résistance était capable d'actions de grande envergure.
« On écrit depuis 67 ans que c'est pour recevoir des parachutages (d'armes par les Alliés) à Glières que les maquisards rejoignent le plateau. Dit ainsi, cela est faux. La raison première pour laquelle on rejoint Glières, c'est pour s'y cacher », assure Claude Barbier.
Pourtant, il est absolument incontestable que le capitaine Romans-Petit (organisateur de l'Armée secrète dans l'Ain et chef de l'A.S. en Haute-Savoie de fin novembre 1943 à début février 1944) a donné, fin janvier 1944, pour mission au lieutenant Tom Morel, chef des maquis de Haute-Savoie, de réceptionner les parachutages promis par les Anglais avec quelque deux cent cinquante hommes. En outre, le 31 janvier 1944, lorsque la Haute-Savoie est mise en état de siège par l'intendant de police Lelong, ce sont seulement trois camps A.S. (environ cent vingt hommes) qui montent (en colonne organisée et sur ordre) sur le plateau. Le 12 mars, arrivent encore plus de cent vingt hommes du Chablais et du Giffre (de nouveau en colonne et sur ordre, de même que les quatre-vingts F.T.P. montés précédemment), et c’est seulement le 18 mars que le bataillon des Glières atteindra son effectif définitif d’environ quatre cent cinquante hommes qui affronteront les miliciens français et les soldats allemands du 20 au 26 mars 1944.
Sachant que le plateau était encerclé par les forces de l’ordre depuis le 13 février, que les bombardements allemands avaient commencé le 12 mars, annonçant les troupes terrestres, on ne montait pas vraiment aux Glières pour se cacher !
Sur ce, je n’apprendrai à personne que l’histoire n’est pas une science exacte ; on se pose des questions, on établit des faits, on élabore des concepts, on applique une méthode, etc. mais il faut expliquer et interpréter… Au mieux, l’historien sérieux et honnête peut se montrer impartial, mais il est toujours influencé par son enracinement et son engagement…