Sata a écrit:Je rappelle que Pétain est un vieux de 80 ans quand on l'appelle au pouvoir: toute sa vie, les femmes ont été "inférieures" aux hommes. Ce serait totalement se remettre en question, pour lui, que d'accepter qu'une femme
peut travailler, se battre... et résister !
Bonsoir Sata,
Rassurez-vous ! Votre réflexion n'a rien d'un "raccourci". A ma connaissance la condition féminine sous Vichy a été très peu abordée par les historiens.
Après la Grande Guerre (14-18) le déficit de natalité était tel que les gouvernements de l'entre-deux-guerres incitèrent les femmes à rester au foyer et à fonder famille (nombreuse de préférence). Pour les y inciter, fut instauré, par exemple, l'octroi d'allocations familiales (en mars 1932) sans résultats. Evitons toutefois le hors-sujet. Pour en savoir plus, voir plus haut et revenons à Vichy.
A peine installé, à défaut de trône, sur son fauteuil capitonné de l'hôtel du Parc de Vichy, Pétain invente la devise "Travail, Famille, Patrie " : travail pour les hommes, famille pour les femmes et patrie pour tous. Pétain considère comme responsables de la dégénérescence et de la défaite de la France, les libertés acquises par les femmes et leur désertion du foyer pour cause de travail.
C'est ainsi que la loi du 11 octobre 1940 interdira le recrutement des femmes mariées dans la fonction publique et mettra à la retraite d'office les femmes de plus de 50 ans. Le retour de la femme au foyer fut l'une des préoccupations du régime. Le décalage entre le discours (dont la loi du 11 octobre 40) et la réalité quotidienne est tel que nous pourrions nous interroger sur le bien-fondé de cette loi.
Par exemple ! Comment assurer les besoins élémentaires de la famille lorsque le père est prisonnier de guerre en Allemagne. Le législateur y a songé : les mères de familles ayant au moins trois enfants et dont le mari ne peut subvenir aux besoins du ménage peuvent bénéficier d'une dérogation. Curieuse conception de la mère au foyer pour élever ses (au moins) trois enfants.
Dans la pratique : rien qu'aux PTT (services postaux) une première vague de 19.000 femmes seront licenciées. Il était évident - sauf pour les curistes aux eaux de Vichy - que l'application de la loi serait vouée à l'échec.
Par ailleurs, le projet d'un Commissariat à la famille, visant au retour général des femmes au foyer, est abandonné. Enfin, les dispositions restrictives de la loi seront abrogées en septembre 1942.
En l'absence des hommes prisonniers de guerre ou requis au STO, la main d'oeuvre féminine est devenue indispensable au fonctionnement de l'économie. En fin de compte les femmes seront plus nombreuses à exercer un métier en 1943 qu'en 1940.
Une curiosité tout de même : Le projet de loi constitutionnelle du 30 janvier 1944. Ce projet de constitution, signé par Pétain, ne fut cependant pas promulgué. Il accordait le droit de vote aux femmes et leur éligibilité à certaines fonctions.
Extrait de ce projet de loi :
Titre II - La fonction législative
Le suffrage
Article 21.
1° Sont électeurs aux assemblées nationales les Français et Françaises nés de père français, âgés de vingt et un ans, jouissant de leurs droits civils et politiques. Sont éligibles aux mêmes assemblées les Français nés de père français, âgés de vingt-cinq ans, jouissant de leurs droits civils et politiques.
2° La loi fixe les autres conditions de l'électorat et de l'éligibilité.
Elle institue le vote familial sur la base suivante : le père ou, éventuellement, la mère, chef de famille de trois enfants et plus, a droit à un double suffrage.
3° Le vote est secret.
4° Les règles ci-dessus, relatives à l'électorat et à l'éligibilité, sont applicables aux élections des conseils provinciaux, départementaux et municipaux. Les Françaises, nées de père français, âgées de vingt-cinq ans, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont éligibles à ces conseils.
Le général de Gaulle aurait-il eu vent du projet de loi constitutionnelle instituant le droit de vote pour les femmes ? Toujours est-il que le droit de vote est accordé aux femmes par le GPRF, siégeant à Alger, en date du 21 avril 1944, confirmé par l'ordonnance du 5 octobre 44.
Cdlt, Francis.