Post Numéro: 37 de François Delpla 18 Mar 2012, 09:12
Je crois que là encore il ne faut pas sous-estimer Churchill, et que Hitler le fait moins que tout autre, du moins à partir du moment où il le trouve vraiment en travers de son chemin, c'est-à-dire de la mi-mai 40. C'est un tel exploit, d'entraver la marche triomphale de l'Allemagne à cette date en maintenant l'état de guerre, que Hitler situe là SON ennemi, juif comme il se doit, et n'en démordra plus jamais.
La catastrophe est d'autant plus absolue que l'Allemagne, je crois que nous en sommes tous d'accord, ne s'est pas préparée pour une longue guerre d'attrition. Ce n'était pas une erreur, pas plus que de ménager dans les années 30 la puissance navale anglaise en n'augmentant que modérément l'allemande : c'était une voie de passage obligée. Pour en finir définitivement avec l'ordre versaillais, rien d'autre à faire qu'une série de guerres courtes, avant peut-être d'en faire une longue contre la seule URSS si Staline refuse de céder son empire par petits bouts. Une guerre qui ne se conçoit que si, dans le dos de l'Allemagne, les puissances occidentales sont complices ou solidement résignées.
Cela n'aurait donc strictement aucun sens, pour Hitler, de taper de toutes ses forces sur l'Angleterre. Même l'occupation intégrale des îles Britanniques ne signifierait pas à coup sûr la chute de Churchill et la paix. Il le répète dans ses discours depuis le 4 juin et il a l'air de faire avaler cela aux Communes comme aux Dominions.
La seule stratégie possible à l'égard du Commonwealth est donc celle que Hitler pratique d'évidence entre les deux 22 juin (40 et 41) : menacer surtout, taper un peu et par à-coups, faire peu à peu comprendre que sa vocation est à l'est et que les classes dirigeantes britanniques sont traîtresses à elles-mêmes en ne subventionnant pas le gladiateur qui va les débarrasser du cauchemar qui les hante depuis 1917.
Il y aurait une alternative et une seule : se rapprocher plus encore de Staline en un mariage de raison présenté comme définitif, et défier le monde à partir d'un bloc "révolutionnaire" national-socialiste-communiste. Bof ! Ce serait tournebouler les cerveaux de la jeunesse allemande, si bien formés à l'anticommunisme, à l'antislavisme et à l'infaillibilité d'un Führer que la Providence semblait faire voler de succès en succès, pour un profit bien aléatoire, le bloc anglo-saxon, renforcé des colonies françaises infailliblement dissidentes, ayant tout son temps pour assiéger cet empire continental privé de mers et de commerce.
Ce qui tranche en définitive c'est la folie hitlérienne : il a un pacte avec la Providence pour établir enfin la primauté mondiale de la race aryenne, cela a failli marcher, cela doit finir par marcher, un replâtrage de la mission en s'alliant avec des inférieurs contre une partie des supérieurs porterait, au contraire, malheur.