Bonjour à tous,
De l’excellent ouvrage de Hannah Arendt « Responsabilité et jugement » Petite Bibliothèque Payot (2010) page 71, je retire deux citations effrayantes qui personnellement m’interpellent au plus haut point :
1. « (…) il devient vrai (…) que tous les accusés des procès d’après-guerre ont dit pour s’excuser : si je ne l’avais pas fait, quelqu’un d’autre aurait pu le faire et l’aurait fait. »
2. « N’importe qui d’autre (que Hitler), de haut en bas, qui avait quoi que ce soit à voir avec les affaires publiques était en fait un rouage, qu’il l’ait su ou non »
Parmi les nombreuses définitions du mot « rouage », j’ai trouvé celle-ci : « chacune des pièces qui concourent au fonctionnement d’une machine », et j’y ajoute, parce que cela me semble sous-entendu : « pièce qui peut être remplacée à tout moment si elle est jugée défectueuse ».
Quelques pistes de réflexion personnelles pour amorcer le débat :
- dans un régime démocratique, dans son principe, on fait appel aux « compétences » ; dans un régime totalitaire, c’est superflu ; chacun peut faire n’importe quoi ; on lui demande seulement « d’être aux ordres », et d'exécuter les ordres
- dans un régime totalitaire, « on n’est pas là pour penser », et même, « on ne peut pas penser » (thème cher à Hannah Arendt, qui en fait son véritable « cheval de bataille » dans tous ses livres),
- dans le régime nazi, tout criminel peut se croire indispensable au « bon fonctionnement de la machine » ; en fait, il ne l’est pas et peut être éjecté à tout moment,
- a contrario, pour être sûr de rester à son poste, il va, avec zèle, tout faire pour « dépasser » les ordres, ce qui, généralement, sera apprécié par ses supérieurs hiérarchiques,
- après guerre, tout criminel sort cet argument piteux (voir 1) qui lui permet de se défausser individuellement puisque, à ses yeux, tout autre que lui aurait pu réaliser ce qu’il a fait lui-même
Pour résumer la question, tout responsable nazi, en dehors du chef, n'est-il pas un "rouage" ?