Post Numéro: 18 de Nicolas Bernard 26 Oct 2011, 20:06
C'est exact, Churchill le reconnaît d'ailleurs dans ses Mémoires. Mais cette proposition découle de l'insistance de Staline à revendiquer un tracé frontalier prenant acte des annexions soviétiques de septembre 1939. Les discussions prenaient même un tour venimeux, Anthony Eden déclarant carrément que les Soviétiques voulaient revenir à la "ligne Ribbentrop-Molotov". Molotov avait répliqué, non sans exagération, que la proposition de Staline correspondait au concept de la ligne Curzon. Churchill, pour apaiser le débat, a donc repris l'idée à son compte, et préconisé, en contrepartie, d'avancer la frontière germano-polonaise vers l'Ouest, plus exactement vers l'Oder.
Roosevelt, de son côté, a également approuvé l'idée d'un réaménagement des frontières soviéto-polonaises au cours d'un entretien privé avec Staline, sans aller jusqu'à évoquer la ligne Curzon (Dennis J. Dunn, Caught between Roosevelt and Stalin. America's ambassadors to Moscow, Univ. Press of Kentucky, 1998, p. 237).
Le fait était si acquis pour les dirigeants russes que lorsque les Occidentaux vont faire mine de renâcler (mais seulement faire mine), Molotov (enfin, Staline) saura leur rappeler leur promesse par courrier diplomatique du 23 mars 1944, confirmant que l'accord entourant la ligne Curzon a été obtenu à Téhéran (message reproduit dans Correspondence between Stalin, Roosevelt, Truman, Churchill and Attlee during World War II, Univ. Press of the Pacific, 2001, p. 133). C'était sans doute exagérer la portée des acceptations de Churchill et Roosevelt, mais toujours est-il qu'ils n'avaient guère désapprouvé l'idée.
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).