Post Numéro: 20 de Colombe 22 Avr 2006, 21:32
Bonjour
Dans la section "télévision" j'ai signalé une émission consacrée à l'épuration sur France 5 intitulée "fallait-il exécuter Brasillach".
Suite à l'émission, j'ai fait une recherche sur le forum avec le mot épuration et je suis tombée sur ce fil très intéressant. J'ai particulièrement apprécié le message initial et celui où Raca donne des chiffres tirés d'un ouvrage d'Amouroux et qui collent fort bien avec ceux que je viens de noter pendant l'émission (ils ont été donnés 2 fois) :
6800 peines de morts prononcées par les tribunaux dont plus de 4000 par contumasse et 767 exécutions effectives. Les intervenants ont également mentionné le nombre de 1500 exécutions au total (incluant les 767 pré-citées donc) incluant des peines prononcées par cour martiale. Mais j'avoue que je n'ai pas très bien compris ce que recouvrait exactement ce dernier nombre.
30.000 peines de prison prononcées.
14.000 peines de travaux forcés.
Le nombre de 20.000 femmes tondues a également été cité.
Les intervenants (journalistes et historiens) ont expliqué que le "travail" d'épuration était tel, tellement urgent (pour mettre fin aux exécutions sommaires) et tellement délicat qu'il a concerné en priorité des personnes pour lesquelles il était facile de regrouper des preuves immédiates évidentes et cela explique qu'elle a tout d'abord concerné plus d'intellectuels que d'industriels pour lesquels il était facile de rassembler des écrits. Brasillach était un excellent exemple de cela puisqu'il écrivait quotidiennement (?) des horreurs dans les journeaux collaborationnistes de l'époque.
Refaire le procès de quelqu'un(e) et se demander 60 ans plus tard si la sentence était juste ne présente pas de réel intérêt et surtout a très peu de sens à mon avis. On n'est plus dans le contexte de l'époque, on possède beaucoup (trop) de recul, etc...
Cependant, le cas de Brasillach est effectivement très intéressant à citer pour de multiples raisons notamment pour son statut d'intellectuel et écrivain brillant mais aussi parce que, concrètement, cet homme n'a pas de sang sur les mains, "juste" de l'encre sur les doigts. J'insiste bien sur les guillemets au mot "juste" car ce sont bel et bien ses écrits de journaliste (et non d'écrivain) qui lui ont valu d'être condamné à mort (d'ailleurs assez rapidement) par un tribunal populaire et exécuté, Charles de Gaulle ayant refusé de le gracier malgré, notamment, une pétition à son sujet signée par des intellectuels et/ou résistants tels que :
- Marcel Aymé
- Jean Cocteau
- François Mauriac que Brasillach détestait et qu'il surnommait "le vieil oiseau croassant" à cause de son cancer de la gorge. J'ai déjà eu l'occasion de transmettre hier un message dans lequel il était surnommé "Saint François des Assises" par le Figaro car, par conviction catholique notamment, il a pris la défense de plusieurs collaborationnistes.
- Camus a signé "par principe" par conviction anti peine de mort.
Simone de Beauvoir (qui était présente au procès) et Jean-Paul Sartre ont refusé de signer la pétition au nom de la "force de la responsabilité de l'écrivain et parce que, selon Sartre, un écrivain doit être prêt à mourir pour ses écrits... Sans compter leurs sympathies communistes. Le parti était en effet inflexible quant à l'élimination des ennemis d'extrême droite et c'est au nom de cette ligne que des personnalités telles que Picasso, Eluard ou Aragon ont refusé de signer la pétition.
Quant à de Gaulle, il a expliqué dans ces mémoires qu'il avait toujours gracié les condamnés à mort n'ayant pas de sang sur les mains à une exception près (sans la nommer mais la référence à Brasillach est évidente) et expliquant que dans le cas précis, le talent littéraire avait été une "circonstance agravante"...
Tout ce qui précède est tiré des notes que j'ai prises lors de l'émission et, à entendre certains passages des articles de Brasillach on peut comprendre que dans le contexte historique qui était celui de la collaboration, certains mots tuent autant que des armes (appel au meurtre, à la délation, citations nominatives et adresses de juifs "cachés", sous entendus très clairs sur le sort à réserver aux enfants, etc., etc;). On peut donc également comprendre que dans le contexte de l'épuration, le sort de Brasillach a été rapidement scellé même si d'autres ont échappé à la peine de mort ou ont été graciés... à commencer par Philippe Pétain !
Je ne comprends donc pas certains messages de ce fil le désignant comme un "bouc émissaire" de l'épuration. Il me semble au contraire qu'il a bénéficié (outre du même avocat que Brasillach) d'une certaine clémence voire d'une clémence certaine.
Bonne soirée
Cécile
PS : il y a 2 poèmes de Brasillach écrits lors de son incarcération à Fresnes et quelques liens sur lui dans le fil "poèmes sur la guerre" (page 4 je crois) de la section "paroles de guitoune"
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