- Code: Tout sélectionner
« Oui, j’ai vécu une année dans les pires conditions à Treblinka. Après le soulèvement du camp, j’ai erré pendant deux mois avant de rejoindre Piastow. Ensuite, après l’insurrection de Varsovie, j’ai passé trois mois et demi dans un bunker de la capitale, jusqu’à ce que je sois libéré le 17 janvier 1945.
Oui, j’ai survécu et je suis libre, mais à quoi bon ? Je me le demande souvent. Pour raconter l'assassinat de millions de victimes innocentes, pour témoigner d’un sang innocent, versé par ces assassins.
Oui, j’ai survécu pour témoigner de ce grand abattoir : Treblinka. »
C’est en ces termes que Chil Rajchman met fin à son témoignage, à ce voyage au bout de l’horreur au cours duquel il nous guide depuis sa montée dans le wagon à bestiaux de la déportation jusqu’à la rampe d’arrivée à Treblinka, de sa sélection pour travailler dans le camp n° 1, où sont triés les effets des victimes, jusqu’à l’horreur des chambres à gaz, des fosses puis des fours qu’il verra au plus près suite à son intégration au Sonderkommando du camp n° 2… Il nous parle aussi de la révolte du camp, de sa fuite éperdue en compagnie d’un compagnon d’infortune et la main tendue d’un paysan polonais qui le cache, lui sauvant la vie…
Au-delà du témoignage, ce livre nous dévoile les processus d’extermination au cœur même d’un des centres les plus meurtriers de l’Action Reinhardt (on estime qu’à Treblinka plus de 750 000 hommes, femmes et enfants ont péri en à peine 20 mois de fonctionnement), les stratégies de survie de ceux qui sont sélectionnés pour le travail forcé, le désespoir et les suicides des internés qui ne supportent plus la proximité du malheur, la bêtise et le sadisme des bourreaux…
Un livre qui plonge le lecteur au cœur de la Solution finale et qui signe la plus grande victoire d’un homme voué à l’extermination : ayant survécu, Chil Rajchman a témoigné sa vie durant pour les millions qui sont morts assassinés, luttant ainsi contre l’oubli et le négationnisme…
Annette Wieviorka, Directrice de recherche au CNRS a écrit:« Pendant toutes les années où Chil Rajchman conta son histoire, son manuscrit ne fut pas rendu public. Il l’est aujourd’hui, alors que son auteur n’est plus parmi nous. L’acuité et la crudité de la description, la violence d’un récit exempt de la stéréotypie que l’on trouve parfois dans les récits tardifs des survivants, devrait faire entrer cet ouvrage dans le canon des grands textes de la littérature du désastre. »