PIERRE.S a écrit:
Un APN ou un scanner peut avantageusement soulager les deux doigts...
A+,
Pierre
bonjour,
avec 2 doigts.
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peu de témoignages ou d'ouvrage qui parle de ce retour ou plutôt de l'après-retour, qui est loin de s'être passé dans les meilleurs conditions pour beaucoup.
..........en arrivant en France, nous ne sommes pas tout à fait libérées du camp, nous resterons pendant quelques années entre deux mondes qui s'affrontent en nous.
dans cet univers d'incertitude et de ténèbres, aussi irréellement atroce qu'un cauchemar; les points de repères dans l'espace et dans le temps ont manqué et manquent encore; c'est au péril de leur vie que certains ont conservé une montre, noté une date, consulté une carte..
il y a 9 ans que le dernier camp de concentration a ouvert ses portes, depuis 9 ans cet " autre monde " a cessé de découper sa masse dans l'espace réel pour se profiler parmi les " fantômes de la dimension historique " , sans armes et bagages, nu comme ces morts.
Germaine Tillon - 1954
par-dessus tout, c'est un monde dépourvu de sens, l'impression d'avoir rencontré l' absurde.
Marinette D., 1946.
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Micheline M... du réseau Périclès,( formation des cadres du maquis )qui eu des vertèbres cassées lors d'un interrogatoire, a vu son fils âgé de 16ans, arrêté en même temps qu'elle, et son mari quelques heures après. A son retour elle apprend qu'ils sont mort à Dachau et Neuengamme, sa réaction est une sorte de mort affective :
..Pour ma part, pendant des années, je vais rester d'une insensibilité totale à tout ce qui se passe autour de moi. J'aurai voulu chasser cette chose morte qui m'habitait; un jour, sur le quai du métro, un homme jeune s'est jeté sous la rame du métro qui entrait en gare. Je n'ai pas ressenti la moindre émotion, je suis allée m'asseoir sur un banc et la tête dans les mains je réfléchissait à ce qui m'arrivait.
Un voyageur, se méprenant sur mes sentiments, m'offrait son assistance. Quelle tête aurait-il fait si je lui avait dit la vérité ?
En revanche, la moindre scène de violence me révoltait, j'étais toujours du côté du battu et la moindre gentillesse me comblait, nous comblait devrais-je dire pour en avoir parlé avec bien des camarades.
cette liberté retrouvée et si chèrement acquise a fait de nous des êtres très différents de ce qu'ils étaient avant.
Parmi mes camarades de réseau, ceux qui ont connu la captivité ont les mêmes réactions que moi. Souvent au cours de réunions amicales qui furent nombreuses, au retour, après avoir écouté les récits de ceux qui ne connurent pas l'exil et purent vivre et combattre jusqu'au bout, une barrière s'élevait entre eux et nous.
Nous formions deux clans. Un mot avait fait lever une image et les ex-bagnards étaient repartis vers ceux qu'ils n'avaient pas su, pas pu ramener.
Mais après la joie et l'émerveillement de la libération, de nombreuses épreuves attendent la plupart d'entre-nous. Quand une séparation est trop longue, il se fait dans le temps un découpage si maladroit, que lorsque l'on veut rapprocher les deux tronçons ils ne se raccordent pas.
Dans certains milieux, nous disaient une assistante sociale, être arrêté, aller en prison représente quelque chose de honteux, et de citer le cas d'une jeune fille, qui à son retour de déportation, fut
" littéralement foutue dehors " par ses parents.
Une de nos camarades nous dit que son mari avait été abreuvé de griefs par sa mère, et que cette dernière l'avait convaincu et mon fils également que ce qui lui était arrivé était bien fait pour elle; on avait pris le parti de ne plus espérer mon retour.
ou cette jeune fille, qui à son retour s'entend dire cette remarque par sa future belle-mère,
" dans notre famille, on accueille pas volontiers des rescapées de Ravensbrück "
bien entendu le mariage a été annulé.
je passe sur de sordides affaires d'héritage ou de biens donnés.
il y a aussi la déception profonde de ceux qui sont accueillis en gêneurs par ceux qui ont pris leur suite.
l'une d'entre-nous s'entend dire et puis si tu as été arrêtée, c'est bien ta faute, par celle là même dont l'imprudence avait été la cause de son arrestation.
plus tard en lisant un livre édité par son réseau, elle s'aperçoit que le vaste travail réalisé par elle même et par quelques camarades, avait été entièrement attribué à cette jeune femme.
A la question, pourquoi as-tu laissé écrire cela, on lui répond
mais on était persuadé que vous autres les déportés, ne reviendriez pas.
d'autres remarques, comme celle de cette infirmière
mais vous n'êtes pas toutes tondues
ou celle d'un médecin-chef à une camarade mourante
ici, nous ne sommes pas un asile d'incurables
etc....
Les Françaises à Ravensbrück
l'Amicale de Ravensbrück
L'Association des Déportés et Internés de la résistance.
Denoël Gonthier 1971