Post Numéro: 3 de Signal 28 Jan 2010, 23:18
Comme dans tout mouvement de résistance, les motivations sont aussi diverses que variées.
En Allemagne, la situation est particulièrement compliquée, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de s'attaquer à son propre Etat (Etat : dirigeants, pas pays, c'est différent).
Pour le cas particulier du 20 juillet, ces hommes sont les descendants des comploteurs de 1938, qui voulaient arrêter Hitler après l'attaque de la Tchécoslovaquie. Munich a anéanti leurs espoirs. Ensuite, Hitler a accumulé les victoires militaires. Pour des nationalistes qui croient en la grandeur de l'Allemagne, formés durant la Première Guerre mondiale et avant, à une époque où l'Allemagne était un puissant empire reconnu de tous, c'est une excellente chose. Mais le fait même qu'ils aient connu la Première Guerre et ses conséquences leur montre que l'Allemagne ne peut pas vaincre l'ensemble des occidentaux, surtout à partir du moment où l'Angleterre refuse de plier. Les Etats-Unis entreront tôt ou tard dans le conflit et ce sera la fin de l'Allemagne. Or avec Hitler au pouvoir, on peut s'attendre à ce que la guerre aille jusqu'au bout, jusqu'à la destruction totale du pays. Et ça nos militaires le redoutent par dessus tout.
Donc d'un côté, nos militaires sont des nationalistes qui veulent protéger à tout prix leur Heimat des rigueurs d'une guerre longue. Si Hitler leur permet de déchirer le traité de Versailles et de rendre sa grandeur à l'Allemagne très bien. Qu'il s'engage dans des folies à l'Est, c'est beaucoup plus discutable et là il devient dangereux pour le pays.
Après ça on entre dans le politique, lié dans l'esprit de l'époque à l'antisémitisme. Ne nous leurons pas, ces généraux de la vieille école sont furieusement anticommunistes et pour la plupart antisémites bon teint. Nombre d'entre eux (Stauffenberg compris) ont suivi Hitler lors des premières années de la guerre, applaudissant à ses victoires. Avant guerre ils n'ont pas non plus bougé lorsque la dictature s'est installée et que les camps se sont ouverts. Après tout Herr Hitler a remis le pays au travail et a suivi les plans de restructuration de l'armée élaborés en secret dans les années 20. Il a redonné de l'éclat au pays, pourquoi s'en prendre à lui ? Et surtout il le protège contre la menace révolutionnaire rouge, endémique sous la République de Weimar.
Si nombre de ces hommes ont été horrifiés par les crimes commis à l'Est, ce n'est pas obligatoirement pour le fait du meurtre même, c'est aussi à cause des moyens employés. Les balles usent du temps, de l'argent, et des hommes qui seraient mieux employés ailleurs. D'autre part, il s'agit de tuer des civils désarmés, ce qui pour un militaire est déshonorant. Une part des conjurés a donc pu se révolter contre ces massacres, mais pas obligatoirement contre le principe de l'antisémitisme en lui-même. C'est un peu comme aujourd'hui quand un politique parle des "racailles" des banlieues en pensant les mettre au pas, il ne pense pas obligatoirement à leur extermination totale. Le fonctionnement est le même pour nos généraux.
Bonne soirée,
Seb.