Post Numéro: 67 de 13emeDBLE 27 Nov 2009, 15:35
Bonjour,
En vous lisant, je pense qu'il y a un malentendu et que dans le "feu de l'action" je me suis mal exprimé sur cette question qui vous tient à coeur.
Que Rommel et Kesselring se soient accrochés après la chute de Tobrouk est vraisemblable (c'est d'ailleurs fréquent entre eux vu qu'ils ne se supportent pas). Mais lorsqu'ils se parlent fin juin 42, il est déjà trop tard pour lancer Herkules :
- la bataille de Gazala a duré trop longtemps et a engendré trop de pertes ;
- Malte est renforcée et dispose de plusieurs dizaines de Spitfires, régulièrement renforcés, et tout est à recommencer en terme de supériorité aérienne ;
D'ailleurs, pour aller au bout des choses, c'est dès le 15 juin que Hitler annonce qu'il n'est plus convaincu de la nécessité d'attaquer Malte (donc avant l'entrevue dont vous parlez, ou avant même la chute de Tobrouk). On pourrait gloser sur le fait de savoir s'il ne l'a jamais été, certes, mais le fait est là, le décalage de l'attaque de malte au profit de la poursuite vers l'Egypte commence à cette date...
J'ai conscience que ma position contredit la plupart des écrits des historiens (qui se citent souvent entre eux d'ailleurs) depuis la fin de la guerre, mais d'une part, il convient de prendre avec une certaine distance les écrits rédigés dans les années 50 ou 60, qui datent un peu aujourd'hui, et d'autre part, les archives accessibles démontrent clairement, à mon humble avis, que c'est fin avril 42 que cela se joue (voire avant).
ET si Kesselring a tenté dans ses mémoires de se donner le beau rôle en "chargeant" Rommel (et accessoirement Hitler), les documents rédigés à l'époque montrent qu'il n'a pas vraiment lutté contre la reconciation à l'attaque sur Malte (attaque d'abord décalée à la mi-juillet le 30 avril, puis repoussée à une date non précisée mi-juin, puis abandonnée mi-août).
J'ajouterai sur la responsabilité de Kesselring dans ce renoncement, qu'il a attaqué trop vite Malte au printemps 1942, alors que les objectifs n'étaient pas fixés (ce qui amène les Alliés à renforcer dès le 10 mai leurs défenses avec l'envoi de plus de 60 Spitfires), et que le nouveau Blitz sur Malte de l'été 42 sera un échec. Il est donc à mon sens un peu facile de tout rejeter sur Rommel, qui n'a fait que jouer sa carte "à fond" (ce qui n'est pas étonnant pour ceux qui connaissent le personnage).
Si je sais que la critique est facile 60 ans après, je peux même ajouter qu'il eut mieux valu ne déclencher le Blitz sur Malte qu'une fois les forces d'assaut amphibie prêtes ou au moins rassemblées pour un coup de force (et non une attaque de grand style comme les italiens la prépare, avec l'aide technique d'une mission japonaise d'ailleurs). Rien ne servait d'aller trop vite dès mars 42, de "faire la brêche" si aucune exploitation n'est prévue (c'est une vieille règle de poliorcétique parfaitement applicable au siège de Malte). Comparons donc Kesselring à Cunningham un an avant, qui limite les attaques des convois italiens depuis Malte, en les proportionnant au renforcement des défenses, afin d'éviter de déclencher une réaction de l'ennemi avant d'être en mesure d'y faire face.
Cette comparaison démontre clairement qu'en Méditerranée et en Afrique, avec ou sans Rommel, l'Axe ne maîtrise pas "l'échelle" stratégique (au sens de niveau de réflexion, de décision et d'action), au contraire des Alliés.
Bref, j'espère vous avoir fait réaliser qu'il faut impérativement aujourd'hui, grâce aux informations nouvelles tirées des archives, replacer les évènements dans leur contexte, et cela enlève dès lors beaucoup d'importance à cette entrevue "mythique", qui ratifie des choix déjà faits à un autre niveau...
D'ailleurs, ce que Kesselring oublie de dire, c'est qu'à la suite de cet entretien plus ou moins "orageux" avec le renard du désert, il lance sans barguigner ses Staffel à l'assaut de l'Egypte. Les italiens ne sont d'ailleurs pas en reste.
Ceci dit, je n'oblige personne à suivre mes analyses.
Et surtout, la question de Malte nécessite une réflexion, en repartant de 1940, sur les transports maritimes italiens (et le tonnage disponible et perdu), les infrastructures portuaires en Libye, les réserves et stocks de l'île, les moyens des deux camps, etc....
D'ailleurs, vu la situation de Malte juste avant Pédestal, on peut se demander si un assaut amphibie était vraiment nécessaire, et si un autre emploi des forces aériennes de l'Axe n'aurait pas été plus efficace pour faire tomber l'île forteresse... je n'en dirais pas plus, car je pense qu'il y a là matière à un vrai débat sur la question...
Cordialement,
CM