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Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Dans cette rubrique vous trouverez tout ce qui concerne les grandes unités combattantes de la seconde guerre mondiale, tant du côté allié que de celui des forces de l'axe. Divisions d'infanterie, de paras, de blindés, de la légion, des waffen SS,etc..c'est ici qu'on en parle!
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Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 22 Juil 2009, 22:20

Bonsoir à tous !

Pour ceux qui aiment lire, voici un petit topo sur le 2ème Cuirs en 1940, tiré du mémoire de votre serviteur bien sûr, mais je ne vais pas garder ça pour moi...

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Le 2ème Régiment de Cuirassiers dans la Campagne de France

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Nous allons aborder ici l’élaboration de toute pièce du 2ème Régiment de Cuirassiers, avec à sa tête le lieutenant-colonel Touzet du Vigier qui le conduira dans la campagne de France, puis nous retracerons son parcours durant cette même campagne au sein de la 3e DLM et du Corps de Cavalerie. Cet essai provient d’un mémoire réalisé sur le général Touzet du Vigier, il en est donc l’élément central.

La formation du régiment jusqu’à l’entrée en Belgique…

Le 2ème régiment de Cuirassiers, officiellement créé le 1er février 1940, fait partie, comme nous l’avons vu, de la 3e DLM. C’est une des unités qui la constitue et comme toutes les unités au sein de cette division à l’exception du 11ème RDP qui était en réserve générale, elle fut créée de toute pièce. Nous allons donc voir dans le détail comment se déroula cette formation, et ainsi étudier le déroulement et les étapes de la création de cette unité de type nouveau. Les journaux tenus par certains officiers, des témoignages divers permettent ici d’apporter une vision de l’intérieur dans ce processus auquel participa activement l’ancien instructeur du Vigier.

Dès l’hiver 1939-1940, avant même que la création de la division soit annoncée par le ministère de la Guerre, l’objectif premier est de rassembler des spécialistes des divisions légères mécaniques. Des officiers de l’Ecole de Cavalerie sont donc désignés, des officiers puisés dans les DLM déjà existantes également, ou bien ayant fait la promotion de la Cavalerie mécanisée dans les années 1930, comme Touzet du Vigier. Ce dernier est alors au 3e bureau du Corps de Cavalerie depuis la mobilisation et se trouve muté au Centre d’Organisation Mécanique de la Cavalerie de Fontevrault. Ce centre formait les régiments de combat des DLM, et sera il présent aux côtés des élèves officiers de l’Ecole de Cavalerie en juin 1940 dans la défense de la Loire. Parallèlement, on peut citer, pour ne pas les confondre, les Centres identiques qui formèrent également des unités de DLM, le centre d’Angers pour les Dragons Portés et celui de Montlhéry, essentiellement pour les automitrailleuses de découverte. Les témoignages et les JMO nous apportent des informations sur la constitution du régiment. Celui-ci est formé d’un état-major, d’un escadron hors rang et de deux groupes d’escadrons à deux escadrons chacun. Le 2ème régiment de Cuirassiers s’insère dès sa création dans la 5e Brigade Légère Mécanique commandée par le général de La Font, elle-même présente au sein de la 3e DLM commandée par le général Langlois.

Les sous-officiers et les effectifs du 2ème Cuirassiers sont issus des dépôts de Cavalerie de Reims, Lunéville, Saint-Germain, Saint-Omer et Angers. Malgré la volonté de rassembler des spécialistes comme nous l’avons vu plus haut, la qualité des effectifs dans son ensemble ne correspond en rien à l’origine à une unité mécanisée. Les sous-officiers d’active ou de réserve ainsi que la troupe sont pour la plupart des cavaliers que l’on a formés, « motorisés » en peu de temps sur du matériel insuffisant. Bref, l’instruction n’a été que théorique pour beaucoup. Tout est donc encore à faire pour leur officier commandant, afin de les transformer en une puissante unité. Quelques uns de ces hommes sont cependant passés par des régiments motorisés et savent conduire les chars en dotation dans la Cavalerie. Pour pallier le manque d’expérience, un quota d’un sous-officier spécialiste de carrière par peloton est recherché afin de renforcer l’encadrement de l’instruction et dans l’optique du combat, d’être « l’ancien » permettant de soutenir le moral. Ces hommes connaissent bien le matériel mais n’ont pas assez d’autorité ni de capacité de commandement selon le Ss-Lt Pierre Chenu , qui précise cependant que cela n’influe pas sur la discipline et l’esprit général de la troupe. Un autre des officiers du régiment, le lieutenant Vié, qui commande le 4e escadron, rapporte que les premiers jours du régiment furent durs . En effet le 2ème Cuirassiers est amené à stationner dans la région de Saumur, « dans des cantonnements bien médiocres, par un hiver particulièrement rigoureux ». Un rapport signale que les baraquements sont inexistants jusque janvier . L’unité se forme, reçoit son matériel, sur lesquels nous reviendrons, constitué de chars, de voitures, de motos. Le lieutenant Vié poursuit son récit quant à cette période : « l’instruction marche à plein rendement malgré de grosses difficultés de terrain et de température ; mais grâce à l’effort de chacun le régiment prend rapidement tournure ». Pour cette même période de janvier à février 1940, le témoignage du Ss-Lt Chenu , alors officier adjoint au chef du 2ème Groupe d’escadrons, nous offre une vision plus marquée de la température qui règne, tant sur le plan climatique que sur le plan du moral, au régiment : « Je passe trois semaines à Turquant – c’est là qu’est cantonné le PC du Groupe d’escadrons – n’ayant pas grand-chose à faire, un froid noir (-10 à -14 pendant dix jours), chambre de paysan glacée et sans feu. Quelques missions à Paris pour aller prendre livraison de véhicules destinés à la brigade m’occupent un peu. » Nous pouvons donc voir ici que l’ambiance dans laquelle se créée le régiment que Touzet du Vigier sera amené à conduire au combat est des plus rudes, du point de vue climatique particulièrement, des mesures pour remédier au froid étant exceptionnellement prises . Mais on peut également remarquer dans le témoignage du Ss-Lt Chenu, une certaine déprime, sans doute un effet « drôle de guerre » que les effectifs vivent depuis la mobilisation. L’attente au sein des dépôts de Cavalerie depuis des mois et la formation du régiment dans des conditions difficiles nuit au moral de la troupe. Mais ce sentiment s’estompera vite par l’instruction soutenue jusqu’à l’entrée en campagne. En fin de février « tous savent conduire le char et tirent passablement au canon et à la mitrailleuse » rapporte le Ss-Lt Chenu. La seule fausse note dans l’instruction alors que le départ pour Sissonne est imminent, est que les équipes d’entretien n’ont pu recevoir l’instruction dont il est question, ceci faute de temps. Cette lacune aura des répercussions plutôt graves en Belgique comme nous le verrons car elle révélera l’absence d’équipages de remplacement expérimentés, au moment où il faudra combler les trous faits dans les rangs par les permissionnaires qui n’ont pu rejoindre leur unité.

Le 28 février, la formation est terminée, l’état-major est constitué, les régiments au complet ont touché leur équipement qui est neuf ainsi que leur matériel qui sort d’usine et qui est à peine rodé. Alors commence la période d’instruction au combat qui fait du 2ème Cuirassiers et de toute la 3ème DLM une exception dans l’armée française en 1940, puisqu’ils s’entraînèrent activement jusqu’à l’entrée en Belgique. Cette instruction poussée et intense annula pour ainsi dire l’effet « drôle de guerre » qui toucha la majeure partie des troupes en 1939-1940 et qui avait déjà commencé à les atteindre dans l’hiver 1939-1940, comme nous l’avons vu précédemment. Du 2 mars, date à laquelle arrive les unités, jusqu’au 7 avril, le 2ème Cuirassiers s’entraîne donc au camp de Sissonne sous la direction très présente de son chef, et aux côtés de l’autre régiment de combat de la division, le 1er Cuirassiers. Les autres unités de la division cantonnent aux alentours et l’instruction est faite sous le commandement du Corps de Cavalerie. Le lieutenant Vié rapporte que cette période fut beaucoup plus clémente que la précédente dans son récit : « Le temps est magnifique, les terrains excellents, les manœuvres, les tirs, les exercices de cadre se succèdent. Tout le monde est heureux. Les chefs de pouvoir exercer leur commandement avec l’espace nécessaire, les équipages de pouvoir travailler en terrain varié. En fin de séjour, le régiment est magnifique. […] les équipages ont une tenue remarquable, le moral de tous est très élevé. » On constate donc que l’instruction avance rapidement, et dans de bonnes conditions. Ceci aura une importance considérable quand leur commandant les emmènera au combat en Belgique, notamment en matière d’endurance. A Sissonne, Du Vigier peut mettre en place les tactiques qu’il a élaborées ces dernières années et expérimentées au cours des diverses manœuvres du CSG et du CHEM. Bien qu’il n’ait pas eu de commandement depuis 1934, ses qualités d’instructeur et de commandant s’accordent avec des conditions d’exercice idéales pour faire du 2ème Cuirassiers une unité de grande valeur. Pendant tout le mois de mars et jusqu’au 7 avril, le régiment s’entraîne et participe aux manœuvres en collaboration avec les autres régiments dont le 76e RA, ce qui instaura une expérience en la matière qui sera prouvée à Hannut et Thisnes. A tous les niveaux de commandement, du peloton à la division, des exercices sont réalisés, des exercices de cadres et de tirs, si bien que le Ss-Lt Chenu en conclut que : « le régiment prend de la cohésion et deviendra un bel instrument de combat ». Sans porter atteinte à la discipline, la camaraderie laisse enfin libre cours aux distractions et l’organisation de la vie collective : « Les popotes s’organisent : celle du 2e Groupe d’Escadrons […] se monte rapidement : vaisselle, argenterie, cave, personnel, tout devient parfait ; la proximité de Reims permet au Lieutenant Vié qui a habité la ville de constituer un petit stock de bonnes bouteilles de champagne que nous déboucherons souvent au cours d’ardentes parties de bridge ou de poker. » La camaraderie, qui renforce la cohésion de la troupe, existe donc également entre officiers, nous y reviendrons dans un instant.

La division quitte donc Sissonne avec la satisfaction de son commandant, le général Langlois, qui félicite ses hommes des progrès exécutés dans une discipline parfaite, tant en matière tactique, technique qu’en matière de combat interarmes. Il recommande d’ailleurs de conserver ces progrès en poursuivant l’instruction dans la zone des armées . Du Vigier le fit avec zèle si l’on en croit ses carnets, où il indique qu’il visite le 3 mai les chefs de chars Somua, le 4 mai les chefs de chars Hotchkiss et qu’il inspecte tous ses chars le 7 mai. Le général commandant la 3ème DLM remercie encore Touzet du Vigier pour son travail dans sa notation sur cette période : « Chef du 3ème bureau du Corps de Cavalerie, il a rempli son rôle avec maîtrise […]. Au commandement du 2ème régiment de Cuirassiers de nouvelle formation, il a su, grâce à son ascendant sur la troupe, […] en faire une unité d’élite […] ».

Il convient également de présenter les officiers de Du Vigier, afin de mieux cerner l’organigramme du commandement, l’encadrement du régiment qu’il dirige. Car il souhaite connaître ses hommes, savoir avec qui il va se battre. Il dresse en ce sens, sur cinq pages de son carnet , un inventaire de ses officiers, sous-officiers, jusqu’aux brigadiers-chefs avec leur statut (carrière ou réserve). Découvrons donc dans les grandes lignes les collaborateurs de du Vigier. Tout d’abord l’état-major du 2ème Cuirassiers se compose du capitaine Granel, qui est l’officier adjoint au chef de corps. Suit le capitaine Baumier, chef du service de santé qui, au camp de Sissonne, aux côtés du colonel Daumis, chef du service de santé de la division, mit en avant les difficultés d’évacuation du personnel des chars , ce qui toucha le général Langlois . Ensuite viennent les divers bureaux : le capitaine Quenslot, chef du service auto, le Lieutenant Sauvaire, chef du service de Transmission, le Ss-lieutenant Lavalette, officier de Renseignement, le Ss-lieutenant Peillon, officier orienteur et le Lieutenant Leclercq, officier de Détails. L’Escadron Hors Rang est commandé par le Capitaine Malfroy, avec pour officier le Médecin-Lt Deshors, du service de santé, le Ss-lieutenant Bouillé, officier de service d’approvisionnement et le Ss-lieutenant Brunel, officier mécanicien. Le 1er Groupe d’Escadrons (sur Somua) est commandé par le chef d’escadron Chavardes et se compose du 1er escadron commandé par le Capitaine de Beaufort et du 2ème escadron commandé par le Capitaine Hardouin. Le capitaine Grout de Beaufort, futur général, est un officier particulièrement remarquable et le déroulement de la campagne ne fera que le confirmer. Après Saint-Cyr, il a été élève de Du Vigier à l’Ecole de Cavalerie de Saumur dans la promotion de Pouilly, de Hauteclocque…. Dans la deuxième partie des années vingt, il est au Maroc puis multiplie les commandements aux seins d’unités d’automitrailleuses dans les années trente comme le 18ème Dragons , c’est donc un officier expérimenté pour ne pas dire aguerri qui commande le 2e escadron. Le 2ème Groupe d’Escadrons (sur Hotchkiss) est commandé par le chef d’escadrons Vignes et se compose du 3ème escadron commandé par le Capitaine Sainte-Marie-Perrin, au sein duquel on retrouve le Ss-Lt Chenu, et du 4ème escadron commandé par le Lieutenant Vié. Le régiment totalise 36 officiers, 127 sous-officiers, 658 Brigadiers-chefs – Brigadiers et Cuirassiers soit 821 hommes. Comme nous l’avons déjà abordé, des liens existent entre les officiers ce qui renforce leur cohésion. Il en découle un profond respect, notamment de la troupe envers les officiers. Ce respect se transformera pour certain en admiration devant le feu de l’ennemi.

Les deux officiers qui nous transmettent leurs précieux témoignages pour la période qui va de la formation à l’armistice de juin 1940, le lieutenant Vié et le Ss-Lieutenant Chenu, apportent une vision plus nette des relations entre officiers et de leur rôle au sein du régiment. Ainsi l’on découvre à travers le récit du Ss-Lt Chenu que de nombreux chefs de peloton par exemple sont camarades de promotion de Saint-Cyr. Chenu parle du Ss-lieutenant Peillon comme de son : « camarade de promotion, officier orienteur du régiment » ou encore du Ss-Lt commandant le 1er peloton du 4e escadron : « Sentis, mon camarade de promotion ». Des liens d’amitié entre officiers sont présents également dans leur récit, parfois même au-delà du cadre de leur escadron. On observe enfin qu’un grand enthousiasme règne au sein des officiers, qui le communiquent à la troupe, une confiance dans le matériel. On observe bien le moral du 2ème Régiment de Cuirassiers lors des alertes qui préviennent jusqu’au 10 mai, d’une éventuelle entrée en Belgique : en avril une première alerte provoque dans les récits un sentiment de confiance, dans le matériel, les armes et dans les officiers. Aucun doute n’est porté sur la qualité de l’instruction que le personnel du régiment a reçue. D’ailleurs une grande déception touche l’unité lorsque l’alerte est levée selon le lieutenant Vié. Ce dernier, même s’il n’en fait pas mention dans son propre récit, reçoit le 9 mai la mission d’aller chercher l’étendard du 2ème Cuirassiers. En effet, le lt-colonel Du Vigier avait affirmé sa volonté que les hommes ne pas laisser partir les hommes au combat avant qu’ils ne soient présentés au drapeau. Une prise d’arme devait ailleurs avoir lieu le 11 mai mais elle n’eut jamais lieu.
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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 22 Juil 2009, 22:24

Après avoir vu la formation, les forces et les faiblesses d’un régiment mécanisé tel que le 2ème Régiment de Cuirassiers, nous allons maintenant nous pencher sur la conduite dans la guerre, comment le lieutenant-colonel Touzet du Vigier mena son régiment face au feu.

De l’entrée en Belgique à la bataille d’Hannut…

Le 10 mai 1940, le 2ème régiment de Cuirassiers, après des alertes en avril qui ont testé sa capacité de réaction, cantonne près de Valenciennes, devant la frontière franco-belge. Et c’est ici que dans la matinée du 10, l’offensive allemande est annoncée et ce dans la plus grande surprise comme le témoigne le Ss-Lt Chenu : « c’est à cet endroit que viendra nous surprendre l’attaque du 10 mai alors que nous ne nous y attendions pas beaucoup ». Cette attaque apparaît également pour certains comme une délivrance après l’inaction . En effet les permissions avaient été rétablies et de nombreux officiers et hommes de troupes manquent à l’appel. Le 2ème Cuirassiers s’élance donc vers les positions qui lui ont été définies : Thisnes et Crehen. Le passage à travers la Belgique se présente comme un triomphe : « Dans Mons, pavoisée aux couleurs belges et françaises, leur joie s’est augmentée des acclamations d’une population enfiévrée qui dit sa surprise et sa confiance de s’être vue protégée, dès 6h du matin, par un défilé ininterrompu de motocyclettes, d’automitrailleuses, puis de chars. » . Les cuirassiers sont enthousiastes et un sentiment de confiance en le matériel et le moral du régiment se fait sentir dans les témoignages, qui concordent sur l’accueil que les Belges leur réserve, leur offrant des cigarettes, des fleurs, des fruits, de la bière . Mais il ne faut pas pour autant oublier leur mission : prendre de vitesse les Allemands car c’est bien de cela dont il s’agit, surtout pour les éléments de découverte du Corps de Cavalerie qui auront à aller jusqu’au Canal Albert et aux abords d’Eben-Emael pour n’en constater que la perte et le repli de l’armée belge. Pendant ce temps, le 2ème Cuirassiers fonce vers ses positions ; les officiers permissionnaires se dépêchent de rattraper leurs unités, ce qui est relaté avec un certain héroïsme par le Lt. Vié, lui-même absent, notamment à propos du Cne Geneste : « Il était en permission au moment de l’entrée des Allemands en Belgique. Au cours du voyage épique qui le ramenait vers le régiment il disait à ses camarades « Vite, vie, il faut arriver avant les premiers contacts, il faut que nous autres, les anciens, montrons aux petits jeunes que nous n’avons pas seulement l’expérience, mais que nous leur remontrerons encore pour le cran et le courage » ce qui démontre le réel enthousiasme des officiers du régiment.

Le régiment traverse donc la Belgique pour rejoindre ses positions. Le 10 mai est une journée éprouvante pour les hommes et le matériel particulièrement pour les chars H, dont l’itinéraire sinueux sur des routes défoncées et étroites a éprouvé leur mécanique. Dans le nuit du 10 au 11 puis durant toute la journée du 11, le régiment est survolé par des avions de reconnaissance puis subit des bombardements, un bombardier étant même abattu au mousqueton au 4ème escadron le 10, ce qui apporte les chaleureuses félicitations du colonel et « augmente la confiance et le moral de tout le monde » . Les escadrons Somua puis Hotchkiss finissent par s’installer à Thisnes et Crehen, les derniers chars H n’arriveront que vers 23h. Un douloureux spectacle précède l’arrivée des Allemands, mais qui ne semble pas avoir altéré le moral de la troupe, le repli de l’armée belge : « […] l’armée Belge reflue en désordre. L’impression est nettement désagréable, triste même, navrante le plus souvent, mais elle ne fait que passer dans l’esprit de chacun. Ils vont leur montrer comment on se bat » .

Désormais sur leurs positions, bien qu’exténués par une longue et éprouvante étape, les unités françaises doivent établir un ordre de bataille face à un ennemi qui sera présent dans les heures qui viennent. L’effectif des unités est au complet. Certains officiers comme Geneste, Vié ou Constantin ont pu rejoindre le régiment. Mais les équipages ont dû être complétés par les équipages de remplacement comme le fait observer le Ss-Lt Chenu : « Les équipages de remplacement n’ayant jamais pu être formés faute de temps nous sommes obligés de faire monter dans les chars des gens peu familiarisés avec le matériel et cela juste le jour de la bataille : ce personnel novice se conduira du reste avec beaucoup de courage » . Les Dragons portés se sont déployés sur l’ensemble de la position, les chars H en soutien et les Somua en réserve. La division répartit ses forces en secteurs, Touzet du Vigier ayant la charge depuis Merdorp de la défense de Thisnes et Crehen et d’assurer la liaison avec la 2ème DLM sur la droite. Il dispose de trois escadrons de dragons portés qui devront tenir ces deux villages mais qui n’arriveront que le 11 dans la soirée et n’auront guère le temps de préparer leur défense. Ensuite viennent les chars du régiment : le 3ème escadron de chars H est en soutien immédiat des DP de Crehen, où se trouve le Ss-Lt Chenu, le 4ème escadron remplit la même mission à la sortie de Thisnes. Du Vigier dispose également du 1er Groupe d’artillerie du 76ème RA et enfin de l’escadron divisionnaire antichar ainsi qu’une batterie antichar supplémentaire qui rejoindra le 11 dans la soirée. Ses seules réserves aptes à mener une contre-attaque sont les deux escadrons Somua du 2ème Cuirassiers postés aux abords de Merdorp et Jandrenouille.

Image
Sce : Histoire de Guerre n°68 – avril 2006, p.36. Dossier de Erik BARBANSON, La première bataille de chars de l’histoire, p.30 à 50.

La défense des villages est planifiée, les pelotons se mettant à couvert, embusqués et prêts à tirer. Le Ss-Lt Chenu rapporte ainsi la mise en place de sa position : « Mon peloton reçoit la défense de la partie sud du village ; après reconnaissance j’installe mes 4 chars en bordure du village dissimulés dans les vergers, tous en liaison à vue les uns avec les autres. Des barricades sont élevées en avant de nous sur les deux routes dont mon peloton défend l’accès » . L’annonce de l’arrivée des Allemands circule, des officiers venant informer de la débâcle belge et de l’avancée rapide des panzers. Un flot continu de fuyards désarmés de l’armée belge fournit un compte-rendu détaillé de la situation, les informant encore de l’irrésistible avance des chars allemands. Le Ss-Lt Chenu rapporte un de ces témoignages du 11 mai sur la route d’Hannut : « ils fichent le camp le plus possible en camions, les Etats-majors en splendides voitures américaines. […] un officier belge m’explique posément que les Allemands ont franchi le canal Albert ce matin ; qu’il n’y a vraiment pas moyen de les arrêter et que toute l’armée belge est en pleine déroute […] cet officier a vu une colonne de 50 chars lourds allemands sur la grand-route de Tongres à Liège qui allaient en direction de Liège. » Ces renseignements sont immédiatement transmis au commandement mais de l’avis de tous y compris de Du Vigier, les Allemands ne peuvent pas déjà avoir de chars lourds en dotation dans leurs divisions et la confiance n’est pas ébranlée. Des éléments du 11ème RDP continuent d’arriver pour renforcer la défense de Thisnes et Crehen vers 20h. La nuit est calme, seul le bruit des destructions produit des détonations dans la plaine, ainsi que le ronronnement continu de la Luftwaffe.

Le 12 mai, dès le lever du jour, les équipages du 2ème Cuirassiers, après la fatigue d’une longue étape et d’une nuit de guet dans l’obscurité, vont recevoir le choc des panzers. La bataille d’Hannut, la première bataille de chars de l’Histoire selon les propos du Capitaine baron Ernest von Jugenfeld , peut commencer. Les 2ème et 4ème pelotons du 3ème escadron reçoivent en premier le choc pendant que tout le secteur est bombardé par les canons et l’aviation ennemie. Après les chars légers qui sont vite mis hors de combat par les H-39 à couvert et bien armés contre les Pz I et II, les Allemands envoient des chars moyens et lourds. Les pertes sont lourdes pour le 3ème escadron : 11 chars H sur 21 mis hors de combat. Touzet du Vigier, proche de la ligne de feu, s’aperçoit lui aussi avec surprise que des Pz IV sont présents dans les rangs des blindés allemands. Bien qu’au courant de leur existence, il ne pensait pas, et nous l’avons vu, que ce type de char lourd était déjà dans des unités opérationnelles. Cela lui infligera « une grave émotion » si l’on en croit le témoignage qu’en rapporte son fils . Vers 11h, les DP évacuent Crehen, point d’impact de la 4ème Panzerdivision qui s’infiltre déjà dans les rues. La moitié du 3ème escadron a été décimée par les chars lourds, et le capitaine Sainte-Marie-Perrin tué. Avant d’évacuer, le Ss-Lt Chenu, rejoint par le peloton Duboÿs, fait une reconnaissance pour constater l’étendue des dégâts : « je file dans mon char à travers la grande rue ; il y règne un silence complet ; les DP ont laissés quelques motos et sides, dont beaucoup ont été abîmés par les bombes ».

La présence de plusieurs témoignages de la même nature nous permet de mieux cerner la situation, sur la ligne de front comme à l’arrière. Ainsi, parallèlement, le capitaine Coquema du 76ème RA transmet une vision de l’arrière de la ligne de front et de son organisation sous les ordres de Du Vigier : « Ordre au Groupement Sud de ne tirer sur Hannut qu’en accord avec le Lt-colonel Du Vigier […] Prise de contact très dure du 2ème Cuirassiers avec les chars ennemis dans la région du Thisnes-Crehen.[…] Entre 10 et 11h : le Groupement Sud effectue de nombreux tirs dans la région Thisnes-Crehen, Hannut, à la demande du colonel Du Vigier. » On peut donc constater que si les chars allemands se sont repliés et que les derniers pelotons du 3ème escadron ont pu faire de même, c’est grâce au tir d’arrêt ordonné par Touzet du Vigier. Mettant en application ses cours de l’entre-deux guerres, il montre ainsi ses capacités à coordonner un combat interarmes notamment en protégeant ses chars par des tirs d’arrêts au bon moment ou en appuyant les contre-attaques des Somua par des tirs de concentration. Le Capitaine Coquema rapporte d’ailleurs cette situation dans son JMO : « Nombreux affrontements de chars souvent à l’avantage des « Somua » […] Tirs de contre-préparation par concentrations (Groupement Sud et Groupement Nord) ont été exécutés à la demande du colonel Du Vigier à partir de 16h », les tirs d’arrêt se poursuivant durant toute la soirée puis la nuit pour faire face aux attaque des blindés allemands qui retentent de percer à partir de 20h. Même l’artillerie de la 2ème DLM est mise à contribution. Ces tirs sont à chaque fois déclenchés très rapidement, les liaisons téléphoniques fonctionnant très bien. La rapidité d’exécution des ordres est en effet la clé de la défense organisée par le commandant du 2ème Cuirassiers. En réponse, le 12 et le 13, les Allemands bombarderont les positions de l’artillerie française qui leur barre toujours le passage, lui occasionnant des pertes sensibles.

Mais revenons au contact, nous venons de voir que l’artillerie avait soutenu les Somua. Touzet du Vigier décide en effet de lancer le capitaine de Beaufort et deux pelotons dans la bataille, afin de contre-attaquer les Allemands à Crehen, qui semble vide après une reconnaissance d’un peloton du 4ème escadron venant de Thisnes. Du Vigier veut faire réoccuper Crehen par les DP. Les Somua tombent sur une concentration de panzers supérieurs en nombre. Il ordonne alors le repli des Somua mais hélas trop tard à cause des difficultés de transmission. Ceux-ci reprennent Thisnes débordé après des heures de combat qui ne se terminent qu’à la tombée de la nuit puis rentrent à Merdorp à pleine vitesse. Les pertes pour la journée du 12 sont sévères : 25 chars H39 sont restés sur le terrain, 4 Somua au cours de la contre-attaque sur Crehen, 1 capitaine tué, 25 sous-officiers et hommes de troupes disparus. Pour le lieutenant Vié : « Le premier contact avec l’ennemi a été rude, mais le moral n’est pas atteint, il faut venger les premiers morts du régiment ». Le 13 mai, la 3ème Pzdiv., qui a franchi la Meuse, rejoint le XVIème Pzkorps. Le Corps de Cavalerie va devoir tenir bon. Pour prendre les Allemands de vitesse, il est décidé que dès l’aube, les Somua du général Bougrain au sud, qui rongent leur frein depuis deux jours, feront une percée sur Thisnes puis se replieront, de manière à désorganiser l’ennemi quelque temps. Pour cela, le général de La Font, commandant la 5ème BLM : « demande à l’artillerie « d’abrutir » Hannut et Thisnes ; le colonel Du Vigier est présent : tous deux se déclarent très satisfaits des tirs d’artillerie de la veille et de la nuit. » En attendant, les positions se renforcent, Du Vigier est au plus près de la ligne de front, en arrière des deux groupes d’escadrons qui forment le 2ème Cuirassiers et qui se sont retranchés dans Merdorp. Les pelotons ont été réorganisés pour répartir les forces restantes. « Le colonel vient en auto visiter les positions » .

La contre-attaque des Somua de la 2ème DLM a lieu, avec une couverture aérienne qui ne dure qu’un temps, malgré les demandes répétées du général Prioux : « Jusque vers 10h en effet, les avions allemands sont écartés ou chassés par des avions alliés, mais après cette heure l’aviation allemande prendra nettement le dessus et nous ne verrons plus d’avions français. » Or après 10h, c’est au tour des chars des Pz Div. allemandes d’attaquer. Maintenant regroupées, la 3ème et la 4ème Pzdiv. sont au coude à coude vers leur schwerpunkt : Jauche. La première portera son effort sur la partie nord du dispositif de la 3ème DLM, en direction de Orp, la seconde au sud en direction de Jandrenouille. Les chars allemands arrivent en plusieurs vagues, les lourds et moyens d’abord suivis par les légers qui accompagnent l’infanterie portée sur camions. En deux heures, la défense du 2ème Cuirassiers est submergée (30 Somua et 18 Hotchkiss) par ces attaques qu’appuient des vagues incessantes de bombardiers légers et des salves de gros calibre. Les Somua tiennent bon comme la veille, quant aux chars H ils démontrent une fois de plus leur inaptitude au combat antichar, leurs obus ricochant sur les Pz III et IV. A 13h30 est lancée une contre-attaque de Somua du 1er Cuirassiers du nord (Jauche) vers le sud (Jandrenouille), immédiatement, Du Vigier envoie De Beaufort et les Somua qu’il lui reste pour fermer ce mouvement du sud vers le nord. Ces deux formations en défilement de tir répandent selon les mots de Baillou : « le désordre et la mort ». Pendant ce temps, la 3ème Pz Div. essaye de franchir la petite Gette mais ses chars s’embourbent. Partout sur la ligne de front de la 3ème DLM, malgré les pertes, le front a tenu par des contre-attaques très offensives .

Le 13 à 16h, la 3ème DLM décroche, suivie de la 2ème DLM à 17h. Les chars survivants du 2ème Cuirassiers se replient vers l’est, en direction de Folx-les-Caves puis Orbais. A la fin de la journée, toutes les formations sont éprouvées, le 2ème Cuirassiers et le 11ème RDP d’avoir reçu le choc, le 1er Cuirassiers d’avoir couvert le décrochage. Tous ont subi de grosses pertes. Les mauvaises surprises ne font que commencer lorsque la 3ème DLM passe le barrage Cointet : « Les portières du barrage antichar ne sont pas fermées, leur fermeture exigerait plusieurs heures de jour et un outillage spécial ; le Génie déclare n’avoir pas la possibilité d’y procéder dans la nuit.» Le 14 mai, les DLM du Corps de Cavalerie repartent en direction de Gembloux, l’artillerie et les chars menant des combats retardateurs. A 15h, les positions de l’infanterie française de la 1ère Armée sont franchies. Les pertes sont lourdes, le Corps de Cavalerie y a laissé 105 engins blindés contre 164 pour le XVIème Pz Korps. Mais la ligne d’infanterie n’a guère eu le temps de s’installer efficacement, les divisions d’infanterie non motorisées devant avancer de nuit, par marches forcées. Du reste, de l’avis même du général Juin, une DIM avance à la même allure qu’une DI normale dès qu’elle approche de sa position. Ainsi, après la surprise d’Hannut vient la surprise de Gembloux. Tous les officiers du 2ème Cuirassiers et de la 3ème DLM sont unanimes quant à leur déception en voyant le front dont ils ont couvert l’installation de leur mieux : « la ligne ne donne pas du tout l’impression de quelque chose de solide, les travaux ne sont pas terminés, les équipages sont exténués, le matériel a été très éprouvé ; tous comprennent que le repos tant mérité sera de courte durée. » Les éléments du CC très éprouvés sont dirigés derrière la ligne de front où ils jouissent d’un repos bien mérité dans la nuit du 14 au 15, eux qui n’ont pas dormi depuis 5 jours et ont combattu sans relâche.

Malheureusement les observations de la veille se concrétisent et le 16ème Pz Korps brise les défenses de la 1ère Armée le 15. Et selon la vieille théorie de l’infanterie toujours ancrée en 1940 dans l’armée française depuis l’invention des chars d’assaut, les blindés sont mis à la disposition des divisions d’infanterie afin de les aider dans les contre-attaques nécessaire à la défense de la ligne de front. Un outil de qualité, bien qu’amoindri par les combats mais qui n’a pas démérité, est dépecé au lieu d’être réorganisé plus en arrière et recomplété. Les chars et leurs équipages du CC sont prêtés au 4ème CA sans que le général Prioux sache quant ils reviendront. « […] Dès les premières heures du jour, l’aviation et l’artillerie son très actives. On apprend que la ligne de résistance est enfoncée. ». Le repos a été de courte durée en effet. Les hommes du 2ème Cuirassiers sont appelés pour contre-attaquer dans la brèche à Wagnelee. C’est à cet endroit que va avoir lieu le dernier affrontement avec les Allemands dans la courte campagne de Belgique, avant de se replier vers Dunkerque. Du Vigier reçoit donc dans la nuit l’ordre de tenir un point d’appui avec son régiment en avant de l’usine de Wagnelee, sur la jonction des 2ème DINA et 15ème DIM qui se rejoignent sur la voie ferrée, zone d’affrontement jusque Gembloux. Ses effectifs sont de 13 chars en bon état et une vingtaine sont récupérables après les combats de la veille. La ligne d’infanterie, malgré une dure résistance, finit par lâcher dans l’après midi, sous le feu des bombardiers et de l’artillerie ennemie. « L’ennemi attaque à la jonction des deux DI. Les chars Somua flanqués des H, détruisent rapidement les chars légers et moyens, et contiennent l’avance des chars lourds. Un véritable carrousel est engagé. Du haut des tours de l’usine où le PC est installé, le colonel suit avec passion le déroulement de la lutte ». Nous pouvons voir ici qu’outre l’aspect « passionnel » du combat que Du Vigier éprouve, on peut remarquer qu’il est encore proche des combats, prêt à réagir et à prendre une décision, apte à donner des ordres rapidement. C’est ce qu’il fait, puisqu’il envoie les quelques Somua qu’il reste dans l’escadron du Capitaine de Beaufort, un de ses meilleurs officiers, dans la bataille : « Le capitaine de Beaufort fait merveille, quatre fois, cinq fois, il emmène ses quelques chars à l’attaque, disparaissent derrière un couvert, apparaissant à nouveau dans une autre direction. A contempler de loin, ce combat semblait tout à fait une manœuvre, telle que le régiment en faisait à Sissonne. Les obus n’étaient plus à blanc… » Pendant trois heures, le combat fait rage et les chars français contiennent ceux des Allemands, de nouveaux blindés de type Pz. IV font leur apparition, dotés d’un canon long, ce qui n’avait jamais été vu jusqu’alors. A la fin de la journée les pertes sont lourdes, une fois de plus. Il faut se résoudre à la retraite pour sauver le plus d’hommes possible de la captivité. Ce sera dès lors le devoir auquel s’attachera Du Vigier, jusque dans le sud de la France, sachant le mêler aux combats pour l’honneur, et c’est ce que nous allons voir.
Vincent
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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 22 Juil 2009, 22:25

De la retraite de Dunkerque à la reprise du combat

Après les combats de Wagnelee, le 2ème Cuirassiers n’existe presque plus. La retraite vers le Nord de la France va dès lors être vue comme la seule solution. Les quelques chars restants du 2ème Cuirassiers reçoivent l’ordre de se constituer en groupement de marche. Les équipages, les sous-officiers et les officiers, qui, sans matériels, ne peuvent combattre, se voient obligés de continuer avec les trains de combat. Cet ordre et sa découverte par les officiers du corps sont relatés par le Lt Vié dans son récit. Il y montre Touzet du Vigier comme un homme accablé par des circonstances auxquelles il ne peut rien changer mais qui hélas conduisent à la division des forces de son régiment : « Le colonel du Vigier revient de chercher les ordres. Il a l’air abattu, triste. Que se passe-t-il ? Réunion de tous les officiers. Ceci n’est pas ordinaire, et c’est avec une certaine appréhension que chacun se dirige au PC. Le décor est sinistre, une grande table, une bougie comme tout éclairage. Le colonel reste un moment silencieux, le visage ravagé, puis d’une voix éteinte, comme étranglée par un sanglot qu’il ne veut pas laisser éclater devant ses officiers, il annonce que le 2ème Cuirassiers, après six jours de combats acharnés, ne peut plus mettre en ligne que trois pelotons. Il sera donc formé pour la brigade un groupement de marche. […] Tous les officiers partagent la tristesse de leur chef ». Ce groupement de marche nouvellement formé se composera d’un peloton Somua et de deux pelotons de chars H. Pour ce régiment expérimenté, de par ses équipages, ses sous-officiers et officiers, tous prêts à se battre si l’on en croit les témoignages, la difficulté est de choisir qui pourra reprendre le combat et ce choix est difficile pour leur commandant. Des jeunes aspirants fraîchement sortis de St-Cyr chefs de peloton au début de la campagne font même état de leur rang de sous-officier pour pouvoir postuler comme chef de patrouille. Dès lors, les opérations prendront une tournure rapide, les armées françaises ployant sous l’avancée rapide des troupes allemandes. Jusqu’au 19 mai, Du Vigier prend lui-même en main les trains de combat, s’efforçant de les faire avancer vers Mons, puis il reçoit le commandement du Groupement de Marche. Soucieux également de récompenser le mérite de ses hommes, du Vigier inscrit dans son carnet, le 20 mai, des propositions d’avancement pour des officiers comme Vignes, Vié ou encore de Beaufort. Il établi également une liste des officiers et hommes de troupes auxquels il faut attribuer une citation ou même la légion d’honneur, et dans de nombreux cas, à titre posthume .

Le 21 mai, le Groupement dont du Vigier a pris la tête est renforcé de quelques éléments de découverte et de dragons portés pour empêcher tout débordement d’Arras. Deux bataillons de chars H-35 et R-35 arrivent en renfort pour couvrir le flanc ouest de l’attaque britannique débouchant d’Arras sur Cambrai et destinée à rompre l’isolement du 1er Groupe d’Armées. Comme on le sait, la contre-attaque des chars n’eut jamais lieu et le 1er Groupe d’Armées fut encerclé. Bientôt le groupement est de nouveau réorganisé et forme un escadron commandé par le capitaine de Beaufort, bientôt mis à la disposition du 12ème Cuirassiers du colonel Leyer, tandis que Du Vigier reprend en main les trains de combat du 2ème Cuirassiers.

Vient alors le 26 mai : le général Billotte est victime d’un accident mortel, accident qui ruina tous les espoirs des forces alliées bloquées dans le nord de la France. En effet il était le seul capable de déterminer les Anglais de la BEF à poursuivre leur effort. Ceux-ci ne penseront plus dès lors qu’à réembarquer pour sauver le plus de troupes possible. Cette date est également le déclenchement d’un tour de « chaise musicale » pour le commandement des troupes françaises, car le général Blanchard, commandant la 1ère Armée, est appelé à remplacer le général Billotte à la tête du Groupe d’Armée. Lui succédant à la tête de la 1ère Armée, le général Prioux laisse le Corps de Cavalerie aux mains du général Langlois qui laisse la 3ème DLM entre celles du général de La Font qui confie qui confie quant à lui la 5ème BLM à Touzet du Vigier. Force est de reconnaître les mérites de du Vigier qui, encore une fois, semble être le dernier maillon de la chaîne des meilleurs commandants que l’on appelle pour résoudre cette crise dans le commandement. Du Vigier prend le commandement de la brigade, le chef d’escadrons Vignes lui succédant à la tête du régiment ou plutôt de ce qu’il en reste.

Mais Du Vigier reste attaché à ses hommes et c’est lui-même qui vient leur annoncer l’évacuation prochaine par Dunkerque le 27 mai : « Dans la soirée le lieutenant-colonel Du Vigier arrive pour donner des précisions sur la situation. Comme chacun sait, elle est tragique, l’ordre est donné de constituer un détachement comprenant : les officiers, les équipages de chars, et les spécialistes en vue d’un embarquement probable à Dunkerque. Les capitaines désignent sur l’heure les éléments indispensables pour la reconstitution de leur unité et c’est avec joie que le travail est fait ». Le moral est donc toujours bon au 2ème Cuirassiers prêt à reprendre la lutte. Le 28, le régiment reçoit l’ordre de se rendre à Zuydcoote où les images du film d’Henri Verneuil correspondent hélas au récit du Lt Vié : « Le canal est rempli de matériel anglais dont le personnel déjà commence à embarquer. Partout, dans les fossés, dans tous les champs, du matériel détruit systématiquement, faute de pouvoir l’embarquer, gît lamentablement. L’impression est très désagréable : des brûlots d’effets, d’archives, de denrées, finissent de se consumer en produisant
une fumée âcre qui prend à la gorge. » Le 2ème Cuirassiers est prêt à embarquer et stationne lui aussi dans les dunes de Bray-Dunes. Les détachements de spécialistes formés dans les régiments afin d’avoir des cadres pour la réorganisation prochaine doivent être embarqués de toute urgence. Du Vigier et son supérieur le général de La Font, maintenant à la tête de la division, s’emploient donc de toute leur énergie à sauver ce qui peut l’être de cette poche qui chaque jour se rétrécit un peu plus. De La Font écrit lui-même au commandant de la défense du port de Dunkerque, l’amiral Abrial, pour le prévenir de l’arrivée du Corps de Cavalerie et de sa place prioritaire dans les opérations d’évacuation, conformément aux ordres du général Weygand. Les éléments du 2ème Cuirassiers dont du Vigier reste très proche s’acheminent vers les quais de Dunkerque . Le ciel leur est « favorable », puisque la pluie en a chassé les avions allemands. Tous les détachements de spécialistes pourront donc embarquer dans le calme. Le chaos régnant sur le chemin marque cependant tous les esprits, et le spectacle des maisons bombardées provoque une sensation pénible en chacun : « […] chacun jusqu’à ce jour avait vécu un peu égoïstement et n’avait pas eu le temps ou plutôt le courage, de songer à ceux qu’ils avaient laissés derrière eux ; une rapide association d’idées les ramenait chez eux, et ils refoulaient bien vite la vision de l’intérieur qui leur était cher et qu’ils n’osaient entrevoir dévasté. » Après cet épisode difficile pour chaque soldat qui s’achemine vers Dunkerque, les détachements peuvent embarquer. Le carnet de Touzet du Vigier nous indique qu’il embarque à bord du « Cerons » .

Grâce au croisement des autres témoignages, nous pouvons continuer de suivre du Vigier à bord du bâtiment sur lequel il a embarqué. L’Etat-major du 2ème Cuirassiers ainsi que les éléments des 3e et 4e escadrons embarquent également sur le « Cerons » , l’escadron hors-rang, le 1er et le 2e escadron embarquant sur le « Douaisien ». Le retour vers la France ne va pas se faire sans encombre cependant. L’embarquement, comme nous l’avons vu, se passe sans problème, à la faveur de la nuit, le temps aidant. Les conditions étant idéales, aucune panique ne se répand parmi les cuirassiers n’ayant pas vraiment le pied marin mais étant exténués par le début de leur campagne . La traversée ne leur épargne pas les péripéties. Une vedette lance-torpille croisant dans les parages, les champs de mines à éviter, quelques explosions malgré tout et un échouage sur un des nombreux bancs de sable séparant la France de l’Angleterre viennent rythmer l’évacuation. Sans nouvelles du « Douaisien », qui transportait l’autre partie du 2ème Cuirassiers et qui eut lui aussi une traversée mouvementée et des blessés, le « Cerons » longe les côtes anglaises puis met le cap sur Cherbourg , seul, une avarie ayant ralenti son allure. « Enfin les côtes françaises se dessinent. Une joie immense se reflète, sur tous les visages. LA FRANCE !...... » . Pour le « Douaisien », en effet, la traversée est plus mouvementée. En pleine nuit, une mine explose et le bateau s’échoue. La panique, qui s’est étendue à tous les hommes entassés de la cale au pont ne peut être calmée que par le sang-froid du capitaine de Beaufort, qui rassure tout le monde en faisant un bridge avec les autres officiers sur le pont du bateau qui penche alors à 45°… Ramenés à Dunkerque par bateaux de pêche, ces éléments réembarqueront pour Douvres puis Southampton d’où ils rejoindront Cherbourg puis les autres détachements débarqués avec du Vigier.

Pour certains autres éléments de la 3ème DLM, l’évacuation se passe sous une forme différente. Arrivant à Folkestone, ces hommes dont la section médicale par exemple, gagnent Plymouth et Devonport, la campagne anglaise leur offrant de quoi se nourrir et les acclamant. L’Amirauté les accueille chaleureusement, les nourrit, leur donne des vêtements propres ainsi que des douches, puis ils repartent sous les « hurrah » de la foule .

Pendant ce temps, les éléments déjà débarqués se rassemblent à Conches le 2 juin où la 3e DLM, sans moyens, sans véhicules, se retrouve dans les faits sous les ordres de du Vigier. Les moyens manquant donc, il est urgent de trouver une solution pour pouvoir renvoyer au combat au plus vite l’élite de la Cavalerie que l’on s’est donné tant de mal à faire évacuer de Dunkerque. C’est l’opinion de Touzet du Vigier et de chacun. Voilà pourquoi du Vigier se rend au Grand Etat-major, accompagné de son adjoint Demetz, « pour dire que le 1er et 2ème Cuirassiers, s’ils n’ont plus de matériel ont encore des équipages en nombre suffisant pour reformer une Brigade de combat. » Il rédige d’ailleurs une note le 2 juin, actualisée de son expérience, pour la constitution de « grandes unités légères provisoires » , il y analyse les « procédés d’attaque allemands » et les « mesures propres à y faire face ». Hélas la désillusion l’attend car devant l’offensive allemande, toute les formations sont à recompléter. De plus la production, bien que ayant fait un effort, n’arrive pas à fournir autant de chars qu’il en faudrait. En réalité, du Vigier apprend de la Direction de Cavalerie qu’il ne reste que de quoi équiper deux escadrons à peine. Le 4 juin, du Vigier reçoit l’ordre de former deux escadrons qui iront toucher des Somua à Montlhéry. Le 2ème Cuirassiers doit former un de ces escadrons et le 1er Cuirassiers le deuxième. Les cadres partent également, ce qui diminue la force du régiment et son moral : De Beaufort part, réclamé par le général De la Font qui va prendre la suite du colonel De Gaulle à la tête de la 4e DCR. Les hommes espèrent qu’on va leur donner des armes pour aller se battre sur la Somme ou sur la Seine. Leur inactivité les ronge, eux tant de fois au feu depuis le début de cette campagne et à qui on ne peut pas donner de matériel.

La Seine franchie par les troupes allemandes, à la vue des réfugiés affluant déjà, cette inactivité devient incomprise et intenable. Du Vigier conduit alors les éléments n’ayant pu être réarmés dans la nouvelle 3e DLM aux effectifs réduits, et commence une marche qu’il ne terminera qu’en Dordogne. Pour éviter la capture, sa brigade rassemblant également tous les trains de combat, fait de longues étapes à pied, toujours avec un équipement des plus réduits dont du Vigier fait lui-même l’inventaire dans ses carnets. Le 13 juin, après de longues marches aux côtés des réfugiés, Du Vigier retrouve un camarade du 4e bureau qui lui promet une rame de chemin de fer. Sa troupe de braves peut embarquer pour Saumur dans l’après-midi. Ce lieu, nous l’avons vu, représente beaucoup pour les cuirassiers de du Vigier. Il représentait un signe d’espoir car c’est là qu’ils avaient perçu leur matériel et commencé leur instruction en janvier-février 1940. Mais malheureusement leur espoir ne fut pas de longue durée, car ils s’aperçurent que ce n’était encore qu’un bond en arrière et qu’il n’y avait vraiment plus rien pour les équiper. Ils devraient battre en retraite en évitant le combat à moins d’un miracle…
Vincent
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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 22 Juil 2009, 22:28

De la défense de la Loire au repli vers le Sud

Tandis que les éléments désarmés qu’il reste de la 3ème DLM s’acheminent vers la région de Saumur, le lieutenant-colonel Du Vigier devance ses hommes et se rend à la 9ème Région de Tours où il apprend que les Allemands marchent sur la Loire et qu’il incombe à cette même région d’en assurer la défense avec les moyens dont elle dispose, ainsi que les unités descendant de Paris. Le commandement envisage alors d’évacuer encore plus loin la 5ème BLM mais : « Le Lieutenant-colonel Du Vigier revendique comme une faveur de participer à la défense de la Loire, qui se présente comme très légère » . Avec deux capitaines, il se met donc en quête de matériel et d’armements. Le général Pichon, adjoint au commandant la 9e Région, lui donne son autorisation pour prendre tout ce que pourrait fournir le camp de Ruchard, à l’est de Chinon, tant en armements qu’en véhicules, pour être en état de défendre la Loire, de Montsoreau à Tours. Le 16 juin , même si cela est défendu, les camps relevant du ministère, du Vigier prend possession d’armes et de véhicules destinés à des bataillons de chasseurs de DCR. Racontant lui-même l’épisode plus tard : « je donne ma signature, en décharge, sur une feuille de mon carnet multicopies, au commandant du camp ébahi ! J’ai les moyens non seulement de me battre, mais aussi de manœuvrer » et l’on sait combien cette donnée est importante à ses yeux de cavalier … Les moyens dont il dispose désormais augmentent la capacité de combat de sa brigade : un PC, 3 escadrons de 3 pelotons portés issus du 1er Cuirassiers, idem pour le 2ème Cuirassiers, 3 patrouilles sur voitures légères de réquisition et motos pour le 12ème Cuirassiers ainsi que des renforcements disparates : un demi-escadron porté du 11ème RDP, une compagnie d’EOR (Elèves Officiers de Réserve) de St-Maixent, une section d’EOR de l’Ecole d’artillerie de Poitiers avec deux 75 mm, un détachement de groupe franc motorisé, deux groupes de tirailleurs provenant des Dépôts, 2 chars FT non armés et un groupe d’automitrailleuses White sans tourelles récupérées des stocks espagnols.

Cet ensemble pour le moins hétéroclite a cependant un moral fort et est déterminé à reprendre la lutte. Du Vigier va s’appliquer à en faire une unité forte. Ne perdant pas de vue les principes même du combat motorisé tel qu’il l’a enseigné, des découvertes sont envoyées au nord de la Loire , vers Châteaudun, ainsi que vers Blois, pour prendre le contact avec l’ennemi mais également avec la 2ème DLM, qui va défendre Tours . Sa BLM va devoir tenir quarante kilomètres de fleuve de Tours à Candes-Saint-Martin, assurant la liaison à l’ouest également, avec les « cadets » défenseurs de Saumur. Ayant réuni ses officiers, du Vigier prépare son plan de bataille, répartissant ses unités et s’assurant de la tenue des ponts afin de les faire sauter. Ils observent tous alors : « la maîtrise toute courtoise et la clairvoyance souriante de ce chef à qui est confiée une si lourde tâche » . Des éléments sont gardés en réserve dans la région d’Azay-le-Rideau. « Le 18 au soir, les ponts sautent devant les premiers éléments allemands, sauf à Port-Boulet où la destruction, en l’absence de spécialistes du Génie, été mal préparée. C’est là que, le 19 et le 20, vont avoir lieu des combats acharnés […] » Les élèves de Saint-Maixent et leurs officiers font preuve d’un courage exemplaire, plaçant des mines sous le feu de l’ennemi… Le 20, les Allemands ont franchi la Loire, dans le secteur de l’Ecole de Cavalerie. A midi les Allemands sont à Tours où le général Bougrain fait sauter les ponts contrairement à l’ordre donné par le gouvernement de déclarer ville ouverte les communes de plus de 20 000 habitants. Du Vigier et ses hommes tiennent toujours pour couvrir le retrait de l’Armée de Paris et de la 2ème DLM.

Mais la Loire comme dernière ligne de défense est belle et bien perdue. L’ordre est donné de décrocher dans la nuit, la menace allemande commençant à se sentir sur les flancs. L’opération se passe sans accros et le 21, le contact avec l’ennemi est perdu. « Je pus donner à mes troupes un peu de détente dont elles avaient bien besoin, en dehors des axes routiers ». Dans la soirée, la pluie les aidant une fois de plus à chasser l’aviation allemande, le groupement longe la Vienne en direction du sud. Assurant la couverture du flanc ouest de la 2ème DLM, du Vigier et ses hommes glissent jusque Châtellerault puis Poitiers le 22, où les autorités civiles leur causent des difficultés sans comprendre pourquoi. Le 24, ils sont sur la Charente et passent à travers les colonnes allemandes. Les éléments de du Vigier se regroupent autour de la Rochefoucauld le 24 où on leur annonce que l’armistice est signé. Convaincu que la priorité semble être de sauver ses hommes au plus vite, armistice ou pas, du Vigier poursuit son repli et dans la nuit du 24 au 25, le cessez-le-feu parvient au Groupement. Le récit du lieutenant Vié transmet encore de manière fidèle le moral de la troupe : « Sentant bien que tout est fini, vivant depuis plusieurs jours dans une situation critique avec la hantise d’être faits prisonniers, les hommes du 2e Cuirassiers stoïques sous une pluie torrentielle courbent le dos sous le poids des évènements. Ils n’ont rien à se reprocher ; ils ont fait leur devoir partout. Ils se sont splendidement battus en Belgique. Ils ont fait ce qu’ils ont pu sur la Loire et au cours du repli. » Par le fait du hasard, en avant ou en arrière sur leur axes de repli, sans jamais se croiser, le groupement de la 5ème BLM se retrouve également à quelques kilomètres de la 3ème DLM, à Ribérac (37 Km à l’est de Périgueux). La division est de nouveau réunie : « l’ennemi, les pressant au nord, de l’ouest et de l’est, aura été tout près de les disperser. Avec lui, la 5e Brigade Légère Mécanique, comme la 3e DLM, aura exécuté une belle partie de « cache-cache ». » .

Les sacrifices ont été grands tout au long de la campagne, et les citations le montrent bien, tout comme le lieutenant Vié, exemple de courage durant cette campagne, qui déclare que le 2ème Cuirassiers « n’a pas manqué aux traditions de l’Arme », que « leurs sacrifices et leurs héroïsmes n’a pas pu changer la situation, mais ils n’ont pas été inutiles. Tous rentrent chez eux grandis, ayant accompli ou contemplé de belles actions dans un régiment où tous, officiers, sous-officiers, gradés et cuirassiers ont fait tout leur devoir avec une simplicité et une foi admirable. » . Les citations élogieuses qui sont accordées au 2ème Cuirassiers, à la 5ème BLM tout comme à la 3ème DLM rejaillissent de plus sur Touzet du Vigier : « instruites par des chefs éminents […] qui surent leur communiquer leur esprit du devoir et leur foi. […] sous les ordres de ces même chefs qui les avaient instruites, luttant victorieusement contre des unités mécaniques allemandes, arrêtant leurs attaques et les contre-attaquant sans arrêt. […] La 5ème Brigade (1er et 2ème Cuirassiers) peut être citée en exemple de ce qui peut faire une troupe instruite, disciplinée, ayant l’esprit du devoir et de sacrifice. » Du Vigier, au comportement exemplaire de chef que nous avons pu constater est personnellement reconnu dans la défaite, par le général Langlois, ainsi que l’œuvre qu’il a accomplie ces dernières années : « s’est imposé dans tous les postes qu’il a occupés […] par sa brillant intelligence, son travail, sont esprit organisateur et réalisateur. […] au commandement du 2ème Régiment de Cuirassiers (3ème Division Légère Mécanique) de nouvelle formation, il a su, grâce à son ascendant sur la troupe, soigneusement en faire une unité d’élite qui a montré toute sa qualité qui d’emblée, été employée dans les durs combats des 11, 12, 13 mai en Belgique. Privé de son matériel après Dunkerque, il a transformé ses équipages de chars en combattants à pied. Il a insufflé à tous des esprits de devoir. Son esprit combatif a continué la lutte sur la Loire et au Sud jusqu’à l’Armistice. La bravoure du Lieutenant et du Capitaine du Vigier de 1914-1918 s’est retrouvée chez le Lt-Col Du Vigier en 1940. »
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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de UHU  Nouveau message 01 Aoû 2009, 20:06

excellents posts quelle catstrophe d'avoir sacrifier de tels regiments.
On était vraiment commandés par des inaptes.


 

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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de Bruno Roy-Henry  Nouveau message 02 Aoû 2009, 10:19

Brillant résumé des opérations d'un régiment d'élite mené par un chef remarquable !

Merci. Il serait intéressant d'en savoir plus sur les combats et les accrochages de la Loire à la Dordogne, en passant par la Charente... :cheers:


 

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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 02 Aoû 2009, 14:06

Bonjour à tous et merci pour vos posts !! :D
Pour ce qui est des combats de la Loire à la Dordogne, j'ai épluché pas mal de sources dont des fonds privés mais c'est difficile d'écrire plus vite qu'on ne recule... Dans les faits ce sont une succession d'accrochages/décrochages avec pour constante la nécessité de rester en dehors des routes pour éviter les reco avancées allemandes. Sinon le JMO ne mentionne que le nom des localités.
Encore merci :D
Amicalement
Vincent
"L'ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent ; elle compromet, dans le présent, l'action même."
Marc Bloch
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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de Pierre.S  Nouveau message 02 Aoû 2009, 16:24

Bonjour Vincent,

La "grave émotion" ressentie par Touzet du Vigier à la vue des Panzers IV est-elle la marque d'une certaine connaissance de la puissance militaire allemande???

Je viens de percuter ton changement de présentation...

A+,

Pierre


 

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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 02 Aoû 2009, 19:12

Et ben si même les marins prennent la peine de lire mes posts blindés où va le monde !!! :mrgreen: :mrgreen: merci de ton attention Pierre :cheers:

Alors pour du Vigier on peut dire que sous une certaine forme c'est une reconnaissance de la puissance militaire allemande mais ce n'est pas le point principal. En effet durant l'entre-deux guerre et en particulier à la fin, les penseurs et théoriciens de l'arme blindée comme lui se sont insurgés sur la lenteur des dotations des chars dans leur chère cavalerie. En effet, le choix des modèles fut long, l'assemblée nationale ne votait que des crédits pour une production limitée, ce qui fit que dans la cavalerie (et les chars de combat de l'infanterie) on trouve un nombre trop important de modèles différents mais je m'écarte là...

Pour concevoir tout ces modèles, il fallait s'inspirer des avancées des voisins et dans l'esprit des cavaliers mécanisés, l'arme blindée française, coté cavalerie, faisait jeu égal avec l'arme blindée allemande, car ils étaient persuadé que les Pz IV n'était pas encore assez nombreux pour entrer en dotation voir même pas totalement mis au point. D'où leur stupéfaction en Belgique quand les SOMUA et Hotchkiss, après avoir envoyé ad patres les Pz I, II et même III sont pris au dépourvu quand la catégorie supérieure leur tombe sur le blindage...

Bref pour moi ce n'est pas la reconnaissance de la puissance militaire allemande qui est en question dans l'esprit de du Vigier à Hannut-Crehen, mais plutôt la surprise, pour les chefs, et pour leur blindés qu'ils avaient préparés pour le mieux avec les difficultés de l'époque, le résultat n'étant d'ailleurs pas si mauvais, en particulier à la 3e DLM.

Voilà, j'espère avoir répondu à ta question
Amicalement ;)
Vincent
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Re: Le 2ème Rgt de Cuirassiers dans la campagne de France - 1940

Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de Pierre.S  Nouveau message 02 Aoû 2009, 20:57

Il faut bien des bateaux pour transporter tout le bazar!! :D

et merci pour la réponse... :cheers:

A+,
Pierre


 

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