Muntz a écrit:Bonjour:C'est certes illogique pour un esprit sain, mais bourre de logique pour un nazi, je vais jouer les Goebbels pour m'expliquer :
Oui et non, Daniel. Je méconnais jusqu'à quel point les préjugés racistes nazis avaient envahi les esprits à l'OKH. A mon avis, il faut être prudent sur ce point: une chose c'est la propagande à consommer par le "tiers état" du Reich et une autre bien différente, l'état d'esprit du cerveau de l'armée de terre allemande. Mais, même si Barbarossa est "bourrée de logique nazie", elle l'est aussi bien d'absence de logique militaire, à commencer par le fait de méconnaitre la puissance réelle de l'Armée Rouge.
Il y a à l'évidence un échec important des services de renseignement allemands à obtenir des informations correctes sur l'armée rouge, il y a une sous estimation très claire du nombre de divisions, mais aussi des capacités de mobilisation soviétiques. La société soviétique s'avère extrêmement imperméable à l'espionnage ennemi et il faut pointer l'efficacité des réformes entamées après le campagne de Finlande qui portent leurs fruits bien plus vite que ce qu'imagine les Allemands. De même, l'état général du régime est également sous estimé, les événements de l'avant-guerre (purges, procès...) sont interprétés comme autant de signes d'un régime au abois, Barbarossa est, dans cette perspective, présentée comme un coup de grâce...
Muntz a écrit:Cependant, c'est l'attitude de Staline qui nous intéresse en ce moment. Malgré les renseignements d'une attaque allemande imminente, il était convaincu que cela était impossible en juin 1941. Il savait aussi que toutes ces troupes allemandes qui se massaient en Pologne et en Prusse Orientale ne disposaient de matériel et de munitions que pour une campagne de courte durée, qu'il n'y avait aucune prévision pour lutter en hiver. Jusqu'où en savait-il exactement? Sur la compositions des différentes armées, je pense que beaucoup. L'O.S.1 fonctionnait assez bien à travers les différentes ambassades soviétiques en Europe occupée, mais je n'ai jamais lu que le plan des opérations de Barbarossa soit tombé entre les mains du service de renseignement militaire soviétique, même si Joukov a "deviné" à la milimètre près l'encerclement de Minsk, par exemple.
Est-ce que Staline pensait que les Allemands en savait bien plus de la composition de l'Armée Rouge en juin 1941? Je n'en sais rien sur ce point. En tout cas, son excès de confiance ne constitue pas le tout de son erreur.
Je ne sais pas si Staline se basait sur des rapports concernant les stocks de vêtement chauds de la Wehrmacht (à vrai dire le problème des vêtements, souvent exagérés par les Allemands, est un peu différents: les lignes de ravitaillement étaient si étirées au moment de la bataille de Moscou, que tout ravitaillement était difficile. Les Allemands avaient bien des vêtements chauds, mais peu adaptés aux températures extrêmes et surtout à la guerre de mouvement). Je pense qu'il pensait simplement que l'on était trop avancé dans la saison pour obtenir une victoire avant l'hiver, ce en quoi il n'avait pas tort.
Muntz a écrit:En 1940 se produit un changement de conception.
Les forces mécanisées passent à la première ligne, à peine derrière les nouvelles frontières.
Les aérodromes avancés augmentent considérablement.
On a crée une force de parachutistes de 200.000 hommes. Depuis quand on emploit ce genre d'unités pour la défense?
La conception du dispositif semble bien offensive le 22 juin 1941. Ou tout au moins il y a de fortes raisons pour douter de son caractère défensif.
200.000 parachutistes! Je pense qu'un tel chiffre peut couvrir l'ensemble des soviétiques ayant reçu un brevet de parachutisme pré-militaire de l'ossaviakhim, mais pas les parachutistes militaires. En 1941, il y a 5 corps aéroportés regroupant théoriquement 10.400 hommes chacun (chiffres in Glantz, Stumbling Colossus, 1998, p.147). Pourquoi des parachutistes pour la défense? Pourquoi des forces mécanisées proche de la frontière? La conception soviétique est assez élaborée et repose théoriquement sur l'idée de porter la guerre en territoire ennemi, c'est le même concept qui prévaut encore pendant la guerre froide et qui alimentera le fantasme d'une attaque soviétique de grande ampleur en Europe. Du fait de l'inexpérience des troupes soviétiques, le concept connaît à peine le début d'une application (quelques parachutages) en 1941. Notons encore qu'en juin 41, aucun des régiments de transport (créés le 5 juin 41) censés transporter les parachutistes n'est opérationnel.
Muntz a écrit:Or, une conception ofensive expliquerait bien la défaite soviétique initiale, car une armée qui se prépare pour l'attaque se trouve dépourvue de moyens défensifs importants. Cette idée a été déjà exposée par des historiens militaires russes, comme Mikhaïl Meltyukhov (que je n'ai pas eu l'occasion de lire encore). Mais je vous laisse un petit lien (en anglais): http://www.bookrags.com/wiki/Stalin%27s_Missed_Chance
Donc non, les soviétiques ne se préparent pas à l'attaque, mais bien à appliquer un système de contre-attaques massives dès les premiers jours de l'offensive allemande. N'oublions pas que les soldats sont dans un état d'alerte permanent depuis le printemps, beaucoup sont fatigués et pas mal d'officiers ont obtenu du repos car la bonne période pour l'attaque semble dépassée. En ce sens on peut dire qu'Hitler attaque l'URSS au meilleur moment.
Muntz a écrit:Bref, à regarder tout cela avec prudence, mais... En tout cas, l'affirmation selon laquelle Barbarossa serait une attaque préventive pour parer à une attaque soviétique, idée défendue par l'historien espagnol César Vidal, est tout à fait ridicule.
À vous lire
Bien entendu!