Le bouquin de
Jean-Pierre Azema,
Robert O.Paxton et
Philippe Burin, sur le 6 juin 44, editions
Tempus, (
Perrin 2004), aborde cette opération
Jubilee (pages 16 à 21), qui se déroula dans la nuit du 18 au 19 août 1942. La date est importante car, d'après les mêmes auteurs, c'est le 24 juillet 1942, que
Roosevelt, accepta la stratégie périphérique de
Churchill, ce qui signifie que Jubilee, n'est en rien une manoeuvre pour détourner le président américain d'une attaque frontale de l'Europe continentale, comme il était prévu dans
Sledgehammer.
1°)
La force alliée :
- 244 bâtiments dont 191 de débarquement.
- 6 086 hommes dont 5 000 fantassins et tankistes canadiens, 1 100 hommes des commandos britanniques, 56 rangers américains, 15 volontaires des
Forces Françaises Libres et 5 interprètes (
à noter que cela ferait 6 176 hommes, une légère différence avec le premier chiffre).
- 58 escadrilles.
2°)
Le plan :
Les 5 zones à investir s'étiraient sur 17 kilomètres de part et d'autre de
Dieppe.
Les commandos anglais devaient neutraliser à
Berneval et à
Varengeville des batteries extérieures allemandes qui risquaient d'atteindre les navires restés au large.
A
Puys et à
Pourcheville, deux bataillons de Canadiens devaient investir les défenses ennemies sur les falaises de part et d'autre de
Dieppe qui balayaient le port et la plage.
Deux autres bataillons d'infanterie canadienne et un bataillon de chars
Churchill (version MK IICS), débarqueraient alors sur les 1 500 mètres de plage.
Ce dispositif, en deux temps, ne prenait pas en compte le relief difficile de la côte dieppoise, dominant d'étriutes plages de galets, coupées de rares valleuses ravinées et de hautes falaises, peu adaptées à un assaut direct.
La zone était défendue par la 302e division de la
Wehrmacht, qui si elle était composée de fantassins inexpérimentés, était déjà en alerte, suite au raid de
Saint-Nazaire.
3°)
Une première étape désastreuse !
Si à
Berneval et à
Varengeville, les commandos anglais mirent hors combat quelques batteries extérieures, le débarquement échoua partiellement à
Pourville. A
Puys, ce fut la catastrophe, puisque les canadiens du
Royal Regiment perdirent 670 soldats et officiers, dont 152 morts, contre 2 allemands ! Le plus grand nombre fut fait prisonnier et seuls, 67 combattants de cette unité de la 2e division canadienne revinrent en Angleterre.
4°)
L'échec du débarquement de Dieppe.
Les forces principales, peu protégées sur leurs flancs, furent alors des cibles faciles, sur leurs chalands de bois, avant même d'atteindre la plage. Les 28 chars
Churchill qui devaient les appuyer eurent les plus grandes difficultés à progresser sur les galets.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Churchill La partie manifestement perdue, le réembarquement fut décidé à 9 h 30 et prit deux longues heures sous le feu de la
Luftwaffe qui avait la maîtrise du ciel.
5°)
Un terrible bilan.
Les pertes anglo-canadiennes s'élevèrent à 4 397 morts, blessés, disparus ou prisonniers, soit les 2/3 des effectifs embarqués. Les Canadiens à eux seuls déploraient 907 tués et 1 874 prisonniers. Les allemands ne perdirent que 513 hommes.
Laval envoya un message de félicitations aux troupes allemandes alors qu'
Hitler, lui, soigna sa propagande en faisant libérer des prisonniers franças originaires de
Dieppe pour récompenser la population de sa retenue.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Jubilee6°)
Les conséquences de Jubilee.
Alors que les militaires mirent cette déroute sur la rencontre inopiné, du convoi, la nuit, avec un petit convoi allemand, annulant, de fait, l'effet de surprise, personne ne releva que le général
Roberts, siégeant sur le destroyer
Calpe, suivit l'opération dans le brouillard, n'étant nullement informé du déroulement sur les 5 théâtres d'opérations, empêchant toute coordination.
Plus graves, furent les tergiversations sur les modalités de l'entreprise, oscillant entre un raid de commandos et un projet de plus grande envergure.
La politique des raids avait eu, à son actif, des résultats encourageants avec la destruction, à
Bruneval, dans la nuit du 27 au 28 février, d'un radar dernier cri, ou de la mise hors service qui fit grand buirt, le 28 mars, à
Saint-Nazaire, de la porte de la cale sèche qui pouvait abriter les grands cuirassés de la
Kriegsmarine.
De jeunes officiers comme le capitaine de vaisseau,
Lord Mounbatten, commencèrent à rêver d'opérations plus ambitieuses et le
War Office souhaitait tester le nouveau matériel, notamment le char
Churchill de 43 tonnes, suffisamment étanche pour évoluer dans une eau profonde de 2 mètres), tout en entraînant une fraction des 150 000 canadiens présents sur le sol britannique.
Sur le plan stratégique, il s'agissait de combiner deux exigences dictées par la situation internationale. Les anglais prêchaient la prudence et une stratégie périphérique menaçant indirectement le
Reich et se heuraient aux américains prêts à établir, avec l'opération
Sledgehammer, une tête de pont en Bretagne et sur le Cotentin (
même si Roosevelt avait accepté cette stratégie, dès le 24 juillet), alors que les soviétiques demandaient, frénétiquement, l'ouverture d'un second front. L'opération devait donc être signal qu'on voulait fort, envoyé à
Staline.
Personnellement, je pense que
Jubilee était la conjugaison d'un désir de la hiérarchie des commandos britanniques de poursuivre dans des raids d'envergure et d'une volonté politique de donner des singes de bonne volonté aux soviétiques, dans l'urgence. L'opération fut un échec sur ses deux plans. Attaquer un port parfaitement défendu, étroitement dominé par de hautes falaises et sans avoir la supériorité aérienne était une folie ! D'ailleurs, les officiers allemands se sont déclarés sidérés par l'amateurisme de l'entreprise, soulignant les difficultés d'une opération amphibie ! Ce sont les valeureux soldats canadiens qui payèrent l'imprévoyance et la légèreté du commandement anglais !