François Delpla a écrit: La visite de Molotov est à voir sous cet éclairage : il est loin d'être aussi cassant et de mauvaise volonté que Carlo et TT ne le prétendent, mais enfin ce n'est pas le grand beau temps et pour cause. Molotov s'imagine en visite chez un demandeur, qui veut réellement développer une agression contre les intérêts anglais en Espagne et en Afrique, avec l'aide de Pétain et de Franco qu'il vient d'aller voir. Il monnaye donc assez cher le concours de l'URSS (à qui Hitler affecte de demander d'attaquer l'Inde !)... et rien n'en sort, ce qui était le but même de la nation visitée.
Il s'agit ensuite de préparer Barbarossa tranquillement, en le laissant entendre à Staline pour le faire trembler, mais en lui laissant aussi entendre que ce n'est pas sûr, pour le faire ramper. Et cela marche à merveille.
Revenons en aux faits, rien qu'aux faits, avec la fameuse rencontre Hitler-Molotov, à Berlin, en novembre 1940, qui souligne que les soviétiques sont loins d'avoir été hypnotisés par le Führer :
Source : Hitler de Ian Kershaw, Flammarion, 2000, pages 501 à 502.
Lorsque Molotov avait été invité à Berlin, les relations germano-soviétiques s'étaient déjà refroidies. Les desseins soviétiques sur des parties de la Roumanie et sur la Finlande avaient poussé les allemands à s'engager directement dans la région. Inquiet pour les gisements de pétrole de Ploesti, et à la demande du général Antonescu, Hitler avait consenti en septembre, à envoyer en Roumanie une mission militaire comprenant un certain nombre de divisions blindées et des unités aériennes, théoriquement, pour réorganiser l'armée roumaine. Les russes protestèrent vainement que la garantie par les allemands des frontières roumaines violait le pacte de 1939. Et, fin novembre, la Roumanie entra définitivement dans l'orbite de l'Allemagne en rejoignant le pacte tripartite.
Molotov et son entourage arrivèrent à Berlin le 12 novembre. Avec leurs habits miteux, Weizsäcker leur trouva des airs de figurants dans des films policiers (page 502). (...) Les négociations, qui se déroulèrent dans le bureau de Ribbentrop, à l'intérieur de l'ancien palais présidentiel, tournèrent mal dès le début.
Molotov mitrailla Hitler de toute une série de questions précises sur la Finlande, les Balkans, le pacte tripartite et les sphères d'influence proposées en Asie, prenant le dictateur par surprise. Visiblement déconfit, Hitler demanda un ajournement de pure convenance.
Molotov n'en avait pas terminé. Le lendemain, il reprit la discussion là où Hitler l'avait interrompue. Il ne répondit pas à Hitler, qui avait suggéré à l'URSS, de tourner ses regards vers le sud et de penser aux dépouilles de l'Empire britannique. Mais Molotov insistement lourdement auprès du dictateur sur l'intérêt des allemands pour la Finlande, qu'il jugeait en contravention avec le pacte de 1939, mais aussi sur la garantie des frontières roumaines et la mission militaire envoyée dans ce pays. Il demanda comment l'Allemagne réagirait si l'URSS faisait de même avec la Bulgarie !
Symbole du fiasco des négociaitons, le banquet de clôture se termina dans le désarroi sous le mugissement des sirènes annonçant des raids aériens. Dans son bunker privé, Ribbentrop sortit de sa manche un projet d'accord et essaya de convaincre Molotovde se joindre à une partage du globe à 4.
Molotov rappela à l'allemand que les soviétiques s'intéressaient plus aux Balkans et à la Baltique qu'à l'océan Indien.
Le 26 novembre, le Commissaire aux affaires étrangères fit par à l'ambassadeur allemand à Moscou, Graf von Schulenburg, des conditions que mettaient les soviétiques pour se joindre à pacte à 4 :
- le retrait des troupes allemandes de Finlande.
- la reconnaisance de la Bulgarie dans la sphère d'influence russe.
- l'octroi de bases en Turquie.
- l'accepation de l'expansion soviétique dans le Golfe Persique.
- cession par le Japon de la partie sud de Sakhaline.
Bref, on ne peut pas dire que l'entrevue s'est bien placée. Kershaw parle de véritable fiasco. Le soviétique ne s'en laissant pas compter par les fadaises orientales des allemands, qui voulaient le détourner du front européen. Hitler et son Ministre des affaires étrangères se sont trouvés devant un homme décidé et ambitieux dans ses revendications, voir les conditions posées à la signature d'un nouvel accord, le 26 novembre.