Post Numéro: 60 de François Delpla 02 Nov 2008, 07:33
Il est vrai que ce fil montre le chemin parcouru... à condition qu'on le rappelle. Il n'y a pas plus de 15 ans que des historiens ont commencé à mettre en doute le sérieux de la décision hitlérienne d'envahir l'Angleterre et à relativiser, par contrecoup, la "victoire" de celle-ci dans sa "bataille".
Bon, voyons maintenant ce qu'on m'a répondu sur les Horaces et les Curiaces.
Tie-tie : il ne faut pas commencer par déformer en sortant les grands mots. Personne ne parle d'une mission dévolue aux Etats-Unis... et à la veille de la possible élection d'Obama ce serait particulièrement de mauvais goût. Ce que la planète attend de lui c'est justement la fin de l'arrogance missionnaire et le début d'un jeu plus collectif.
Roosevelt réagit au nazisme, ce qui s'appelle réagir, à un moment précis : l'assaut allemand contre la Norvège. C'est à ce moment qu'il annonce un réarmement à grande échelle. Tout ce qui précède lui a glissé dessus. Le moins qu'on puisse dire est qu'il est un peu tard, sauf improbable venue de Churchill au pouvoir et plus improbable encore maintien de son gouvernement dans la débâcle française. Il a donc été trompé par la mise en scène de la faiblesse hitlérienne, comme un enfant. Et comme un enfant il crie quand il voit que le diable a les moyens de ses menaces.
Il faut relire ce que Churchill lui écrit pendant la drôle de guerre et surtout la chute de la France. Il ne sait comment le secouer, et c'est lui qui va jusqu'à le traiter de pitre, en avançant que ses paroles de soutien seront "un sujet d'hilarité sur la scène de l'histoire". Preuve de son exaspération et de son angoisse, car pendant 5 ans il ne va guère se départir d'un respect absolu envers celui dont tellement de choses dépendent.
Carlo : pour l'URSS on pourrait reprendre beaucoup de ce qui précède, et notamment la sous-estimation du danger hitlérien. O certes, Staline le mesure en termes militaires, même s'il a tendance à l'appeler "l'impérialisme allemand". Mais il ne comprend rien au talent du bonhomme, à sa capacité de foncer brusquement après une série de figures de torero. Ce qu'il prévoit sans doute c'est un assaut frontal contre lui dans une neutralité amusée du reste du monde, dont les classes dirigeantes espéreront plus ou moins haut la fin du bolchevisme. Ce qui importe alors c'est de vendre chèrement le moindre mètre carré, le temps que les esprits bourgeois s'apaisent et calculent (les pertes et profits d'un succès allemand et nazi) et que les classes ouvrières se réveillent. Cela dit, il sent bien que ce sera dur et qu'il vaudrait mieux éviter : ses efforts vers la sécurité collective en 34-39 sont réels et toujours recommencés (ils ne sont limités que par le souci de ne pas en faire trop, notamment à la veille de Munich, pour ne pas attirer la foudre... déjà). Mais ils peuvent aussi s'interpréter comme une assurance tous risques : soit l'entente des autres puissances pour sauvegarder la paix dissuade Hitler et tout va bien, soit la bonne volonté soviétique en matière de droit international fera clairement apparaître que l'agresseur est allemand. Bref il croit enfermer Hitler dans un pénible dilemme alors que c'est lui qui se laisse acculer, à signer le pacte d'abord, à assister passivement à la ruine du contrepoids français ensuite, enfin à subir un choc démultiplié par les triomphes précédents.